Comment transformer les déchets électroniques en or sans polluer ?

Comment transformer les déchets électroniques en or sans polluer ?

La quête de la transformation des matériaux de base en or, qui a longtemps animé les alchimistes, trouve un écho moderne dans les travaux du professeur Raffaele Mezzenga du Département des sciences de la santé et de la technologie de l’ETH Zurich. Sans prétendre changer les éléments chimiques en or, le professeur et son équipe ont réussi à extraire l’or des déchets électroniques grâce à un sous-produit de la production fromagère.

Une méthode durable pour l’extraction de l’or

Les déchets électroniques renferment une variété de métaux précieux, tels que le cuivre, le cobalt et, de manière plus significative, de l’or. La récupération de cet or, notamment à partir de smartphones et d’ordinateurs hors d’usage, représente un enjeu majeur face à la demande croissante pour ce métal précieux. Les méthodes d’extraction jusqu’alors connues se révèlent énergivores et souvent nocives pour l’environnement en raison de l’utilisation de produits chimiques toxiques.

L’équipe dirigée par le professeur Mezzenga propose une alternative à la fois efficace, économique et surtout plus respectueuse de l’environnement : l’utilisation d’une éponge fabriquée à partir d’une matrice protéique pour extraire l’or des déchets électroniques.

Comment l’or est récupéré : Les ions d’or adhèrent à une éponge de fibrilles de protéines (Source : Peydayesh M et al. Advanced Materials, 2024, adapté).

L’adsorption sélective de l’or

Pour fabriquer cette éponge, Mohammad Peydayesh, chercheur principal dans le groupe de Mezzenga, et ses collègues ont dénaturé des protéines de lactosérum dans des conditions acides et à haute température, les amenant à s’agréger en nanofibrilles protéiques au sein d’un gel. Le gel a ensuite été séché pour créer une éponge à partir de ces fibrilles protéiques.

Dans le cadre de leurs expériences en laboratoire, l’équipe a récupéré les cartes mères de 20 anciens ordinateurs et en a extrait les parties métalliques. Ces dernières ont été dissoutes dans un bain d’acide pour ioniser les métaux. En plaçant l’éponge de fibres protéiques dans la solution d’ions métalliques, les ions d’or se sont fixés sur les fibres protéiques. Bien que d’autres ions métalliques puissent également s’adhérer aux fibres, les ions d’or le font avec une bien plus grande efficacité. Cette découverte a été démontrée dans leur publication dans la revue Advanced Materials.

En chauffant ensuite l’éponge, les chercheurs ont réduit les ions d’or en paillettes, qu’ils ont par la suite fondues en un lingot d’or. Ainsi, ils ont obtenu un lingot d’environ 450 milligrammes à partir des 20 cartes mères, composé à 91 % d’or (le reste étant du cuivre), ce qui correspond à un or de 22 carats.

Nature morte avec une éponge de fibres de protéines de lactosérum (Photographie : ETH Zurich / Mohammad Peydayesh)

Une viabilité économique avérée

La nouvelle technologie s’avère commercialement viable, comme le démontrent les calculs du professeur Mezzenga : les coûts d’acquisition des matériaux de départ ajoutés aux coûts énergétiques pour l’ensemble du processus sont 50 fois inférieurs à la valeur de l’or qui peut être récupéré.

L’équipe de recherche envisage désormais de développer cette technologie pour la préparer au marché. Bien que les déchets électroniques constituent le produit de départ le plus prometteur pour l’extraction de l’or, d’autres sources sont envisageables, comme les déchets industriels issus de la fabrication de microprocesseurs ou des processus de dorure. De plus, les scientifiques prévoient d’étudier la possibilité de fabriquer les éponges de fibrilles protéiques à partir d’autres sous-produits riches en protéines ou de déchets de l’industrie alimentaire.

Aerogel loaded with gold ions. (Source: Peydayesh M et al. Advanced Materials 2024)

« Le fait que j’apprécie le plus, c’est que nous utilisons un sous-produit de l’industrie alimentaire pour obtenir de l’or à partir de déchets électroniques », déclare Mezzenga. Dans un sens très réel, observe-t-il, la méthode transforme deux types de déchets en or. « On ne peut pas rêver de démarche plus durable que celle-ci ! »

Légende illustration : La pépite d’or obtenue à partir de cartes mères d’ordinateurs en trois parties. La plus grande de ces parties mesure environ cinq millimètres de large. (Photographie : ETH Zurich / Alan Kovacevic)

Peydayesh M, Boschi E, Donat F, Mezzenga R: Gold Recovery from E-​Waste by Food-​Waste Amyloid Aerogels. Advanced Materials 2024, 2310642, doi: 10.1002/adma.202310642

[ Rédaction ]

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