Des véhicules sous-marins autonomes pour cartographier les océans

Des véhicules sous-marins autonomes pour cartographier les océans

Depuis la nuit des temps, les océans ont toujours fasciné l’humanité par leurs mystères insoupçonnés. Si les anciens cartographes dessinaient des monstres marins sur les zones inexplorées, seuls 5% des fonds océaniques sont aujourd’hui cartographiés.

Les véhicules sous-marins autonomes (AUV) et télécommandés (ROUV) permettent d’accéder à des zones jusqu’alors inaccessibles. Cependant, l’autonomie énergétique limite les capacités d’exploration en profondeur.

Les chercheurs travaillent sur des solutions énergétiques capables d’alimenter les AUV et ROUV sans contrainte de plongée ou de recharge. L’objectif est également de fournir de l’énergie aux capteurs fixes et aux réseaux de communication sous-marins, sans dépendre uniquement des batteries ou d’un câble d’alimentation.

Le soleil, une source d’énergie sous-marine

L’énergie solaire est une option prometteuse : la lumière du soleil pénètre relativement profondément dans les océans. Si cette énergie peut être exploitée, il suffit de la convertir.

Une équipe de chercheurs de l’Université NYU Tandon explore la faisabilité de l’énergie solaire pour les véhicules sous-marins. Dans un article de Nature Photonics intitulé Plongée dans les cellules solaires sous-marines, Jason A. Röhr et André Taylor du département de génie chimique et biomoléculaire analysent les défis du domaine naissant.

Bien que les énergies marines utilisant les vagues, marées, courants océaniques et forces osmotiques montrent un certain potentiel, elles dépendent des conditions géographiques et manquent de portabilité. Une exception se distingue : la conversion de l’énergie thermique des mers (OTEC), qui exploite les gradients de température entre surface et profondeur. Certes, l’OTEC a déjà alimenté des AUV pendant de longues périodes, mais sa dépendance à des schémas de plongée spécifiques et son application limitée aux régions tropicales et subtropicales freine le déploiement de dispositifs sous-marins fixes.

Tout comme à terre, le soleil offre une énergie omniprésente, disponible et puissante même sous la surface. La lumière reste constante et peut être exploitée efficacement. La lumière visible, notamment dans le spectre vert-bleu, pénètre jusqu’à 50 mètres de profondeur, fournissant suffisamment d’énergie pour alimenter des appareils basiques.

Grâce aux cellules solaires, il devient possible d’alimenter des capteurs fixes, des dispositifs de communication, et même de combiner l’énergie solaire à l’OTEC pour des opérations d’AUV à longue portée et une véritable autonomie. Mais les cellules solaires actuelles ne sont peut-être pas à la hauteur.

Adapter les cellules solaires à l’environnement sous-marin

Les chercheurs ont étudié le potentiel des cellules solaires pour les applications sous-marines, mettant en lumière des exemples d’implémentation réussie dans l’alimentation des AUV et dispositifs de communication, tout en analysant les limites. Ils identifient les lacunes clés de la technologie solaire au silicium conventionnelle en environnement sous-marin : au-delà de l’humidité et du sel, ennemis de l’électronique, les cellules solaires sont conçues pour absorber la lumière rouge et infrarouge, parties du spectre qui ne pénètrent pas très loin dans l’eau.

Des technologies alternatives comme l’arséniure de gallium-indium-phosphore (GaInP) et le tellurure de cadmium (CdTe), ont démontré une meilleure efficacité et un potentiel d’optimisation pour les conditions spécifiques de l’eau de mer. Les cellules solaires de nouvelle génération comme les cellules solaires organiques et pérovskites (OSC et PSC) sont également envisagées.

Trouver le matériau absorbant idéal n’est qu’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les cellules solaires sous-marines.

Le biofouling (bio-salissure), accumulation progressive de substances organiques composées de micro-organismes, plantes et petits animaux, représente un défi de taille pour diverses technologies marines, en particulier celles opérant dans les domaines océaniques peu profonds. Cette croûte organique diminue l’accès à la lumière des cellules solaires, entravant le processus photovoltaïque et ses performances.

De plus, l’encombrement s’étend aux véhicules submergés eux-mêmes, où la matière s’accumule sur leurs coques, augmentant le poids et générant une résistance hydrodynamique. Dans des expériences précédentes, le biofouling recouvrait plus de 50% de la surface après seulement 30 jours sous l’eau, ce qui entraverait le fonctionnement des cellules solaires.

Dans l’article, les chercheurs abordent également les problématiques pratiques liées à la conception et aux tests de ces cellules solaires. Bien que l’université NYU Tandon ne soit qu’à un trajet de métro de l’océan, les institutions sans accès à l’eau ne peuvent pas facilement tester de potentielles conceptions – et les tests en conditions réelles de cellules solaires et batteries avec des matériaux potentiellement dangereux seraient de toute façon déconseillés.

Une solution imaginée par les chercheurs a été d’utiliser des LED pour simuler le spectre lumineux disponible à différentes profondeurs, sans nécessiter d’eau. Ainsi, ils ont montré que les cellules solaires au silicium surpassaient la concurrence en eaux peu profondes, mais que d’autres cellules étaient plus efficaces au-delà de deux mètres de profondeur. Les chercheurs mentionnent également quelques autres options pour les tests.

Bien que ces nouvelles cellules solaires, spécifiquement adaptées aux environnements aquatiques, n’en soient qu’à leurs balbutiements, les travaux des chercheurs pourraient jeter les bases de technologies capables d’éclairer notre compréhension à la fois de l’énergie solaire et des mers inexplorées qui ont tenté l’humanité depuis ses premiers voyages en mer.

En synthèse

Les véhicules sous-marins autonomes offrent de nouvelles perspectives pour l’exploration et la cartographie des océans, mais leur autonomie énergétique limitée freine leurs capacités. L’énergie solaire, qui pénètre en profondeur dans les eaux, pourrait être une solution prometteuse. Des chercheurs explorent le potentiel de cellules solaires optimisées pour les environnements aquatiques, malgré les défis technologiques à relever comme l’adaptation des matériaux absorbants ou la lutte contre le biofouling.

Leurs travaux jettent les bases de futures innovations capables d’alimenter des appareils sous-marins de façon durable, élargissant notre compréhension des océans.

Pour une meilleure compréhension

Pourquoi explorer les fonds marins ?

Les océans recèlent encore de nombreux mystères, avec seulement 5% des fonds marins cartographiés à ce jour. L’exploration des profondeurs permettrait de mieux comprendre ces environnements méconnus.

Quels sont les défis technologiques ?

Les véhicules sous-marins manquent d’autonomie énergétique pour explorer librement. L’énergie solaire pourrait être une solution mais nécessite des cellules solaires adaptées à l’environnement aquatique.

Comment tester les cellules solaires sous-marines ?

Des LED reproduisant le spectre lumineux sous-marin permettent de tester les cellules solaires au laboratoire, sans eau. Des tests en conditions réelles comportent des risques.

Quels matériaux pour les cellules solaires aquatiques ?

Certains matériaux comme le GaInP ou CdTe sont plus efficaces que le silicium en eaux profondes. Les cellules solaires organiques et pérovskites sont également étudiées.

Qu’est-ce que le biofouling ?

Le biofouling désigne l’accumulation d’organismes vivants à la surface des cellules solaires, qui nuit à leur fonctionnement.

Légende illustration principale : Exploration d’épaves sous-marines à l’aide d’un ROV

[ Rédaction ]

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