À la veille de rassembler quelque 150 000 spectateurs dans le parc de Saint-Cloud, l’édition 2025 de Rock en Seine veut prouver qu’un grand rendez-vous musical peut tendre vers la sobriété. Un budget « transition » renforcé, une scénographie plus légère, une restauration végétalisée, une incitations massives au covoiturage : les organisateurs promettent des avancées tangibles du côté écologique. Pourtant, le cœur battant du festival – sa programmation internationale – demeure énergivore.
Un premier bilan carbone comme point de départ
En 2023, l’équipe organisatrice a réalisé son premier Bilan Carbone avec l’appui de Bpifrance et intégré le programme « ACT Pas à Pas » de l’ADEME pour formaliser une feuille de route de décarbonation. Cette approche méthodique marque une rupture avec les initiatives dispersées d’antan : mesurer précisément les émissions, puis les réduire année après année plutôt que de se limiter à des gestes ponctuels.
Un audit indépendant vise d’ailleurs la certification ISO 20121 avant la fin de l’été, gage d’une démarche d’amélioration continue plutôt qu’une simple compensation a posteriori.
Mobilité : encourager le public à laisser la voiture au garage
L’organisation a calé la fin des concerts sur les horaires du dernier métro ou RER pour fluidifier le retour en transports en commun. Parallèlement, un parking sécurisé pour vélos et trottinettes, mis en place depuis 2022, accompagne le déploiement d’une flotte de vélos électriques pour les équipes. Cette mesure vise à limiter les trajets en utilitaires thermiques sur site, même si elle ne représente qu’une goutte d’eau face au défi principal.
Ces incitations restent toutefois dépendantes de la bonne volonté des festivaliers : en 2024, la part de visiteurs venus en voiture représentait encore près d’un tiers des déplacements, selon l’organisation. La mise en place d’un billet « parking majoré » ou d’un partenariat avec des plateformes de covoiturage pourrait constituer la prochaine étape.
Déchets : la règle des « 3R » généralisée
Bars, stands de restauration et coulisses fonctionnent désormais avec gobelets et vaisselle réutilisables consignés, réduisant drastiquement le volume d’emballages jetables. La philosophie du réemploi imprègne tout l’événement : cent vingt bornes de tri bi-flux quadrillent le parc, tandis que les invendus alimentaires sont récupérés par l’association Linkee pour être redistribués à des étudiants précaires.
Les mégots, fléau historique des festivals, trouvent une seconde vie grâce à Lemon Tri, alors que les biodéchets partent vers une filière de méthanisation pilotée avec GRDF.
Énergie : miser sur le réseau et les biocarburants
Quatre-vingts pour cent des installations scéniques sont désormais raccordées au réseau électrique du domaine et alimentées en électricité certifiée d’origine renouvelable via ENGIE. Pour les groupes électrogènes résiduels – indispensables pour certaines scènes mobiles –, la révolution est en marche : 30% d’entre eux basculent vers l’huile végétale hydrogénée, réduisant de 60% les émissions associées.
La transition progressive s’accompagne d’un ajustement au plus juste de leur puissance grâce à un suivi temps réel de la consommation. Éclairage nocturne à LED sur mâts détecteurs de présence et rationalisation logistique complètent le dispositif pour contenir la facture carbone.
Une logistique repensée et une restauration locale
La logistique du festival adopte elle aussi des réflexes durables avec la mutualisation des stocks pour limiter les rotations de camions et l’adoption d’emballages réemployables. Cette optimisation des flux se conjugue à une transformation de l’offre alimentaire : la moitié devra être végétarienne ou vegan, avec priorité aux filières franciliennes.
Même logique pour la boutique officielle où tee-shirts et sweats en coton bio labellisé remplacent progressivement les fibres conventionnelles. Si l’effort est notable, il reste perfectible : les visiteurs ne disposent pas encore d’un affichage détaillé de l’empreinte carbone des plats, pratique pourtant adoptée par d’autres grands festivals européens.
La préservation du Domaine national de Saint-Cloud
Au-delà de l’impact climatique, l’organisation veille à la protection du parc classé avec des itinéraires techniques posés hors des racines et des toilettes sèches généralisées. Elle finance en partie la rénovation d’allées pour améliorer l’accessibilité permanente du site, tandis que des messages de sensibilisation défilent entre les concerts afin de rappeler aux festivaliers la fragilité de leur terrain de jeu.
Une affiche calibrée pour séduire tous les publics
La programmation reflète la diversité musicale du festival : alternant chaque jour entre rock, électro, pop, hip-hop et indie, avec des artistes phares internationaux et des découvertes de la scène actuelle. Les horaires devraient être communiqués juste avant le festival.
Mercredi 20 août 2025
- Chappell Roan (unique date française, phénomène pop internationale)
- London Grammar (indie britannique)
- Suki Waterhouse
- Luvcat
(Lineup 100% féminin pour l’ouverture)
Jeudi 21 août 2025
- Kid Cudi (remplace A$AP Rocky, rap/hip-hop américain)
- Vampire Weekend (rock alternatif)
Doechii- Enchantée Julia
- Aussi présents : Khruangbin, Mk.gee, Barry Can’t Swim, Montell Fish
(Journée marquée par la diversité entre rock et rap)
Vendredi 22 août 2025
- Anyma (techno-mélodique du duo Tale of Us)
- Aurora (pop onirique, norvégienne)
- Caribou (électro)
- Empire of the Sun (pop-électro, Australie)
- Marc Rebillet (showman interactif)
(Journée électro-pop)
Samedi 23 août 2025
- Justice (retour du duo électro français)
- Jamie xx (ambiance électronique)
- Jorja Smith (R&B anglais)
- Queens of the Stone Age (rock américain culte)
- Autres noms : Dabeull, Luidji, Psychotic Monks & Guests
Dimanche 24 août 2025
- Suuns (rock alternatif)
- Bryan’s Magic Tears
- Kneecap (rap irlandais en pleine ascension)
- Sharon Van Etten & The Attachment Theory
(Journée plus éclectique entre rock, rap et folk)
Rock en Seine coche au final de nombreuses cases de l’éco-conception événementielle : réduction du plastique, énergie décarbonée, circuits courts et politique anti-gaspillage structurée. Toutefois, l’enjeu majeur – la mobilité des 40,000 visiteurs quotidiens – reste partiellement hors de contrôle de l’organisation. La publication du Bilan Carbone 2024 devrait permettre de mesurer les progrès concrets et de fixer de nouveaux objectifs chiffrés.