L’énergie géothermique issue des roches superchaudes situées à des kilomètres sous nos pieds pourrait jouer un rôle majeur dans la transition énergétique. Il est nécessaire de développer des méthodes pour non seulement accéder à ces roches, mais aussi extraire leur chaleur. Un modèle informatique récent éclaire ce dernier point, décrivant pour la première fois ce qui se passe lorsque la roche à ces profondeurs et températures est exposée à des fluides capables de transférer la chaleur des roches à la surface.
Le modèle montre essentiellement la formation de microfissures créant un dense «nuage de perméabilité» à travers la roche affectée. Cela contraste avec les fractures macroscopiques, plus grandes et moins nombreuses, induites par les systèmes géothermiques ingénierisés (EGS) utilisés aujourd’hui, qui opèrent plus près de la surface et à des températures beaucoup plus basses.
Les simulations utilisant le modèle, rapportées dans un récent numéro de la revue Geothermal Energy, «confirment qu’un système superchaud peut fournir cinq à dix fois plus de puissance que celle produite aujourd’hui par les systèmes EGS pendant jusqu’à deux décennies», selon Trenton Cladouhos, Vice-président du développement des ressources géothermiques chez Quaise Energy, qui a financé les travaux.
Énergie des roches superchaudes
Les remarques de Trenton Cladouhos se sont concentrées sur les défis associés à l’extraction de la chaleur des profondeurs où les roches superchaudes atteignent des températures de plus de 375°C. L’eau s’infiltrant dans ces zones deviendrait supercritique. Cette phase semblable à la vapeur transporte 3 à 4 fois plus d’énergie que l’eau chaude ordinaire et, lorsqu’elle est acheminée vers des turbines en surface, se convertit 2 à 3 fois plus efficacement en électricité.
La récupération de seulement 2 % de l’énergie thermique stockée dans les roches chaudes situées entre 3 et 10 km sous le sol des États-Unis équivaut à 2 000 fois la consommation énergétique annuelle primaire des États-Unis, selon une étude de 2006 dirigée par le MIT intitulée «The Future of Geothermal Energy».
Défis techniques
Un problème clé pour accéder à cette énergie est simplement d’y parvenir. Les foreuses utilisées par les industries pétrolières et gazières ne sont pas conçues pour résister aux températures et pressions extrêmes à des kilomètres de profondeur, où se trouve le gisement principal d’énergie géothermique. C’est pourquoi Quaise travaille sur une méthode complètement nouvelle de forage utilisant l’énergie des ondes millimétriques (cousines des micro-ondes que beaucoup utilisent pour cuisiner) qui peuvent littéralement fondre et vaporiser la roche.
Mais forer dans la roche superchaude n’est que le premier défi. L’extraction de la chaleur est un puzzle tout aussi difficile, selon Trenton Cladouhos.
Des chercheurs du monde entier travaillent sur des systèmes géothermiques ingénierisés, essentiellement des radiateurs ou échangeurs de chaleur souterrains, qui visent à accomplir cette tâche. Diverses approches sont en cours de développement et d’utilisation sur le terrain par des entreprises telles que Eavor et Fervo Energy, mais aucune n’a été démontrée à des températures supérieures à environ 200°C.
«Si nous voulons vraiment que la géothermie soit un acteur majeur, nous devons opérer à des températures superchaudes, c’est-à-dire au-dessus de 375°C», ajoute Trenton Cladouhos.
Nouvelle compréhension
Actuellement, trois concepts généraux existent pour extraire l’énergie géothermique plus proche de la surface, jusqu’à environ deux miles de profondeur. Ces concepts incluent des systèmes en boucle fermée reposant sur une série de tuyaux souterrains horizontaux reliant deux puits. L’eau pompée dans un puits traverse ces tuyaux, capte l’énergie de la roche, puis remonte à la surface via le second puits. C’est l’approche utilisée par Eavor.
Un autre concept implique la connexion de deux puits horizontaux avec un système de centaines de fractures artificielles. C’est l’approche utilisée par Fervo Energy.
Cladouhos a décrit le modèle et l’importance des systèmes géothermiques de roches superchaudes le 21 mai lors du Geothermal Transition Summit en Amérique du Nord. Son discours était intitulé «Superhot Rock EGS: Methods, Challenges, and Pathways Forward».
Les auteurs de l’article de Geothermal Energy sont Samuel Scott de l’Institut des sciences de la Terre de l’Université d’Islande, Alina Yapparova de l’Institut de géochimie et de pétrologie de l’ETH Zurich, Philipp Weis du Centre de recherche allemand pour les géosciences GFZ Potsdam, et Matthew Houde, co-fondateur de Quaise.
Article : « Hydrological constraints on the potential of enhanced geothermal systems in the ductile crust » – 10.1186/s40517-024-00288-4