Accélération des protons par impulsions laser pour une nouvelle forme de radiothérapie

Accélération des protons par impulsions laser : une percée médicale en vue ?

Faire accélérer les protons grâce à de fortes impulsions laser – ce concept encore jeune promet de nombreux avantages par rapport aux accélérateurs conventionnels. Par exemple, il semble possible de construire des installations beaucoup plus compactes.

Toutefois, les prototypes actuels, dans lesquels les impulsions laser sont tirées sur des feuilles métalliques ultrafines, présentent des faiblesses, notamment en ce qui concerne la fréquence à laquelle ils peuvent accélérer les protons.

Au Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR), un groupe de travail international a testé une technique inédite qui utilise l’hydrogène gelé comme “cible” pour les impulsions laser, une méthode qui pourrait éventuellement constituer la base de concepts de thérapie tumorale avancée.

Un nouvel angle d’approche pour l’accélération des protons

Les accélérateurs de protons conventionnels, comme le Grand collisionneur de hadrons du CERN à Genève, utilisent l’accélération des particules via des ondes radiofréquences puissantes. L’accélération laser, en revanche, repose sur l’impulsion de particules par des impulsions lumineuses ultra-brillantes. Les impulsions laser, extrêmement courtes et puissantes, sont dirigées vers des feuilles de métal ultra-minces. La chaleur générée par la lumière est telle que les électrons sont éjectés en grand nombre, tandis que les noyaux atomiques lourds restent en place.

L’absence d’électrons, chargés négativement, face aux noyaux atomiques, chargés positivement, crée un champ électrique fort. Ce champ peut ensuite propulser une impulsion de protons avec une force énorme sur une distance de seulement quelques micromètres, leur permettant d’atteindre des énergies pour lesquelles des systèmes beaucoup plus longs seraient nécessaires avec la technologie d’accélération conventionnelle.

Des limites aux méthodes traditionnelles

Cependant, la méthode traditionnelle qui consiste à diriger les impulsions laser sur des feuilles de métal présente des inconvénients. Tout d’abord, il est difficile de générer plusieurs impulsions de protons par seconde car la feuille est détruite par un seul tir de laser et doit donc être constamment remplacée. De plus, le processus d’accélération est assez complexe et relativement difficile à contrôler.

Les protons à accélérer proviennent en effet d’hydrocarbures qui se sont accumulés sur les feuilles de métal sous forme de couche de contaminants, ce qui n’est pas idéal pour un contrôle parfait de l’expérience.

Schéma du dispositif expérimental : En envoyant une impulsion intense (rouge) du laser haute puissance HZDR DRACO sur un jet d’hydrogène congelé qui se renouvelle en permanence (bleu), les chercheurs ont pu accélérer massivement des protons sur une distance extrêmement courte (orange). Ils ont enregistré le processus à l’aide d’une impulsion laser optique synchronisée (vert). SLAC National Accelerator Laboratory / G. Stewart

Une nouvelle méthode : le filament plutôt que la feuille

Face à ces contraintes, l’équipe de recherche germano-américaine dirigée par le Dr. Karl Zeil, physicien au HZDR, a proposé une alternative. Au lieu d’une feuille de métal, ils utilisent un fin jet d’hydrogène fortement refroidi. Ce jet sert de cible aux impulsions laser de haute intensité. L’hydrogène, initialement sous forme gazeuse, est refroidi dans un bloc de cuivre jusqu’à devenir liquide. Il est ensuite dirigé à travers une buse dans une chambre à vide, où il continue à se refroidir et se solidifie en un filament de quelques micromètres d’épaisseur.

Ce filament renouvelable offre une nouvelle cible intacte à chaque tir de laser. Cette configuration permet un mécanisme d’accélération plus favorable : les impulsions laser ne se contentent pas de chauffer le matériau, mais utilisent la pression de radiation pour éjecter les électrons de l’hydrogène et créer les champs électriques extrêmes nécessaires à l’accélération des protons.

Des implications prometteuses pour la thérapie tumorale

Avec cette nouvelle approche, l’équipe a pu accélérer des protons jusqu’à une énergie de 80 MeV, une réalisation proche du record précédent pour l’accélération des protons par laser. Cependant, contrairement aux installations précédentes, cette technique a le potentiel de générer plusieurs salves de protons par seconde.

Par ailleurs, le processus d’accélération est relativement simple à simuler pour des cibles d’hydrogène en utilisant le calcul haute performance, une tâche qui a également impliqué le Centre pour la compréhension des systèmes avancés (CASUS) au HZDR. Cela permet de mieux comprendre et optimiser l’interaction entre le laser et la matière.

À l’avenir, cette technologie pourrait s’avérer intéressante pour une nouvelle forme de radiothérapie. Aujourd’hui, certains types de tumeurs sont déjà traités avec succès par irradiation aux protons. L’accélération par laser pourrait augmenter la dose, et donc raccourcir le temps d’irradiation, tout en protégeant mieux les tissus sains environnants, comme le suggère une étude du HZDR.

En synthèse

L’exploration de nouvelles approches de l’accélération des protons offre des perspectives, tant en termes de miniaturisation des installations que d’implications médicales, notamment pour le traitement des tumeurs. La méthode testée par le groupe de travail international du HZDR, qui utilise l’hydrogène gelé comme cible pour les impulsions laser, semble particulièrement prometteuse. Elle offre la possibilité d’une accélération plus contrôlée, plus répétable et potentiellement plus efficace, ouvrant la voie à des concepts de thérapie tumorale avancée.

Article “Ultra-short pulse laser acceleration of protons to 80 MeV from cryogenic hydrogen jets tailored to near-critical density”, in Nature Communications, 2023 (DOI: 10.1038/s41467-023-39739-0) DOI : 10.1038/s41467-023-39739-0 

Photo : Instantanés du jet d’hydrogène ©Copyright : HZDR

[ Rédaction ]

         

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