Quelles perspectives pour la gazéification en France ?

La gazéification est un processus thermo-chimique permettant de convertir tout type de matière organique en un gaz, appelé syngaz ou gaz de synthèse, constitué principalement d’hydrogène (H2) et de monoxyde de carbone (CO).

La réaction survient à des températures comprises entre 800°C et 2000°C, sous l’apport contrôlé d’un agent de gazéification (air ou vapeur) à la matière organique. Le syngaz est ensuite traité et purifié avant d’être valorisé.

De nombreux débouchés pour de multiples intrants possibles

Le syngaz compte trois principaux débouchés :

Il peut tout d’abord être utilisé comme combustible pour produire de la chaleur, et se substituer ainsi dans certains cas au gaz naturel. Grâce à l’utilisation de turbines à gaz ou de chaudières à vapeur, il permet en outre de produire de l’électricité et d’offrir de meilleurs rendements théoriques que les technologies classiques (chaudières à bois, usines d’incinérations, centrales à charbon). Enfin, par traitement chimique, le syngaz permet également de produire de l’hydrogène, du méthanol, du méthane (GNS : gaz naturel de synthèse), et du carburant de synthèse via le procédé Fischer-Tropsch.

Les atouts de la gazéification sont donc nombreux. D’autant plus que le procédé s’accommode d’une multitude d’intrants, souvent disponibles localement : la biomasse, les déchets industriels banals (plastique, cartons), ou encore les ordures ménagères.

Il constitue en outre une véritable alternative à l’incinération comme mode de traitement des déchets, tout en offrant une meilleure efficacité énergétique et étant moins polluant.
Enfin, la gazéification peut être considérée comme une source d’énergie renouvelable, grâce à la neutralité carbone dans le cas de la biomasse.

Une histoire très ancienne…

Le procédé de gazéification, découvert au XIXème siècle, a tout d’abord été utilisé pour alimenter les lampadaires et cuisinières en zone urbaine. Il a ensuite servi à produire du carburant (à base de charbon), lors de périodes de pénurie de pétrole comme au cours de la Première Guerre Mondiale, ou encore à alimenter les moteurs thermiques de véhicules (en utilisant des appareils appelés gazogènes, fonctionnant au bois ou au charbon) pendant la Seconde Guerre Mondiale, Dans les années 50, la gazéification a été rapidement abandonnée au profit du pétrole, produit en grande quantité et devenu bon marché. Le procédé connaît un nouveau sursaut lié aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1981, mais son utilisation est alors confinée à des niches, telles que l’industrie papetière en Scandinavie, où la liqueur noire, sous-produit du processus de fabrication de papier, est revalorisée sous forme de chaleur via la gazéification. Depuis le début des années 2000, le procédé de gazéification connaît un regain d’intérêt, porté par la hausse des prix du pétrole, la volonté accrue de nombreux pays de disposer d’une plus grande indépendance énergétique, et le développement de politiques plus ambitieuses de traitement et de valorisation des déchets.

…Mais peu de succès
Pourtant, à l’heure actuelle, très rares sont les installations de gazéification qui fonctionnent pleinement de par le monde. En France, les quelques projets existants demeurent en phase pilote. Et si plusieurs projets de gazéification de la biomasse ont été retenus dans le cadre des appels d’offre biomasse / biogaz de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) depuis 2006 ; aucun d’entre eux n’a pour l’instant vu le jour.

On note quatre grandes raisons à cela.
Tout d’abord, bien qu’ancien, ce procédé reste encore assez mal maîtrisé, à l’exception de la gazéification du charbon. En effet, si la réaction de gazéification est facile à obtenir, l’étape de purification et de traitement des gaz est bien plus complexe à réaliser, et la gestion des goudrons issus du refroidissement des gaz n’est pas encore optimale. Ces deux freins limitent pour le moment les débouchés de ce procédé à la seule production de chaleur.

Ensuite, l’approvisionnement des intrants constitue un autre obstacle majeur. En effet, si les ressources sont théoriquement abondantes, leur apport doit être continu et homogène, ce qui s’avère délicat lorsque les filières d’approvisionnement sont saisonnières ou insuffisamment structurées. Pour des raisons économiques et écologiques, la distance entre les ressources et l’unité de gazéification ne doit pas excéder 50 kilomètres. Il est à noter que pour les installations de très grandes puissances (supérieures à 100MW), le pré-traitement par pyrolise est une solution qui permet d’accroître la densité énergétique de l’intrant avant le transport, ce qui limite son coût mais alourdit le processus global d’approvisionnement.

Par ailleurs, la législation, encore mal adaptée dans de nombreux pays, rend les projets difficiles à mener à terme.

Enfin, ce procédé reste mal connu et ne suscite que peu d’intérêt parmi les acteurs qui pourraient porter son développement. En France comme à l’étranger, aucun grand acteur privé n’a pour le moment décidé de s’attaquer au sujet. Les grands acteurs du traitement des déchets se méfient d’une solution qui pourrait remettre en cause un pan entier de leurs business models. De plus, l’industrie de la filière bois-énergie s’interroge sur cette technologie concurrente aux traditionnelles chaudières. Les énergéticiens, quant à eux, considèrent que les débouchés ne sont pour l’instant pas assez nombreux et restent dans une position plutôt attentiste, à l’exception d’un pilote réalisé en France à La Rochette (Savoie), sur le site d’une papeterie.

Quelles conditions pour le développement de la filière en France ?

Différents facteurs pourraient aider au développement de la gazéification en France:

– un plus grand financement des programmes de recherche afin de permettre l’industrialisation et la structuration du marché ;
– l’établissement de tarifs de rachat plus attractifs pour la production d’électricité ;
– l’augmentation de la contrainte sur les émissions de gaz à effets de serre : l’avènement des allocations de quota carbone devrait accroître la pression financière sur les gros consommateurs d’énergie fossile et les inviter à se tourner vers des ressources alternatives ;
– une vraie volonté politique pour trouver des alternatives à l’incinération pour le traitement des déchets ;
– et enfin, une implication marquée de grands acteurs du secteur privé qui seraient prêt à accompagner la maturation de la filière.

La gazéification pourrait être promise à un bel avenir, mais les freins demeurent pour le moment nombreux. Il est important que le marché se structure autour d’acteurs privés conscients de son potentiel, tout en étant mieux soutenu par les institutions. Cependant, dans un contexte économique incertain, il est peu probable qu’elle soit considérée comme un secteur d’investissement prioritaire de la part de l’Etat, dans sa stratégie de développement des filières de la croissance verte. Celui-ci aura en effet tendance à favoriser des filières mieux connues et pour lesquelles le retour sur investissement sera plus facilement quantifiable.

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michel123

Cette filière est trés interessante car elle permet à la fois de gazeifier des déchets et de produire ou de l’électricité ou du méthane ou carburant pour moteur ou des matières plastiques selon ce que l’on va faire du syngaz riche en co et h2 qui sont les briques primaires de tous nos gaz: méthane butane propane , hydrocarbures , alcool , matières plastiques…. et autres hydrates de carbone. En gros avec des tas d’intrants divers (ordures combustibles , biomasse , déchets de scieries on peut produire à peu prés n’importe quoi); Le problème vient justement de la non spécialisation de la filière et il vaudrait mieux produire pour l’instant des produits pétroliers ( filière btl = biomasse to liquid) qui ont une grande valeur ajoutée que d’essayer de concurencer la production de chaleur ou même d’électricité des centrales d’incinération classiques , d’autant que celles ci vont bénéficier d’une nouvelle technique assez voisine : la combustion des  polluants de fin de combustion des ordures par une torche à plasma (technique francaise d’europlasma) trés haute température (5000 degré qui casse les molécules les plus solides telles que les dioxines goudrons et autres polluants résiduels en améliorant au passage la combustion et le rendement global) Mais peut être les deux techniques sont elles compatibles ? Sinon le premier démonstrateur industriel ( btl) est prévu pour démarrer à Bure saudron sous l’égide du cea.