Partout dans le monde, des recherches sont menées pour trouver des alternatives à nos technologies informatiques électroniques actuelles, qui présentent des limites intrinsèques. Une nouvelle manière de transmettre l’information voit le jour dans le domaine de la magnonique : au lieu d’échanger des électrons, on pourrait utiliser les ondes générées dans des supports magnétiques pour transmettre des données.
Mais les ordinateurs basés sur la magnonique ont été jusqu’à présent trop lents. En effet, le principal défi dans ce domaine est la longueur d’onde des ondes de spin. Plus elle est grande, plus les unités de traitement de données basées sur les magnons sont lentes. Jusqu’à présent, on ne parvenait à réduire la longueur d’onde qu’avec des structures hybrides très complexes ou un synchrotron.
Augmenter l’intensité des ondes de spin permet de réduire leur longueur et d’accélérer les magnons
Le groupe de recherche « Nanomagnétisme et magnonique » de l’Université de Vienne, en collaboration avec des chercheurs d’Allemagne, de République tchèque, d’Ukraine et de Chine, a mis au point une alternative plus simple.
Qi Wang, auteur principal de l’étude, a fait une observation cruciale après des mois de travail au laboratoire de spectroscopie de diffusion Brillouin de la Faculté de physique de l’Université de Vienne : « En augmentant l’intensité, les ondes de spin deviennent plus courtes et plus rapides », une percée pour l’informatique basée sur les magnons.
Andrii Chumak, co-auteur de l’étude et responsable de l’équipe Vienna NanoMag, explique cette découverte avec une métaphore : « C’est un peu comme avec la lumière. Si on change la longueur d’onde, la couleur change. Mais si on change seulement l’intensité, cela ne modifie que la luminosité. Ici, nous avons trouvé un moyen de changer la couleur en changeant l’intensité des ondes de spin. Ce phénomène nous a permis d’exciter des ondes de spin beaucoup plus courtes et meilleures ».
Une étape décisive vers l’ordinateur à base de magnons
La longueur d’onde actuellement atteinte avec ce système est d’environ 200 nanomètres.
D’après des simulations numériques, il serait possible d’exciter des longueurs d’onde encore plus petites. Les amplitudes des ondes de spin sont aussi cruciales pour les futurs circuits magnétiques intégrés.
Le système découvert présente un décalage non linéaire auto-verrouillant, ce qui signifie que l’amplitude des ondes de spin excitées reste constante. Cette propriété est très pertinente pour les circuits intégrés, car elle permet à différents éléments magnétiques de fonctionner ensemble avec la même amplitude.
Bien que l’objectif ultime d’un ordinateur à magnons pleinement fonctionnel n’ait pas encore été atteint, cette étape solide rapproche sensiblement les chercheurs de leur but.
En synthèse
Des travaux menés à l’Université de Vienne ont mis en évidence une nouvelle méthode prometteuse pour accélérer les futurs calculateurs basés sur la magnonique : en augmentant l’intensité des ondes de spin dans les matériaux magnétiques, on peut réduire leur longueur d’onde et accélérer la vitesse des magnons. Cette découverte ouvre la voie à des progrès décisifs pour le développement de l’informatique magnonique, alternative potentielle aux limites de l’électronique actuelle.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que la magnonique ?
La magnonique est un domaine de recherche récent en magnétisme. Les ondes de spin, appelées magnons, y jouent un rôle central. Ces ondes peuvent transmettre des informations sous forme d’impulsions de moment angulaire.
Pourquoi est-ce une alternative prometteuse ?
Les magnons pourraient permettre de développer des ordinateurs plus petits, plus économes en énergie et aux performances accrues par rapport aux technologies électroniques actuelles.
Quel était le principal défi jusqu’à présent ?
La longueur d’onde trop grande des magnons, qui limitait la vitesse des unités de traitement basées sur la magnonique.
Comment les chercheurs de Vienne ont-ils fait progresser le domaine ?
En démontrant qu’augmenter l’intensité des ondes de spin permet de réduire leur longueur d’onde et d’accélérer les magnons.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Réduire encore les longueurs d’onde, stabiliser les amplitudes, et à terme développer un ordinateur à base de magnons pleinement opérationnel.
Publication originale dans Science Advances : Excitation profondément non linéaire d’ondes de spin courtes auto-normalisées
Qi Wang, Roman Verba, Björn Heinz, Michael Schneider, Ondřej Wojewoda, Kristýna Davídková, Khrystyna Levchenko, Carsten Dubs, Norbert J. Mauser, Michal Urbánek, Philipp Pirro, Andrii V. Chumak
DOI : 10.1126/sciadv.adg4609
Photo de Joshua Woroniecki sur Unsplash