Dans un laboratoire discret de Bristol, une entreprise britannique vient d’accomplir une prouesse pour la course à l’énergie du futur. Astral Systems, en collaboration avec l’Université de Bristol, a annoncé avoir produit du tritium, un isotope rare et crucial pour la fusion nucléaire, à l’aide de son propre réacteur. Cela marque un progrès décisif dans la résolution d’un des obstacles les plus critiques de la fusion : garantir un approvisionnement stable et autonome en combustible. Le tritium, dont la production mondiale annuelle est estimée à 400 grammes, est essentiel pour les réacteurs de fusion, mais son coût élevé (environ 30 000 $ le gramme) limite son utilisation.
Une technologie hybride pour dompter la fusion
La percée repose sur une innovation baptisée Fusion Multi-États (MSF), un concept développé par l’entreprise qui allie deux approches de la fusion : celle du plasma, traditionnellement utilisée dans les réacteurs Tokamak, et celle du confinement dans un réseau solide, validée expérimentalement par la NASA en 2021. La méthode exploite simultanément les densités extrêmement élevées du lithium solide et la dynamique énergétique du plasma, créant ainsi un environnement où les réactions deutérium-tritium s’auto-entretiennent plus efficacement.
Leur technologie innovante permet d’atteindre des taux de fusion de plus de 1 000 milliards de réactions par seconde, une performance réalisée dans un réacteur compact et adaptable à des applications commerciales. Contrairement aux installations géantes comme Iter, le projet international basé en France, les réacteurs d’Astral Systems sont conçus pour être déployés à grande échelle, avec une empreinte réduite et des coûts d’exploitation maîtrisés.
En moins de trois ans, Astral Systems est passée de prototypes de laboratoire à des solutions opérationnelles. Fondée en 2021 par Talmon Firestone et le Dr Tom Wallace-Smith, l’entreprise a bénéficié d’un investissement de 5,3 millions d’euros mené par les fonds Speedinvest et Playfair en 2025. Ces ressources financières lui permettent de planifier la livraison de ses premiers réacteurs d’ici la fin de l’année, avec un positionnement stratégique sur le marché de la médecine nucléaire, estimé à 15 milliards de dollars.
Au-delà des isotopes médicaux, utilisés notamment pour le diagnostic et le traitement des cancers, les dirigeants envisagent des applications dans la transmutation des déchets radioactifs et l’exploration spatiale.
Le manteau au lithium
La production de tritium, un élément naturellement absent sur Terre, constitue l’un des défis techniques les plus ardues de la fusion. Astral Systems a résolu ce problème grâce à un composant central : un manteau fertile en lithium, intégré autour de la chambre de réaction. Lorsque les neutrons libérés par les fusions interagissent avec le lithium, ils génèrent du tritium et de l’hélium.
Cependant, la conception du manteau doit surmonter des défis complexes, notamment la gestion des courants électriques induits lorsque le lithium circule à travers des champs magnétiques intenses. Des solutions variées sont testées à travers le monde, comme le lithium-plomb refroidi à l’eau ou les galets céramiques refroidis à l’hélium. Astral Systems a opté pour une configuration optimisant à la fois la production de tritium et l’évacuation de la chaleur excédentaire, un équilibre délicat pour assurer la stabilité du réacteur.
La stratégie d’Astral Systems repose sur une logique de démonstration progressive. En ciblant initialement le secteur médical, elle capitalise sur une demande immédiate pour des isotopes comme le fluor-18 ou l’iode-131, produits traditionnellement dans des réacteurs de recherche coûteux et peu accessibles. À long terme, l’entreprise ambitionne d’intégrer ses systèmes à des centrales hybrides fusion-fission, combinant la sécurité intrinsèque de la fusion avec l’expertise existante en fission nucléaire. Ce modèle, encore théorique, pourrait offrir une transition énergétique réaliste vers des sources sans émission de CO₂.
Vers une ère post-carbone ?
La réussite d’Astral Systems ne signifie pas que l’énergie de fusion est à portée de main, mais elle établit un jalon décisif. Selon les experts, un cycle de combustible auto-entretenu, associant production et recyclage du tritium, est indispensable pour toute centrale fonctionnelle.
Cependant, des obstacles persistent : la durabilité des matériaux soumis aux flux neutroniques, la gestion des déchets faiblement radioactifs et, bien sûr, la compétitivité économique face aux énergies renouvelables. Astral Systems, consciente de ces défis, mise sur un développement progressif, évitant les promesses exagérées.
Dans un domaine marqué par des décennies de retards et de déceptions, cette approche pragmatique pourrait bien être la clé d’une révolution énergétique.
Source : Astral systems