Les subventions pour les voitures électriques pourraient faire plus de tort que de bien

Un peu partout dans le monde, de la Chine à l’Allemagne en passant par les États-Unis, les subventions à l’achat de véhicules électriques se sont imposées comme un moyen efficace de stimuler la production des technologies axées sur les énergies renouvelables, ainsi que de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pourtant, une nouvelle étude réalisée par Ian Irvine, professeur en sciences économiques à l’Université Concordia (Canada), montre que subventionner l’achat des véhicules électriques dans le contexte nord-américain n’aura pas pour effet de faire baisser à court terme les émissions de gaz à effet de serre, mais que cela pourrait, au contraire, les faire augmenter, et ce, aux frais des contribuables.

Dans cette étude publiée récemment dans la revue Analyse de politiques, le Pr Irvine a comparé les mesures incitatives visant à favoriser la production de véhicules électriques qui figurent dans la réglementation des États-Unis sur l’efficacité énergétique (Corporate Average Fuel Economy ou CAFE) à celles des nouvelles politiques sur les véhicules électriques en vigueur en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Le chercheur a découvert que, si les subventions stimulent effectivement la production de véhicules électriques, elles limitent, en revanche, les effets des exigences d’efficacité que comportent les mesures incitatives existantes relatives aux véhicules ordinaires. À court terme, les subventions à l’achat de véhicules électriques n’apportent rien en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et elles pourraient même les faire augmenter.

« Il arrive que plusieurs politiques complémentaires soient mises en œuvre pour atteindre un objectif commun, explique Ian Irvine. Mais, dans ce cas, elles se nuisent mutuellement. »

La réglementation CAFE a été modifiée en 2012 pour obliger les constructeurs à faire baisser de 5 % par an les émissions moyennes de CO2 de leurs véhicules, de 2017 à 2025.

Normalement, la quantité de CO2 qu’un véhicule peut rejeter est fonction de son gabarit, c’est-à-dire de la superficie de l’espace situé entre les roues. « Toutefois, affirme le professeur, étant donné que les objectifs annuels de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont fixés en fonction d’un nombre moyen des véhicules de leur parc automobile, les constructeurs disposent d’une certaine latitude pour répartir, entre les catégories et les modèles de véhicules, les améliorations annuelles auxquelles ils sont tenus en matière d’efficacité. »

« C’est ce qu’on appelle une politique régressive »

En vertu de la réglementation CAFE, une voiture électrique est considérée comme un véhicule ne produisant pas d’émissions. Il s’agit d’une mesure incitative visant à favoriser l’investissement destiné à la production de véhicules électriques. Ainsi, quand un constructeur produit un véhicule électrique, il obtient un crédit carbone qu’il peut vendre à un autre constructeur, reporter sur une année ultérieure ou appliquer à d’autres véhicules de son parc automobile.

Autre mesure incitative : le constructeur reçoit un crédit carbone supplémentaire d’une valeur supérieure à la quantité de CO2 que la vente du véhicule permet d’éviter de produire. Pour un véhicule électrique, le crédit — un coefficient –, qui était de 2,5 en 2016 baisse progressivement pour atteindre 1,5 en 2025.

Ainsi, comme l’a montré le Pr Irvine, si un véhicule d’un gabarit de 50 pi2 peut produire 150 g de CO2/km, un constructeur ayant vendu en 2016 un véhicule électrique du même gabarit obtient un crédit lui donnant droit à 375 g de CO2/km.

« Le constructeur peut utiliser ce crédit carbone pour assouplir les critères qu’il doit respecter en matière d’amélioration de l’efficacité des véhicules ordinaires qu’il vend, explique le chercheur. Autrement dit, favoriser la mise en circulation de véhicules électriques grâce à des subventions ne se traduit pas par une réduction des émissions de gaz à effet de serre. »

De plus, les politiques d’octroi des subventions s’appliquent à tous les acheteurs potentiels, et non pas uniquement à ceux qui n’auraient pas autrement les moyens de faire l’acquisition d’un véhicule électrique. Pour Ian Irvine, c’est gaspiller l’argent des contribuables.

« L’étude montre que les subventions destinées à l’achat de véhicules profitent généralement aux personnes appartenant aux 10 centiles supérieurs de la pyramide des revenus, affirme le professeur en économie. C’est ce qu’on appelle une politique régressive. »

Finalement, Ian Irvine estime que la principale leçon à retenir de son étude est la prudence.

« Quand on élabore ce type de politique, mieux vaut réfléchir avant d’agir, conclut-il. En Ontario, le gouvernement octroie à l’achat d’un véhicule électrique des subventions pouvant atteindre 14 000 $. C’est beaucoup d’argent. Il est donc d’autant plus important de dire à la population que cela ne permettra même pas de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. »

CP
Lien principal : http://www.concordia.ca/cunews/main/releases/2017/06/06/new-research--electric-car-subsidies-may-do-more-harm-than-good.html
Autre lien : http://www.utpjournals.press/doi/full/10.3138/cpp.2016-010

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Seb

Cette étude est basée sur les politiques en place en Amérique du Nord, mais on peut noter qu’il en va exactement de même en Europe, où les véhicules électriques permettent au constructeurs européens d’atteindre leurs objectifs, en particulier grâce aux même types d’effet levier faisant qu’un véhicule électrique ou hybride rechargeable compte plus qu’un véhicule thermique (en soutien à l’innovation)…
Questionner la pertinence de ces droits à polluer offerts aux constructeurs, pour pouvoir continuer à vendre les grosses cylindrées me parait intéressant !
Parce que c’est un peu vexant de te dire que quand tu achète une Leaf, tu permet à Nissan de vendre un Navara de plus et qu’une I3 c’est peut être deux X5…

seb

Les règles européennes de comptabilisation de la consommation moyenne des véhicules par constructeur :
https://ec.europa.eu/clima/policies/transport/vehicles/vans_en

trimtab

Enerzine is on the road again…. !
Et quoi de plus approprié pour trimtab de remonter à bord, de recommencer un bout de route ensemble avec le vaste et compliqué domain des véhicules éléctriques…. ?
Déjà, ou viendra le ‘jus’ et comment le gérer pour ces millions de VE…. ? Ah sicetaitsimple… ! :

http://www.letelegramme.fr/france/auto-le-tout-electrique-en-2040-23-07-2017-11605900.php

Et aussi comme le démontre l’article sur les aides proposées, ils ont parfois des effets pervers sur le réel ‘bilan carbon’ de ceux qui souhaitent faire ce choix.

Mais j’ai souvent pensé que les fabricants de voitures ‘gonflent’ délibérament le prix de leur modèles électriques, en sachant justement, que les aides proposées ici ou là vont rammener ce prix vers quelques choses de plus ‘résonable’ pour l’acheteur lamda..car le prix ‘brut’ pour certains modèles les plus modestes (C0 de Citroën par exemple) sont autour 25,000 € – qui me semble abérante pour une ‘machine à laver sur roues’ – car en tant de ‘produit’ industriel, le VE ressemble plus à cela, qu’a la complexité technologique et parfois outrageusement ‘gagétiser’ des voitures modernes.

Et en plus ils persistent à vouloir ‘cloner’ des voitures classiques en versions éléctriques, sans porter un regard neuf sur idée ‘voiture’ et de ce qui pourrait être la mobilité du futur.

A noter que pour moi, le seul offre VE actuellement disponible qu’épouse d’idée de ce qui devrait être des LEM’s (Lightweight Electric Mobilty) du futur est le Twizzy de Renault – 4 roues sous une parapluie – et à +/- 10,000€ semble raisonable comme prix, bien que paradoxalement, n’est pas considéré comme ‘voiture’ mais comme ‘quadricycle à moteur’, et donc de bénéficie pas (il me semble?) d’aides à l’achat…… !

Car il n’est pas sur que des SUMO’s (Semi Urban Mobilty Options) à venir soient vraiment des ‘voitures’ mais quelques chose de ‘mutant’, 2, 3 ou 4 roues, entre vélo à assistance électrique et ‘voiture’ ? Même chez Valéo, ils se posent cette question :

http://www.ouest-france.fr/economie/automobile/automobile-fin-du-moteur-thermique-en-2040-ce-sera-chaud-5144043

« Il ne faut pas la regarder avec les yeux d’aujourd’hui. ……… Les économies d’énergie viendront d’un constat : en ville, il y a 1,1 personne en moyenne dans des voitures qui vont à 15 km/h, alors qu’elles sont faites pour transporter quatre personnes à 150 km/h. ……Il faut des véhicules qui n’accélèrent pas comme des brutes pour freiner 50 mètres plus loin. Et d’autres pour circuler à l’extérieur des villes. »
ou il est question d’un moteur 48V – qui semble justement être le maximum actuellement disponible en ‘kit’ conversion assistance éléctrique pour vélo – bien qu’illegal en France pour rouler sur la voie publique…! Et si justement l’explosion expotentielle des technologies, performances et possibilités des ‘vélo à assistance éléctrique’ poussait certains à revoir leur copie conceptuelle, technologique et reglementaire… ?

Ai-je bien lu entre les lignes en pensant que mon vélo couché tricycle avec carrosserie ‘fait maison’ et assistance éléctrique 48v ‘is the shape of things to come’ ?

« Simone ! Je prends mon SUMO pour aller faire des course.. »

trimtab

Enerzine

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Lionel Fr

L’algèbre ne répond pas à la complexité du problème…

Le fond de l’article a son intérêt et je ne nie pas qu’il y ait paradoxe entre la subvention et le résultat en termes d’émissions de CO2.

Mais nous ne vivons pas dans un monde parfaitement causal et l’objectif comptable est d’une autre subtilité : La subvention sert d’aide aux constructeurs auto pour lancer une nouvelle technologie. Comme toutes les aides utiles, elle ne sert pas directement l’objectif final : Faire baisser le CO2 – dans le cas contraire, les sommes à subventionner pour obtenir une baisse de 75% seraient supérieures au PIB !

Cette subvention sert à faire entrer l’électricité dans un secteur où le fossile est hégémonique. Elle sert à donner l’illusion d’une rentabilité aux VE alors que si on tenait compte des frais d’installation de stations de recharge et d’autres contraintes, on verrait tout de suite que le secteur est très loin d’être rentable actuellement.

La subvention ne fera pas baisser les émissions , c’est la VE qui le fera “un jour”. Quand ce jour arrivera, la subvention aura disparu parce que les constructeurs auront amorti leurs coût de migration – non pas en recevant de l’argent de l’état – mais en vendant les premières générations de VE à un prix acceptable par le client.

On voit bien que les calculs de bilan carbone sont beaucoup trop simples pour avoir des résultats. Ce sont juste des aides pour comprendre le problème. Si on veut que les émissions baissent, il faut que l’industrie s’attaque sérieusement à cette question et c’est ce à quoi sert la subvention à l’achat.

Pour les résultats, il faudra être (très) patient

sicetaitsimple

C’est Jurassic Park ici! Seb, Lionel, Trimtab…
Sicetaitsimple.

Lionel Fr

Précambrien ! J’avais nourri l’espoir que les survivant de l’espèce eussent profité du nouveau login pour s’acheter un prénom… Vous vous appelez Barnabée ou Raymond ?

sicetaitsimple

Bah non.. Désolé de te décevoir…J’avais choisi ce pseudo la première fois que je suis intervenu sur Enerzine, c’était en 2008 je crois, bien avant toi! Et je pense qu’il est toujours pertinent quand on veut parler d’énergie en regardant la réalité et non en en se faisant plaisir par des propos incantatoires.
Ceci dit les choses évoluent, en dix ans ou presque c’est bien normal.

Donc je garde “sicetaitsimple”. Mon prénom c’est Laurent.

Lionel Fr

Cool ! Merci pour l’info. Mon post argumente justement sur l’excessive simplitude de la question (non-posée) subventions vs.émissions de GES. Mais il me semble que cette tendance au simplisme relève plus de l’explication que de la posture.

Prendre un tel pseudo laisse entendre qu’on va plaider la complexité par principe, ce qui rend l’argument moins crédible.

Si on veut se donner la peine de détailler la feuille de route du déploiement VE autonome, on comprend que non seulement l’électrique peut faire chuter drastiquement la facture pétrolière mais aussi le nombre de voitures (d’un facteur 10 selon les cahiers de l’ingénieur)

Elon Musk n’est pas disposé à se dégonfler et les annonces officielles sur le lithium sont assez fracassantes depuis quelques mois

sicetaitsimple

“laisse entendre qu’on va plaider la complexité par principe”. Pas du tout, où alors c’est juste un principe de réalité constatant que l’énergie du monde c’est aujourd’hui très majoritairement du fossile….

Je n’ai fait de ce point de vue aucun commentaire sur l’article, juste un retour sur l’origine de mon pseudo!

Te voilà un partisan du VE à batteries Li-ion , maintenant? C’est bizarre, j’étais resté sur l’impression que c’était (de ton point de vue)un connerie et que seul l’hydrogène avait de l’avenir….

Lionel Fr

Sortie de contexte… Personne n’a intérêt à ce qu’une technologie détruise toutes les autres…
Le lithium est cool , si on en a assez. L’hydrogène suit sa route mais les champions du secteur n’ont pas intérêt à ce que son prix dévisse pour concurrencer le gaz. H2 restera un produit “haut de gamme” pour un moment. Cela dit, une grosse usine de fracturation de l’eau est en projet dans le nord de la France et McPhy perd de moins en moins d’argent !

Mais on n’a toujours presque rien à stocker ! à fortiori en payant le prix de la R&D. Avant d’espérer stocker de l’électricité, il faudrait déjà que les centrales gaz se mettent au ralenti. Or elles fonctionnent plein pot depuis un an. Ça paraît ballot de faire du P2G pour alimenter des centrales au gaz… bon !