Les ordinateurs quantiques sont encore confrontés à un obstacle majeur sur la voie de leur utilisation pratique : leur capacité limitée à corriger les erreurs de calcul qui surviennent. Pour développer des ordinateurs quantiques véritablement fiables, les chercheurs doivent être en mesure de simuler des calculs quantiques à l’aide d’ordinateurs conventionnels afin de vérifier leur exactitude, une tâche essentielle mais extrêmement difficile. Aujourd’hui, pour la première fois au monde, des chercheurs de l’université technologique de Chalmers en Suède, de l’université de Milan, de l’université de Grenade et de l’université de Tokyo ont dévoilé une méthode permettant de simuler certains types de calculs quantiques avec correction d’erreurs, ce qui représente une avancée significative dans la quête de technologies quantiques robustes.
Les ordinateurs quantiques ont le potentiel de résoudre des problèmes complexes qu’aucun superordinateur actuel ne peut traiter. Dans un avenir proche, la puissance de calcul de la technologie quantique devrait révolutionner les méthodes fondamentales de résolution des problèmes dans les domaines de la médecine, de l’énergie, du cryptage, de l’IA et de la logistique.
Malgré ces promesses, cette technologie est confrontée à un défi majeur : la nécessité de corriger les erreurs qui surviennent dans un calcul quantique. Si les ordinateurs classiques connaissent également des erreurs, celles-ci peuvent être corrigées rapidement et de manière fiable à l’aide de techniques bien établies avant qu’elles ne causent des problèmes. En revanche, les ordinateurs quantiques sont sujets à beaucoup plus d’erreurs, qui sont en outre plus difficiles à détecter et à corriger. Les systèmes quantiques ne sont toujours pas tolérants aux pannes et ne sont donc pas encore totalement fiables.
Pour vérifier la précision d’un calcul quantique, les chercheurs simulent – ou imitent – les calculs à l’aide d’ordinateurs classiques. Les chercheurs s’intéressent donc particulièrement à la simulation d’un type de calcul quantique capable de résister aux perturbations et de corriger efficacement les erreurs. Cependant, l’immense complexité des calculs quantiques rend ces simulations extrêmement exigeantes, à tel point que, dans certains cas, même le meilleur superordinateur classique au monde mettrait l’âge de l’univers pour reproduire le résultat.
Des chercheurs de l’université technologique de Chalmers, de l’université de Milan, de l’université de Grenade et de l’université de Tokyo sont désormais les premiers au monde à présenter une méthode permettant de simuler avec précision un certain type de calcul quantique particulièrement adapté à la correction d’erreurs, mais qui était jusqu’à présent très difficile à simuler. Cette avancée majeure relève un défi de longue date dans la recherche quantique.
« Nous avons découvert un moyen de simuler un type spécifique de calcul quantique pour lequel les méthodes précédentes n’étaient pas efficaces. Cela signifie que nous pouvons désormais simuler des calculs quantiques avec un code de correction d’erreurs utilisé pour la tolérance aux pannes, ce qui est essentiel pour pouvoir construire à l’avenir des ordinateurs quantiques meilleurs et plus robustes », déclare Cameron Calcluth, docteur en physique quantique appliquée à Chalmers et premier auteur d’une étude récemment publiée dans Physical Review Letters.
Les calculs quantiques avec correction d’erreurs : exigeants mais essentiels
La capacité limitée des ordinateurs quantiques à corriger les erreurs provient de leurs composants fondamentaux, les qubits, qui ont un potentiel de puissance de calcul immense, mais qui sont également très sensibles. La puissance de calcul des ordinateurs quantiques repose sur le phénomène de superposition de la mécanique quantique, ce qui signifie que les qubits peuvent contenir simultanément les valeurs 1 et 0, ainsi que tous les états intermédiaires, dans n’importe quelle combinaison. La capacité de calcul augmente de manière exponentielle avec chaque qubit supplémentaire, mais le compromis est leur extrême sensibilité aux perturbations.
« Le moindre bruit provenant de l’environnement sous forme de vibrations, de rayonnement électromagnétique ou de changement de température peut entraîner une erreur de calcul des qubits, voire la perte de leur état quantique, leur cohérence, et donc leur capacité à poursuivre le calcul », ajoute M. Calcluth.
Pour remédier à ce problème, des codes de correction d’erreurs sont utilisés pour répartir les informations entre plusieurs sous-systèmes, ce qui permet de détecter et de corriger les erreurs sans détruire les informations quantiques. Une méthode consiste à encoder les informations quantiques d’un qubit dans les multiples niveaux d’énergie (potentiellement infinis) d’un système mécanique quantique vibrant. C’est ce qu’on appelle un code bosonique. Cependant, la simulation de calculs quantiques avec des codes bosoniques est particulièrement difficile en raison des multiples niveaux d’énergie, et les chercheurs n’ont pas été en mesure de les simuler de manière fiable à l’aide d’ordinateurs conventionnels, jusqu’à présent.

Un nouvel outil mathématique clé dans la solution des chercheurs
La méthode développée par les chercheurs consiste en un algorithme capable de simuler des calculs quantiques qui utilisent un type de code bosonique connu sous le nom de code Gottesman-Kitaev-Preskill (GKP). Ce code est couramment utilisé dans les principales implémentations d’ordinateurs quantiques.
« La manière dont il stocke les informations quantiques permet aux ordinateurs quantiques de corriger plus facilement les erreurs, ce qui les rend moins sensibles au bruit et aux perturbations. En raison de leur nature profondément quantique, les codes GKP ont été extrêmement difficiles à simuler à l’aide d’ordinateurs conventionnels. Mais nous avons enfin trouvé un moyen unique de le faire de manière beaucoup plus efficace qu’avec les méthodes précédentes », explique Giulia Ferrini, professeure agrégée de physique quantique appliquée à Chalmers et co-auteure de l’étude.
Les chercheurs ont réussi à utiliser le code dans leur algorithme en créant un nouvel outil mathématique. Grâce à cette nouvelle méthode, les chercheurs peuvent désormais tester et valider de manière plus fiable les calculs d’un ordinateur quantique.
« Cela ouvre des voies entièrement nouvelles pour simuler des calculs quantiques que nous ne pouvions pas tester auparavant, mais qui sont essentiels pour pouvoir construire des ordinateurs quantiques stables et évolutifs », conclut Mme Ferrini.
Article : « Classical Simulation of Circuits with Realistic Odd-Dimensional Gottesman-Kitaev-Preskill States » – DOI : 10.1103/xmtw-g54f
Source : U. Chalmers