Le GIEC mise sur les énergies renouvelables (II)

Un nouveau rapport du Groupe inter- gouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) estime que près de 80 % de l’appro- visionnement énergétique mondial pourrait être couvert par les énergies renouvelables à l’horizon 2050 à condition que des politiques publiques adaptées soient mises en place, précise

Le rapport conclut que la part des énergies renouvelables devrait augmenter même en l’absence de nouvelles mesures propices, alors que les expériences passées montrent que les augmentations les plus importantes sont associées à l’adoption de mesures politiques concertées.

Dans certains cas, les technologies des énergies renouvelables sont d’ors et déjà compétitives d’un point de vue économique, mais les coûts de production sont encore souvent supérieurs aux prix du marché. Toutefois, si l’on monétisait les conséquences sur l’environnement des émissions de polluants et de gaz à effet de serre par exemple, et si l’on intégrait les coûts engendrés dans le prix de l’énergie, le nombre d’énergies renouvelables économiquement rentables pourrait augmenter.

Pour la plupart d’entre elles, les coûts ont baissé au cours des dernières décennies et les auteurs anticipent des progrès techniques importants et de nouvelles réductions de coûts, augmentant ainsi les capacités d’atténuation des effets des changements climatiques.

Les politiques publiques qui prendront en compte les avantages supérieurs des énergies renouvelables en termes économiques, sociaux et environnementaux, notamment leur capacité à réduire les émissions atmosphériques et améliorer la santé publique, constitueront un facteur déterminant dans la poursuite des objectifs envisagés dans les scénarios de déploiement les plus optimistes.

Augmenter la part des énergies renouvelables implique de fournir des efforts d’intégration supplémentaires sur le moyen et le long terme. Les études montrent clairement qu’en conjuguant différentes sources d’énergie renouvelables et en élargissement géographiquement les zones de ressources on pourrait avantageusement atténuer la variabilité des approvisionnements et diminuer les incertitudes d’alimentation des réseaux électriques.

Dans le domaine des énergies renouvelables, l’optimisation de la capacité des infrastructures passe obligatoirement par la mise en oeuvre de technologies modernes. En outre, il convient d’établir un équilibre entre l’offre et la demande, par exemple en s’appuyant sur des outils perfectionnés de prévision de l’offre et de la demande et de programmation des installations.

« Cette évaluation du GIEC a ceci d’exceptionnel qu’elle nous permet de réunir un large éventail d’experts, spécialistes de chacune des technologies examinées et chargés de travailler en collaboration avec des chercheurs dont la mission est d’étudier les systèmes énergétiques dans leur ensemble. Il s’agit d’un rapport impartial, de portée générale, sur l’état actuel des connaissances traitant du potentiel présent et futur d’une filière énergétique économe en ressources et sobre en carbone » déclare le Professeur Edenhofer.

Principales conclusions du Résumé à l’intention des décideurs

• Sur les quelque 300 gigawatts (GW) produits par les nouvelles capacités de production électrique qui sont venues s’ajouter aux infrastructures existantes à l’échelle mondiale entre 2008 et 2009, 140 GW sont issus des énergies renouvelables.

• En dépit des difficultés financières mondiales, la part des énergies renouvelables a augmenté en 2009 : énergie éolienne – plus de 30 % ; énergie hydroélectrique – 3 % ; énergie photovoltaïque raccordée au réseau – plus de 50 % ; énergie géothermique – 4 % ; chauffage solaire de l’eau – plus de 20 %. Par ailleurs, la production d’éthanol et de biodiesel a augmenté de 10 et 9 % respectivement.

• Plus de 50 % des capacités mondiales existantes de production d’électricité issue des énergies renouvelables sont implantées dans les pays en développement.

• La plupart des scénarios analysés estiment qu’à l’horizon 2050 la contribution des énergies renouvelables à une offre énergétique sobre en carbone sera supérieure à celle de l’énergie nucléaire ou des combustibles fossiles qui font appel au piégeage et au stockage du carbone.

• Le potentiel technique des technologies des énergies renouvelables est très largement supérieur à la demande énergétique mondiale actuelle, tant à l’échelle de la planète que dans la plupart des régions du monde.

• D’après les scénarios ayant fait l’objet d’une analyse détaillée, moins de 2,5 % du potentiel technique des énergies renouvelables sont actuellement utilisés dans le monde. En d’autres termes, plus de 97 % demeurent inexploités, ce qui signifie clairement que la question de la disponibilité des ressources en énergies renouvelable ne se pose même pas.

• L’accélération du déploiement des énergies renouvelables entraînera de nouvelles difficultés technologiques et institutionnelles, en particulier en termes d’intégration dans les systèmes énergétiques existants et les secteurs d’utilisation finale.

• Selon les quatre scénarios précités, les investissements décennaux dans le secteur de l’électricité issue des énergies renouvelables à l’échelle mondiale oscillent entre 1 360 et 5 100 milliards de dollars É-U d’ici à 2020 et 1 490 et 7 180 milliards de dollars É-U pour la décennie 2021-2030. Pour les valeurs les plus faibles, les investissements annuels moyens sont inférieurs aux investissements dans les énergies renouvelables enregistrés pour 2009.

• Des politiques publiques bien ciblées associées à des investissements de recherche et développement permettraient de réduire le prix des combustibles et les coûts de financement, et donc abaisseraient les coûts additionnels liés aux technologies des énergies renouvelables.

• Les décideurs publics pourraient s’appuyer sur les nombreuses expériences analysées pour élaborer et mettre en oeuvre les politiques les plus favorables possibles ; mais il n’existe pas de politique visant à promouvoir les énergies renouvelables adaptée à toutes les situations.

Principales technologies des énergies renouvelables : perspectives

Les technologies de la bioénergie permettent de produire de l’électricité, de la chaleur et des combustibles à partir de nombreuses matières premières biologiques.

Certains systèmes bioénergétiques, notamment ceux qui impliquent de convertir les terres aux cultures destinées à la production d’énergie et à la biomasse agricole, peuvent être à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre bien supérieures à celles contre lesquelles ils sont censés lutter. Toutefois certains autres, tels que des systèmes de conversion avancés destinés, par exemple, à convertir des résidus ligneux en combustibles liquides, peuvent permettre de réduire de 80 à 90 % les émissions par rapport aux combustibles fossiles.

La bioénergie, essentiellement utilisée pour la cuisson des aliments et le chauffage traditionnels dans les pays en développement, représente actuellement 10 % de l’approvisionnement énergétique mondial, soit environ 50 EJ par an.

Même si la part de la bioénergie dans le mix énergétique global est susceptible de diminuer au cours des décennies à venir, elle pourrait encore fournir de 100 à 300 EJ d’ici 2050, selon les conclusions des experts.

Les technologies faisant appel à l’énergie solaire directe couvrent le solaire photovoltaïque et le solaire thermodynamique. Elles permettent de produire de l’électricité, de la chaleur et de la lumière. À l’heure actuelle, l’énergie solaire directe entre pour moins d’un pour cent dans l’approvisionnement énergétique mondial.

Les scénarios visant à analyser le potentiel de déploiement des différentes technologies oscillent entre un rôle marginal de l’énergie solaire directe en 2050 et une des sources majeures d’approvisionnement énergétique. La réalité dépendra des capacités d’innovation soutenue et de réduction des coûts, ainsi que de la mise en place de politiques publiques propices.

Dans les scénarios de stabilisation du climat les plus ambitieux, l’énergie solaire représente au maximum 130 EJ par an dans l’approvisionnement total d’énergie primaire à l’horizon 2050, en grande partie grâce à la production d’électricité photovoltaïque. Certains scénarios postulent que sa part pourraient atteindre un tiers d’ici 2050, mais pour la majorité d’entre eux, elle demeurera en-dessous des 10 %.

La géothermie utilise la chaleur emmagasinée dans les profondeurs de la Terre directement ou pour produire de l’électricité, à raison d’environ 0,7 EJ par an actuellement. À l’horizon 2050, le déploiement de la géothermie pourrait satisfaire plus de 3 % de la demande mondiale en électricité et environ 5 % de la demande mondiale en chauffage.

Le potentiel technique mondial de la géothermie est comparable au niveau d’approvisionnement en énergie primaire à l’échelle de la planète en 2008. Toutefois, dans aucun des scénarios analysés l’énergie géothermique n’atteint les limites de son potentiel technique. Son taux de déploiement se maintient en effet en-dessous de 5 % tant au niveau régional que mondial.

Les projets hydroélectriques englobent les projets de barrages-réservoirs et les centrales d’éclusées ou au fil de l’eau, des plus grands aux plus petits. La puissance installée à la fin 2008 s’élevait à 16 % de l’approvisionnement mondial en électricité, l’énergie hydraulique étant alors la plus importante source d’énergie au monde dans le secteur électrique.

Les scénarios à long terme prévoient que la part de l’énergie hydroélectrique dans l’approvisionnement mondial pourrait diminuer de 10 à 14 %. Malgré l’augmentation en valeur absolue des approvisionnements en énergie hydroélectrique, la croissance attendue de la demande dans ce domaine et la poursuite de l’électrification pourraient aboutir à une part en baisse.

Les technologies liées à l’énergie marine sont diverses et font appel à l’énergie cinétique, thermique et chimique des eaux de mer. La plupart en sont encore au stade de projets pilotes ou de démonstration. Il est peu probable que ces techniques naissantes puissent contribuer de manière significative à l’approvisionnement énergétique mondial avant 2020.

L’énergie marine n’est analysée que dans un faible nombre de scénarios. D’après l’étude réalisée, les prévisions de déploiement indiquent un approvisionnement énergétique équivalent à 7 EJ maximum par an d’ici 2050.

La principale application de l’énergie éolienne dans le cadre la lutte contre les effets des changements climatiques est la production d’électricité grâce à de grandes éoliennes implantées sur terre ou en mer. La puissance éolienne installée à la fin 2009 couvrait presque 2 % des besoins mondiaux en électricité.

L’étude montre un taux de croissance élevé en Europe, en Amérique du Nord et, plus récemment, en Chine et en Inde. Mais il faudra sans doute élargir la distribution géographique des technologies déployées pour pouvoir atteindre les niveaux envisagés dans la fourchette haute des scénarios.

Selon les projections des besoins dans un certain nombre de scénarios, la part de l’énergie éolienne au niveau mondial pourrait augmenter de plus de 20 % à l’horizon 2050.

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Ecospam

“Sur les quelque 300 gigawatts (GW) produits par les nouvelles capacités de production électrique qui sont venues s’ajouter aux infrastructures existantes à l’échelle mondiale entre 2008 et 2009, 140 GW sont issus des énergies renouvelables.” Il serait bon que le GIEC (comme à peu près 99% de ceux qui écrivent sur cette question précise) arrête de comparer les puissances installées, mais compare plutôt l’énergie produite à l”année. Avec un “facteur de charge” bien plus faible pour les renouvelables, la comparaison est “très fausse” (et bien sur beaucoup trop favorable pour les renouvelables…). Tant qu’on fait des erreurs d’un facteur 3 ou 4 pour l’éolien et d’un facteur 7 ou 8 ou le solaire PV, comment voulez vous que les “décideurs” aient les bonnes infos? PS: je suis à fond pour les renouvelables, mais il faut savoir de quoi on parle….

jl06

Je suis bien d’accord sur les abus de langage et les confusions dans le domaine puissance-énergie. Cependant, en ce qui concerne le GIEC, il me semble qu’ils ont pris garde d’établir une échelle commune de comparaison. Le rapport précise qu’ils utilisent a méthode des “équivalents directs” pour comptabiliser les énergies primaires. Selon cette approche, les combustibles restent comptés au titre de leur chaleur de combustion (PCI en général, mais il ne précisent pas dans le résumé) tandis que les autres sources d’énergie sont évaluées sur la base de l’énergie secondaire qu’elles permettent de produire. On peut débattre de la méthode, mais au moins le GIEC précise ses hypothèses. Notons que ceci illustre parfaitement un commentaire que je faisais plus tôt: les rapports du GIEC sont généralement complets, mais il faut chercher!

suntep

tiens ? des commentaires censés ..? nos amis pro-nucléaires devraient pas tarder à se réveiller ;-p

Killerqueen

mais ou donc passé la technologie hydrogène…. ? Ce point là n’est nullement abordé !

Pastilleverte

Déjà se méfier des “résumés pour les décideurs” par rapport au … rapport complet, comme pour tous les travaux directement climatiques du GIEC. Mais admettons que les “résumeurs” ne se sont pas fait plaisir, mais reflètent bien le contenu du “gros ” rapport (on peut rêver !) Evidemment il est interdit, pour cause d’hérétisme de commencer par remettre en cause la question des GES (traduire le CO2) comme seuls responsables des changements climatiques (mais puisqu’on vout dit qu’il n’y a pas de variablilité naturelle, et que le soleil ne joue aucun rôle dans le climat, quelle idée stupide, ) Donc en résumé : bioénergie = biomasse “primitive” (techniquement), source de maladies pulmonaires 3° cause de mortalité mondiale, et 1° cause dans les pays pauvres (cuisine, chauffage) De plus, concurrence avec l’alimentaire, noobstant les 2°, 3° etc  générations Energie solaire directe : dans l’absolu plusieurs fois les besoins annuels par jour, seul problème récolter en un max à coùts abordables : ça progresse de jour en jour, mais c’est pas en 2050 que ça va suffire. Energie marine : voir énergie solaire direct… en pire Hydroélectricité : 90% (au moins) du potentiel est déjà exploité, et que je sache, les impacts environnementaux ne sont pas nuls, sans parler du CH4 stocké par les barrages de retenues. Géothermie : dommage, c’est vraiment la plus intelligente des enr connues, c’est comme l’énergie solaire directe, mais en plus concentré… si on arrive à creuser assez profond, d’où question des coûts pas régéle, ni celle de la corrosion. Eolien : un rendement très mauvais (quid du feed back cause intermittence ?) sauf, et encore, à faire des monstres en taille, et/ou loin en mer et/ou den haute altitude, mais quid dans ce cas de l’entretien, et des impacts visuels et sur la faune aviaire ?. Bon, contrairement aux apprences, je ne suis pas contre les enr, mais même en étant des plus optimistes (ou utopistes ?) si au niveau mondial on arrive, avec volonté politique à assurer plus de 25% de la PRODUCTION d’énergie TOTALE en 2050, j’offrirai une caisse de Champagne (bio) à tous les lecteurs d’Enerzine. NB1 : à cette date je testerai sans doute la biodécomposition  NB2 : Je ne dis pas que localement dans certaines régions, les ENR ne pourraient pas atteindre l’objectif de 77%, et pourquoi pas 100% (99,9% pour rester “crédible…), mais surement pas globalement !