La Suisse intensifie ses efforts dans la transition énergétique, misant fortement sur l’essor du photovoltaïque. Toutefois, l’équilibrage entre les excédents d’été et les déficits d’hiver reste problématique. Une équipe suisse a développé une méthode novatrice de stockage saisonnier d’hydrogène, s’appuyant sur une technique ancestrale à base de fer.
D’ici 2050, le photovoltaïque devrait couvrir plus de 40% des besoins en électricité de la Suisse. Toutefois, la production solaire fluctue considérablement entre l’été et l’hiver. Pour combler le déficit hivernal, la Stratégie énergétique du gouvernement fédéral suisse envisage un mix comprenant importations, énergie éolienne, hydroélectricité, centrales solaires alpines et centrales à gaz.
Une alternative consiste à produire de l’hydrogène à partir de l’excédent d’énergie solaire estivale, pour une utilisation hivernale. Néanmoins, les contraintes liées au stockage de l’hydrogène (inflammabilité, volatilité, fragilisation des matériaux) rendent les installations coûteuses et énergivores.
Une innovation basée sur le fer
Les chercheurs de l’ETH Zurich, dirigés par le professeur Wendelin Stark, ont mis au point une technologie novatrice pour le stockage saisonnier de l’hydrogène. Leur approche s’appuie sur le procédé fer-vapeur, connu depuis le XIXe siècle, et utilise le fer, quatrième élément le plus abondant sur Terre.
Le professeur Stark a déclaré : «Ce processus chimique s’apparente à la charge d’une batterie. L’énergie contenue dans l’hydrogène peut être stockée sous forme de fer et d’eau pendant de longues périodes, pratiquement sans pertes.»
La technologie présente plusieurs atouts majeurs :
1. Coût réduit : Le minerai de fer, matière première abondante, ne nécessite pas de traitement préalable. Les chercheurs estiment que le coût de stockage serait dix fois inférieur aux méthodes existantes.
2. Sécurité accrue : Le réacteur fonctionne à pression normale, avec des parois en acier inoxydable de seulement 6 mm d’épaisseur.
3. Capacité évolutive : L’augmentation de la capacité de stockage s’effectue simplement en construisant des réacteurs plus grands et en les remplissant de plus de minerai de fer.
Un projet pilote
Une installation pilote a été mise en place sur le campus Hönggerberg de l’ETH Zurich. Elle comprend trois réacteurs en acier inoxydable d’une capacité de 1,4 mètre cube chacun, remplis de 2 à 3 tonnes de minerai de fer non traité.
Samuel Heiniger, doctorant dans le groupe de recherche de Stark, a expliqué : «L’installation pilote peut stocker environ 10 mégawattheures d’hydrogène sur de longues périodes. Selon la méthode de conversion de l’hydrogène en électricité, cela fournira entre 4 et 6 mégawattheures d’électricité.»
Les chercheurs prévoient d’étendre le système pour que, d’ici 2026, le campus ETH Hönggerberg puisse couvrir un cinquième de ses besoins en électricité hivernale grâce à sa propre énergie solaire estivale. Des réacteurs d’un volume de 2 000 mètres cubes seraient nécessaires pour stocker environ 4 gigawattheures (GWh) d’hydrogène vert.
À l’échelle nationale, les chercheurs ont effectué des calculs préliminaires. Pour fournir à la Suisse environ 10 térawattheures (TWh) d’électricité à partir de systèmes de stockage saisonnier d’hydrogène chaque année, il faudrait environ 15 à 20 TWh d’hydrogène vert et quelque 10 millions de mètres cubes de minerai de fer.
Le professeur Stark a conclu : «Cela représente environ 2% de ce que l’Australie, le plus grand producteur de minerai de fer, extrait chaque année.»
Légende illustration : Les chercheurs de l’ETH Samuel Heiniger (à gauche, avec un pot de minerai de fer) et le professeur Wendelin Stark devant les trois réacteurs à fer du campus Hönggerberg de l’ETH Zurich. (Image : ETH Zurich)
Literature: Heiniger, SP; Fan Z; Lustenberger UB, Stark WJ: Safe seasonal energy and hydrogen storage in a 1 : 10 single-household-sized pilot reactor based on the steam-iron process. Sustainable Energy & Fuels 2024, 8 (1), 125-132. 10.1039/D3SE01228J