Khaled Salama | Abdullah Bukhamsin
Un capteur peu invasif peut mesurer en continu les niveaux d’hormones de stress.
Un capteur capable de mesurer avec précision et en temps réel les concentrations hormonales dans les plantes, tout en causant un minimum de dommages, peut aider à comprendre comment les hormones influencent la réponse des plantes aux maladies et au stress. Avec des développements supplémentaires, il pourrait également faire partie d’une boîte à outils agricole permettant la détection précoce des maladies ou du stress, permettant ainsi aux agriculteurs d’intervenir avant que les cultures ne subissent des dommages importants.
Les hormones végétales régulent des aspects clés du cycle de vie des plantes, notamment la croissance et la réponse à l’environnement. Dans cette étude, les chercheurs de la KAUST se sont concentrés sur deux hormones liées au stress et à la réponse aux maladies : l’acide salicylique et l’auxine.
Les techniques existantes pour mesurer la concentration de ces hormones et d’autres hormones reposent sur le génie génétique ou l’échantillonnage destructif et ne peuvent pas être facilement utilisées sur des plantes non modèles. Bien qu’elles soient efficaces pour la recherche en laboratoire, elles sont trop laborieuses et coûteuses pour être utilisées dans l’agriculture. Ces techniques fournissent également un instantané unique dans le temps plutôt que la possibilité d’une surveillance continue.
Le nouveau capteur permet de surmonter ces problèmes. Il s’agit d’un capteur électrochimique qui détecte la concentration d’auxine et d’acide salicylique en fonction des variations du courant électro-oxydatif. Des électrodes sont placées à la surface d’une feuille et des micro-aiguilles transpercent la surface externe de la feuille. Les micro-aiguilles en platine sont recouvertes d’une matrice de nanotubes de carbone et de magnétite, formant une surface complexe capable de se lier à l’auxine et à l’acide salicylique. Lorsqu’une tension est appliquée aux électrodes, les électrons sont transférés des hormones vers les micro-aiguilles. Le capteur mesure le transfert d’électrons (un courant électrique) afin de déterminer la concentration des hormones.
Les chercheurs ont démontré que le capteur pouvait mesurer l’auxine et l’acide salicylique individuellement et ensemble dans des plants de tabac et d’Arabidopsis. Contrairement à d’autres méthodes de détection, le capteur peut également être utilisé avec des plantes non modèles, ce qui en fait un outil prometteur pour les applications agricoles sur le terrain.
La mesure des niveaux d’acide salicylique et d’auxine peut indiquer si une plante réagit au stress ou lutte contre une maladie. « Cette technologie pourrait être combinée à d’autres éléments, tels que des plantes sentinelles conçues pour être plus sensibles à un type spécifique de stress », explique Abdullah Bukhamsin, qui a dirigé l’étude.
« Il s’agit d’une avancée passionnante pour la science végétale et l’agriculture », déclare Khaled Salama, auteur principal de l’étude. « La possibilité de surveiller le stress des plantes en temps réel, sans leur nuire, permet de mieux comprendre leurs réactions à des conditions difficiles. Cela est particulièrement important pour des pays comme l’Arabie saoudite, où la chaleur extrême et l’eau limitée constituent des défis pour les agriculteurs. Des outils comme celui-ci pourraient contribuer à rendre l’agriculture plus durable et plus résiliente ici et dans le monde entier. »
Il reste toutefois des obstacles à surmonter avant que cette technologie puisse être utilisée sur le terrain. Des mesures répétées sont nécessaires pour suivre les niveaux d’hormones au fil du temps, mais l’efficacité du capteur diminue à mesure que des matières s’accumulent sur les électrodes. Une méthode de nettoyage électrochimique a été mise au point pour prolonger considérablement la durée de vie du capteur, mais M. Bukhamsin estime qu’elle n’est pas encore suffisante pour une utilisation sur le terrain.
« C’est actuellement un excellent outil de recherche. Notre objectif est de l’adapter pour qu’il puisse être utilisé dans les exploitations agricoles », précise M. Bukhamsin. « Les agriculteurs pourraient l’utiliser pour détecter le stress, comprendre ce qui se passe et intervenir rapidement. Par exemple, en cas de maladie, ils pourraient la détecter suffisamment tôt pour agir avant que l’agent pathogène ne se propage. Cela permettrait de réduire la superficie à traiter et de limiter les pertes commerciales et de rendement. »
Bukhamsin, A.H., Shetty, S.S., Fakeih, E., Soto Martinez, M., Lerma, C., Mundummal, M., Wang, J.Y., Kosel, J., Al-Babili, S., Blilou, I., and Salama, K.N. In vivo dynamics of indole-and phenol-derived plant hormones: Long-term, continuous, and minimally invasive phytohormone sensor. Science Advances 11, eads8733 (2025).| article