Gaz de schiste : l’enjeu de la performance environnementale

Si la production intensive de gaz de schiste est limitée aujourd’hui au territoire américain, de nombreux pays souhaiteraient exploiter leurs réserves ; Alcimed, la société de conseil et d’aide à la décision, revient sur l’enjeu majeur de l’exploitation des gaz de schiste : la performance environnementale.

L’exploitation du gaz de schiste a commencé aux Etats-Unis dans les années 1970, mais c’est en 2004 que l’industrie a pris son essor. Aujourd’hui, les Etats-Unis, avec 24.000 milliards de mètres cubes de réserves (24 tcm) sont le seul pays producteur à un niveau commercial (140 bcm par an) ; en 2010, le gaz de schiste représentait 23% de l’approvisionnement en gaz naturel du pays. Mais d’autres pays comme la Chine, l’Argentine, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada ou la Pologne possèdent également d’importantes réserves qui ne sont pas encore exploitées (voir graphique).

Face à la « success story » américaine, d’autres pays se préparent à se lancer dans l’aventure du gaz de schiste. D’une part, le Canada possède déjà quelques puits en production en Colombie Britannique ; d’autre part, la Chine, l’Australie et la Pologne s’intéressent à cette industrie de très près : la Chine et la Pologne multiplient les forages et accordent des permis qui ont déjà donné lieu à quelques fracturations hydrauliques (moins de cinq dans chacun des pays). Certains tests se sont révélés très concluants (Chine), d’autres un peu moins (Pologne), de telle sorte qu’il semble difficile d’envisager que cette dernière atteigne des niveaux de production par puits similaires à ceux des Etats-Unis1.

L’Australie se concentre aujourd’hui sur l’exploitation de son gaz de houille (Coal Bed Methane – CBM) et n’envisage pas de s’attaquer à la production de gaz de schiste avant au moins 5, voire 10 ans2. Les autres pays européens possédant des réserves de gaz des schistes ont émis des réserves quant à leur exploitation pour des raisons environnementales : après la France en
janvier 2011, la Bulgarie vient à son tour d’imposer un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste.

Le gaz de schiste permet de diminuer le prix du gaz dans les pays concernés et d’apporter une sécurité de l’approvisionnement énergétique.

Initialement, les bassins de gaz de schiste étaient exploités grâce au forage de puits horizontaux peu profonds (300 à 1000 mètres) et à de petites fracturations hydrauliques. Puis, à partir de 2002 et grâce au développement des techniques de forage horizontal, la performance des nouveaux puits a triplé par rapport aux puits verticaux ; en conséquence, la rentabilité économique de la production des gaz de schiste s’est améliorée et l’exploitation des gaz de schiste a pris un essor exponentiel3.

C’est le Barnett Shale (Texas) qui a été le terrain test pour ces nouvelles techniques et c’est grâce à ce virage technologique que la production de gaz de ce bassin a quadruplé entre 2004 et 2009. Dès 2007, la mise en oeuvre de forages horizontaux a également ouvert de nouveaux horizons dans le Marcellus Shale (Pennsylvanie, Virginie), très exploité à partir de 2008. En parallèle de la récession économique, la production de gaz de schiste s’est accélérée dans le Marcellus Shale ce qui a eu pour conséquence de faire chuter les prix du gaz de 320 dollars par millier de mètres cubes à 100 dollars 4-5.

Enjeu : pas de gaz de schiste sans performance environnementale

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Selon l’Energy Information Administration, le gaz de schiste devrait fournir pas loin de 50% de la production de gaz des Etats-Unis d’ici 2035. En outre, d’ici 2020, certains analystes pensent que les Etats-Unis pourraient atteindre des niveaux de production d’hydrocarbures similaires aux niveaux de production des années 1970, plaçant le pays au rang de premier producteur mondial, devant la Russie et l’Arabie Saoudite6.

En Europe, c’est la sécurité énergétique que convoitent la Pologne ou la Lituanie pour se libérer de leur dépendance gazière vis-à-vis de la Russie (respectivement 50% et 100% en 2007 selon la Commission Européenne7). Aujourd’hui, les deux pays sont encore en phase exploratoire, mais les ressources sont suffisamment prometteuses en Pologne pour avoir déjà attiré certains majors pétroliers sur place : Exxon, Chevron, ConocoPhillips, Total etc.

L’impact environnemental de l’exploitation des gaz de schiste n’est pas neutre : les opérateurs doivent améliorer leur performance environnementale.

Le processus de production, les opérations et les ressources qui sont impliqués dans le développement de l’industrie du gaz de schiste ne sont pas sans impact sur la santé et sur l’environnement (dégradation des routes, pollution sonore, impacts sismiques etc.). Dans ce contexte, les risques liés à l’eau sont les plus cruciaux.

L’eau, un problème majeur dans l’exploitation des gaz de schiste

L’impact de l’exploration et de la production de gaz de schiste sur l’eau est triple. Tout d’abord, les opérateurs doivent s’assurer qu’ils ont à leur disposition un volume suffisamment important d’eau pour le forage puis pour la fracturation hydraulique (environ 15 000 mètres cubes par puits, pour une dizaine de fracturations, organisées sur une semaine).

Ensuite, pour chaque puits fracturé, une partie du fluide de fracturation (composé à 90% d’eau, 9% de sable et 1% de divers additifs comme des agents anti-bactériens, des anti-corrosifs etc8) et de l’eau produite remontent à la surface 9. Puis, une large majorité de ces eaux est aujourd’hui placée dans des puits de stockage (sauf dans le Marcellus Shale où les puits de stockage sont interdits) ou traitée dans des usines de traitement municipales avant rejet. « La réutilisation de l’eau pour des fracturations futures est encore loin d’être la norme aux Etats-Unis, mais la pression environnementale et les avantages économiques du traitement de l’eau dans certaines situations commencent à pousser les opérateurs à opter pour cette solution, » précise Cécile Marion, Consultante dans l’activité Energie & Environnement chez Alcimed.

Enfin, les opérateurs se doivent d’empêcher d’éventuelles contaminations des aquifères d’eau potable par les fluides de forage et de fracturation. En effet, les réservoirs de gaz de schiste sont souvent situés à plusieurs centaines de mètres en dessous des aquifères, qui sont donc traversés par les canalisations de forage. Aujourd’hui, les problèmes relevés aux Etats-Unis semblent être dus à un défaut de cimentation dans les parties supérieures du forage et non pas à la fracturation hydraulique. Bien entendu, cet aspect des opérations est au centre des préoccupations des opérateurs.

Les opérateurs sont en quête d’amélioration de leurs performances environnementales

Face à ces risques et face aux critiques de certaines associations environnementales (surtout en Pennsylvanie), les producteurs de gaz de schiste ne peuvent plus se permettre d’opérer sans se soucier de leur impact environnemental. Ceci est d’autant plus vrai que les opérateurs sont soucieux de leur image.

Aux débuts de la production des gaz de schiste, les opérateurs étaient des entreprises locales, à quelques exceptions près comme Chesapeake ou Petrohawk Operating Company. Mais à partir de novembre 2010, avec l’acquisition de XTO Energy par ExxonMobil, le visage de l’industrie a changé.

En 2010, d’autres majors pétroliers sont entrés dans la course
: Royal Dutch Shell, Chevron, Total ainsi que BP et Statoil. Et, en 2011, les pétroliers chinois comme CNOOC et Petrochina ont
commencé à investir dans des entreprises comme Chesapeake et EnCana (respectivement). Aujourd’hui, la liste des plus grands opérateurs de gaz de schiste américains ressemble de
plus en plus à la liste des majors pétroliers10.

Ceux-ci ne peuvent pas se permettre d’être associés à une dégradation de l’environnement auprès du public. Le gaz de schiste est une ressource dont ils ne peuvent pas se passer, mais pour y avoir accès, il faut qu’ils prouvent à la fois aux administrations locales et au public, qu’ils sont capables de gérer leurs opérations de manière responsable. « Les majors pétroliers doivent donc mettre la performance environnementale au coeur de leurs activités : cela passe par la bonne gestion des ressources en eau (prélèvement, recyclage, rejet), des nuisances environnementales au sol (transport de l’eau et du gaz, stockage de l’eau etc.) et dans l’air (rejet de gaz à effet de serre par exemple), » conclut Jean-Philippe Tridant Bel, Responsable de l’activité Energie & Environnement d’alcimed.

 

NOTES :
1 Lien ICI
2 Lien ICI
3 Lien .PDF ICI
4 Lien ICI
5 Lien ICI
6 Lien ICI
7 Lien ICI
8 Source : ICI
9 Selon « Water Management in the Marcellus Shale », 30 à 70% du volume de fluide de fracturation remonte à la surface. Mais dans le Marcellus, le volume récupéré est souvent en dessous de 25%.
10 Lien ICI

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ecoenergie

Une gêne pour les voisins ? une alteration de l’eau ? oui mais il y a plus important le gaz de schiste est un combustible fossile au même titre que le petrole ou le gaz naturel L’utilisation du gaz de schiste va conduire a augmenter encore nos productions de CO2.

christophe1007

L’exploitation du gaz traditionnel provoque des pertes de méthane qui rendent cette énergie plus dangereuse pour l’effet de serre que l’emploi du charbon. Dans le cas du gaz de shiste ce défaut est décuplé.

Sicetaitsimple

Plus dangereux pour l’effet de serre que le charbon? Peut-être, vous avez des chiffres? Décuplé ( multiplié par dix donc)dans le cas du gaz de schiste, ben même question…

Pastilleverte

Gasland est un film aussi probant pour les gaz de schistes qu’une “Vérité qui dérange” pour les changements climatiques. (un tiers de faits bien réels, un tiers de science-fiction un tiers d’alarmisme catstrophiste) Cherchez bien et vous trouverez l’interview du réalisateur (de gasland) qui reconnaît du bout des lèvres que le “coup” du gaz dans l’eau du robinet (scène par ailleurs pas du tout bidonnée) était antérieur à l’exploitation du gaz de sciste. Que ladite exploitation n’ait pas freiné le phénomène, on l’admettra sans aucun problème ! Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait descendre la fièvre !

Guydegif(91)

”Aujourd’hui, les problèmes relevés aux Etats-Unis semblent être dus à un défaut de cimentation dans les parties supérieures du forage et non pas à la fracturation hydraulique.” Voilà le 1er aspect à prendre en compte quel que soit le forage à réaliser ! Les soins apportés à cette cimentation garantiront une isolation des différents couches traversées et des fluides présents. Ceci s’applique aussi aux forages pour géothermie, irrigation, etc…. Les m3 d’eau requis pour la fracturation hydraulique est le 2ème aspect à prendre en compte: recycler pour utilisation multiple est un must pour éviter les gâchis…. Tout ça évidemment ne s’appliquera en France qu’après… le moratoire…. A+ Salutations Guydegif(91)