L’Américano-Suisse Eric Bonvin travaille en ce moment dans le laboratoire de László Forró à l’EPFL. Né dans la région lausannoise, il a grandi en Suisse et en Allemagne. Son projet d’été consiste à développer des détecteurs de lumière ultrasensibles capables de repérer un photon isolé.
Pour ce faire, Bonvin doit affronter un défi de taille: combiner deux matériaux des plus prometteurs, le graphène et un pérovskite.
Le graphène relève quasiment de la science-fiction: matière la plus résistante qui soit, il présente des propriétés électriques exceptionnelles, voire exotiques, si ce n’est plus. Quant aux pérovskites, leur aptitude à convertir la lumière en courant électrique les place parmi les matériaux les plus adaptés à la construction de panneaux solaires.
Diplômé d’une haute école helvétique, Bonvin s’est mis à étudier la physique à l’EPFL. Après deux ans et un bachelor en la matière, il a passé sa troisième année en programme d’échange, qui l’a conduit à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh.
De retour à l’EPFL pour un master en ingénierie physique, il a dédié son projet de première année au graphène dans le laboratoire de physique de la matière complexe de László Forró. Son master en poche, il a souhaité continuer à travailler pendant l’été dans ce même laboratoire afin de creuser plus avant ce sujet de recherche.
« Mon projet se donne pour but de créer des photo-détecteurs utilisables avec très peu de lumière », explique-t-il. « Je combine le graphène et les pérovskites – des composants qui ont éveillé l’intérêt des chercheurs ces dix dernières années – pour générer des systèmes qui sont dix millions de fois plus sensibles à la lumière que les photo-détecteurs en silicone et autres standards du moment. » En théorie, l’efficacité de ces matières est largement suffisante pour détecter un seul photon – « même à température ambiante », précise Endre Horvath, qui dirige le projet d’Eric.
Afin de créer de tels systèmes sensibles, Bonvin a d’abord développé une méthode de production du pérovskite en nanotubes à partir d’une solution placée directement sur les feuilles de graphène. C’est une étape cruciale, car la sensibilité finale à la lumière dépend de la structure desdits nanotubes; leur architecture est donc essentielle.
Cela n’a rien d’une sinécure. Pour mettre au point sa méthode, Bonvin a profité de l’expertise du laboratoire en matière de microfabrication de nanotubes. Le processus a impliqué des machines haute précision et de nombreux essais, mais, au final, s’est soldé par des nanotubes de graphène et de pérovskite formant de magnifiques lignes droites. « Cette méthode de croissance est contrôlable, modulable, reproductible et économique», s’enthousiasme-t-il. « Elle est parfaite pour produire à large échelle ».
Les systèmes sont microfabriqués dans une salle blanche du Centre pour les micro-nano-technologies de l’EPFL. La microfabrication est prônée ici, car elle améliore l’efficacité des systèmes. En effet, plus ces derniers sont petits, moins ils vont contenir d’impuretés, ce qui booste leur efficacité. La microfabrication permet par ailleurs de concevoir des systèmes avec seulement très peu de nanotubes, ce qui réduit également le nombre d’impuretés et accroît leur rendement.
De tels photo-détecteurs ultrasensibles trouveraient des applications multiples, entre autres dans les systèmes de vision nocturne, les scanners CT, les détecteurs utilisés dans les expériences d’accélération de particules, et même dans des systèmes d’informatique quantique basés sur la lumière, qui requièrent de pouvoir repérer des photons isolés. « Je pense que nos détecteurs peuvent y arriver », déclare Bonvin.
Encore plus fort, ces détecteurs pourraient être utilisés dans les télescopes spatiaux, qui identifient les faibles signaux émis par les galaxies lointaines à travers l’entier du spectre électromagnétique. « Nos détecteurs sont sensibles à un éventail très large, des infrarouges jusqu’aux rayons X. Cela signifie que nous n’aurions besoin que d’un seul d’entre eux pour faire exactement le même travail que plusieurs actuellement.
Le projet de Bonvin offre une méthode pour créer des détecteurs ultrasensibles en mêlant deux matériaux peu coûteux à fabriquer. « J’aimerais voir se développer ce type de photo-détecteurs à l’avenir – et, je l’espère, leurs premières applications ».
Bonvin cherche actuellement une place de doctorant dans le domaine de la physique des solides. Mais ce projet d’été lui a déjà donné le goût du monde professionnel. « Par son biais, j’ai appris beaucoup sur les photo-détecteurs, le graphène et les pérovskites. J’aimerais désormais réaliser de nouveaux systèmes avec les mêmes principes sous-jacents, mais avec une architecture optimisée. J’ai acquis des aptitudes de microfabrication que je pourrai utiliser dans de futurs projets ».
[ Photos : © Alain Herzog/EPFL ]