Des scientifiques identifient deux mécanismes acoustiques générateurs de courants orbitaux, fusionnant l’acoustique et la physique électronique de pointe.
L’électronique repose traditionnellement sur l’exploitation de la charge de l’électron, mais les chercheurs explorent désormais la possibilité d’exploiter ses autres propriétés intrinsèques. Dans une étude récente, des scientifiques japonais ont démontré que les ondes sonores dans certains solides peuvent générer des courants orbitaux, c’est-à-dire un flux de moment cinétique orbital des électrons. Leurs conclusions jettent les bases de la réalisation de dispositifs « orbitroniques » de nouvelle génération utilisant la technologie acoustique existante.
Depuis la découverte de l’électricité, d’innombrables avancées technologiques ont reposé sur l’exploitation de la charge de l’électron, qui est le principe fondamental derrière la plupart de l’électronique traditionnelle. Aujourd’hui, alors que les dispositifs électroniques conventionnels approchent de leurs limites pratiques, les scientifiques tournent leur attention vers la manipulation d’autres propriétés de l’électron. Par exemple, l’exploitation du spin de l’électron dans le domaine de la spintronique promet une informatique à faible consommation en utilisant des courants de spin pour transférer l’information.
Il existe une autre propriété inexploitée des électrons, à savoir leur moment angulaire orbital. Cette propriété est la base de l’« orbitronique », une nouvelle frontière de recherche cherchant à utiliser le flux de moment angulaire orbital (courants orbitaux) comme un nouveau support pour le transfert d’information et la fonctionnalité des dispositifs. Malgré le potentiel de l’orbitronique, il n’existe pas encore beaucoup de moyens pratiques et évolutifs pour générer et contrôler ces courants orbitaux, et leurs mécanismes de génération restent sous-explorés. Les ondes sonores pourraient-elles détenir la clé pour les produire et les contrôler ?
Pour répondre à cette question, une équipe de recherche du Japon a étudié la génération acoustique de courants orbitaux. Cette étude, publiée dans le Volume 16 de la revue Nature Communications le 29 août 2025, a été dirigée par l’étudiante en doctorat Mari Taniguchi et le Professeur Kazuya Ando de l’Université Keio, au Japon. Leur article explore deux nouveaux phénomènes physiques—l’effet Hall orbital acoustique et le pompage orbital acoustique—qui établissent ensemble une base pour intégrer la technologie sonore avec la physique orbitale.
Les expériences se sont concentrées sur des bicouches titane (Ti)/nickel (Ni), un système matériel connu pour sa réponse orbitale robuste. L’équipe a fabriqué des dispositifs Ti/Ni sur un substrat spécial et a utilisé des ondes acoustiques de surface (SAW), des ondes sonores confinées à la surface d’un matériau, pour exciter sa dynamique de réseau. L’utilisation du Ti était clé ; puisqu’il a un couplage spin-orbite très faible, tout signal observé pouvait être attribué en toute confiance au degré de liberté orbital plutôt qu’aux effets de spin. L’objectif était de voir si la vibration mécanique du réseau pouvait transférer son moment angulaire aux orbitales des électrons.
Les chercheurs ont observé avec succès la génération de courants orbitaux via deux mécanismes acoustiques distincts. Premièrement, ils ont démontré le pompage orbital acoustique, où une résonance ferromagnétique acoustique pilotée par SAW (une précession résonante de l’aimantation) a injecté un courant orbital de la couche de Ni dans la couche de Ti. Deuxièmement, ils ont confirmé la génération d’un effet Hall orbital acoustique. En mesurant une tension continue générée par une SAW non résonante, ils ont montré que l’onde sonore se propageant dans une direction générait un courant orbital s’écoulant perpendiculairement à celle-ci. Cela a démontré que la dynamique du réseau le long de la surface du matériau est une source directe et efficace de courant orbital. Grâce à des mesures systématiques et à une comparaison avec des échantillons témoins, les chercheurs ont confirmé que le signal de tension observé était significativement plus grand que tout ce qui pourrait être attribué à l’effet Hall de spin. Cela a prouvé de manière concluante la dominance du mécanisme orbital, validant leur conclusion.
Prises ensemble, ces découvertes représentent une percée conceptuelle clé, comme le note le Prof. Ando, « Puisque le courant orbital n’a été découvert qu’il y a quelques années, ses mécanismes de génération sont restés largement inexplorés. Reconnaissant le fort couplage entre le degré de liberté orbital des électrons et le réseau cristallin, nous avons étudié et confirmé la possibilité de générer des courants orbitaux via les phonons—les vibrations du réseau. »
Ce travail clarifie non seulement la nature des courants orbitaux apparaissant dans les solides, mais jette également les bases de nouveaux principes de conception pour les futurs dispositifs électroniques. « Notre étude marque la première fois que les SAW, déjà largement utilisées dans divers dispositifs électroniques tels que les capteurs, les écrans tactiles et les composants de filtre, sont liées aux courants orbitaux. Ainsi, nos découvertes ouvrent la porte à de nouveaux développements intégrant la technologie acoustique avec l’orbitronique, » déclare le Prof. Ando.
Les études futures se concentreront sur la compréhension plus détaillée des mécanismes microscopiques derrière l’effet Hall orbital acoustique et sur l’optimisation des architectures de dispositifs pour générer des courants orbitaux de manière plus fiable et efficace. Avec un peu de chance, cela accélérera la transition de l’orbitronique d’un concept purement théorique vers les technologies de nouvelle génération.
Article : Acoustic generation of orbital currents – Journal : Nature Communications – Méthode : Experimental study – DOI : 10.1038/s41467-025-62703-z
Source : KGRI











