De l’énergie solaire bon marché grâce à des nanocristaux

Un jour viendra où il n’y aura plus de pétrole. Ce jour-là, si nous avons sous la main des panneaux solaires performants et pas trop chers, il faudra peut-être dire merci à Dongling Ma, professeure au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS (Québec). Dans son laboratoire, elle fabrique des nanomatériaux qui pourraient rendre l’énergie solaire accessible à tous.

Les panneaux solaires actuels, faits de silicium, sont onéreux. En plus, ils ont un gros défaut : ils ne transforment en électricité que la lumière visible du Soleil, pas les rayons infrarouges. Or, ces rayons chauds et invisibles représentent près de la moitié de l’énergie solaire qui atteint la Terre. Quel gaspillage! Des scientifiques de partout dans le monde tentent donc de créer des panneaux capables d’absorber les infrarouges. Dongling Ma vient de surmonter le défi grâce à des nanomatériaux créés de toutes pièces dans son laboratoire!

Les nanomatériaux sont construits avec des « briques » infiniment petites, qui leur donnent des propriétés fabuleuses. Dongling Ma est tombée sous leur charme pendant son doctorat aux États-Unis : « Ces matériaux sont tellement fascinants! Ils permettent de faire des choses incroyables! ». À partir de sulfure de plomb — un minerai très abondant — la chercheure a fabriqué de minuscules cristaux qui ne renferment que quelques centaines d’atomes. À cette échelle, on entre dans un nouveau monde qui ne répond plus aux lois de la physique classique. Ici, c’est la physique quantique qui règne en maître.

Mais pour comprendre comment ce monde diffère de celui qu’on connaît, il faut d’abord rappeler le principe de base de l’énergie solaire. En gros, lorsqu’une particule de lumière ou photon frappe le matériau, elle arrache un électron à un atome. C’est ce flux d’électrons qui crée un courant électrique.

Des boîtes qui changent de couleur

Dans notre monde, pour le sulfure de plomb par exemple, ce phénomène n’est possible que pour la lumière d’une certaine « couleur ». Mais à l’échelle nanométrique, le sulfure de plomb devient changeant. Plus on rapetisse la taille du cristal — qu’on appelle « boîte quantique » — plus la lumière qu’il absorbe tire vers le bleu. Au contraire, plus le cristal grossit, plus il « boit » de la lumière rouge. Attention : les rayons ne sont vraiment ni rouges ni bleus puisque nous sommes dans l’infrarouge et non le visible. Mais le principe est le même… Dongling Ma a créé un nanocristal capable d’absorber des rayons solaires de différentes fréquences simplement en changeant sa taille. Comme si le cristal était le bouton d’un poste de radio permettant de syntoniser différentes fréquences!

Dans son laboratoire, Dongling Ma montre la « boîte à gants » dans laquelle elle fabrique ses petites merveilles. Cet instrument très populaire chez les chimistes est une enceinte vitrée percée de deux trous dans lesquels passent deux longs gants caoutchoutés. Les scientifiques manipulent avec ces gants des cristaux d’une pureté extrême. Pour éviter toute contamination, l’air de l’enceinte a été remplacé par un gaz inerte : l’azote! Dongling Ma explique qu’en empilant des boîtes quantiques de différentes tailles les unes sur les autres, on obtient un matériau capable d’absorber toute une gamme de rayons infrarouges. Fini le gaspillage!

Des spaghettis nanométriques

Mais quelques nanocristaux ne suffisent pas pour avoir une cellule solaire. Il reste encore à acheminer les électrons arrachés jusqu’à une électrode… Pour y arriver, Dongling a collé ses cristaux sur des nanotubes de carbone, les structures-vedettes de la nanotechnologie. Ces longs spaghettis vides à l’intérieur agissent ici comme des mini fils électriques qui aspirent les électrons libérés et les envoient vers une des électrodes de la cellule solaire, créant ainsi le courant électrique tant recherché.

Dongling Ma est bien fière de ses cellules solaires qui absorbent les rayons infrarouges. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un prototype dont les performances ne sont pas encore optimisées. Mais quand elles le seront, ses cellules solaires pourraient devenir une alternative intéressante aux panneaux de silicium. Bien qu’elles ne convertiront pas autant d’énergie solaire en électricité que ces derniers — qui sont difficiles à battre avec leur taux de conversion de 15 à 20 % — leur bas prix jouerait en leur faveur. Autre avantage : alors que les panneaux de silicium sont rigides, ceux faits de ces nanomatériaux seraient flexibles. On pourrait donc les utiliser sur toutes sortes de surfaces : carrosserie de voiture, vêtements, lampadaires, toiture, etc.

Chimie verte et virus

Mais les nanomatériaux de la chercheure venue de Chine ont bien d’autres tours dans leur sac. Ils lui ont aussi permis de faire avancer un nouveau domaine : celui de la chimie verte — une nouvelle façon de faire de la chimie qui utilise moins d’énergie et génère moins de polluants. Son équipe a conçu un nouveau catalyseur, c’est-à-dire une solution qui accélère la réaction entre deux substances. Traditionnellement, on utilise pour ce faire des métaux lourds, des polluants difficiles à récupérer à la fin de la réaction. Mais les nanoparticules de l’INRS sont magnétisées; elles attirent les substances près d’elles, ce qui augmente les chances d’interaction, mais elles peuvent aussi être récupérées à la fin avec un simple aimant! Ce nouveau catalyseur peut donc être réutilisé autant de fois qu’on le veut! Plus de pertes, ni de déchets toxiques!

Ses nanocristaux pourraient aussi s’avérer utiles dans le domaine biomédical; par exemple, pour suivre le mouvement d’un virus dans une cellule. « Ça pourrait nous aider à comprendre comment les virus nous infectent », dit-elle. Donc peut-être à les stopper avant que la maladie ne s’installe…

Chose certaine : les nanomatériaux livrent leurs promesses. Et l’émerveillement de Dongling Ma à leur égard n’en est que plus grand, de jour en jour… ?

© Institut national de la recherche scientifique, 2012 / Tous droits réservés / Photos © Christian Fleury

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Pastilleverte

INRS c’est français, jusqu’à preuve du contraire et de deux, j’espère que cette charmante personne n’est pas une “étudiante étrangère”, car avec la politique stupide de nos gouvernants actuels, ils seraient dapables de la renvoyer “chez elle” quand elle demanderait du travail en france , ultra qualifié et “porteur d’avenir” (élément de langage) et de trois, le titre n’est pas trompeur, c’est bien le “bon marché” qui semble primer, pas l’efficacité; OK ça peut revenir au même dans la mesure où au même prix on obtient des surfaces plus grandes de panneuax PV, même avec un rendement un peu inférieur auxPV “classique silicium”.

alainraf

Et d’un: l’INRS est bien canadien; ne pas confondre avec le CNRS bien français. voir copié collé du site INRS: “L’INRS est une université de 2e et 3e cycles composée de 4 centres de recherche situés dans différentes villes du Québec. Notre institution, qui regroupe 150 professeurs, compte 700 étudiants, dont une centaine de stagiaires postdoctoraux. L’INRS joue un rôle clé dans l’avancement des connaissances et la formation d’une relève scientifique hautement qualifiée dans des secteurs stratégiques de la recherche, tant au Québec que dans le reste du monde.” Et de deux: la charmante étudiante étrangère ne craint donc rien tout au moins en France…C’est plutôt au Canada de bien ficeler son contrat avant de la revoir partir vers la Chine avide et goulue et de trois:l’efficacité viendra sûrement , surtout avec une telle passionnée plus qu’enthousiasmante !

Lionel_fr

Le nombre de watts utiles qui sortent d’un panneau solaire est le centre d’un malentendu que seules les expériences révèlent. Certes , il y a beaucoup plus d’énergie dans le rayonnement bleu et UV que dans le rouge et les IR. Cela rend le silicium cristallin irremplaçable dans les déserts sub tropicaux. Cependant sous nos climats nuageux, les situations d’ensoleillement partiel sont majoritaires dans une journée moyenne, qu’il s’agisse de nuages ou de longues périodes de lever et coucher de soleil, les panneaux SI Cristal ne produisent pratiquement rien s’ils ne sont pas exposés à la radiation directe du plein soleil. Alors certes , dans ce cas , la production est impressionante mais cela n’arrive pas souvent et surtout , les longues périodes nuageuses sont synonymes de production quasi-nulle ! Les fréquences rouges du spectre ne permettent qu’une efficacité “papier” de moitié inférieure aux fréquences bleues mais on en a beaucoup plus et surtout , elle correspondent bien mieux à notre consommation d’électricité. C’est pourquoi j’attire votre attention sur l’adéquation entre production electrique et consommation. En effet si une installation produit 80% de son energie entre 11h et 15h les jours de beaux temps , il est évident qu’elle rendra moins de services qu’une installation qui produit moitié moins mais entre 9h et 17h , même quand le temps est couvert ..

crolles

Je m’interroge sur ce phénomène qui pousse à valoriser les recherches fondamentales en faisant croire que les avancées vont remplacer ceci ou celà… Surtout quand il est évident que ces affirmations sont basées sur des raisonnements manifestement à coté de la plauqe. L’avenir de l’électricité solaire dépend principalement du cout du kWh produit. Ce dernier dépend de l’investissement pour réaliser l’installation et de sa DUREE DE VIE. Or de ces nouvelles technologie, nous n’avons aucun renseignement sur la durée de vie. rappel : un panneau Silicium a une durée de vie estimée à 30 ans. De plus, la notion de rendement s’exprime en ce domaine par le nombre de Wc (Watt crète) au m². ainsi, un panneau ayant un rendement de 14%, c’est 140Wc/m² sous nos lattitudes ou l’incident est de 1000W/m². Mais contrairement aux sources d’électricité qui consomment de la matière première (éventuellement fossile, éventuellement chère), dans le cas du solaire, la matière première (le soleil) est gratuit et inépuisable. Donc, la notion de rendement (au m²) n’a de sens que si l’on est limité en surface (petites toitures par exemple) et qu’on veut l’installation la plus puissante possible. Bref, le Graal de l’électricité solaire, c’est le cout au Wc installé le plus faible possible et la durée de vie de l’installation la plus longue possible, le tout dans une zone ou le soleil est le plus radieux possible. Ceci dit la recherche fondamentale c’est très bien aussi. Il faut juste se garder d’en faire du médiatique à tors et à travers. cdlt

yp

Nouvelle très intéressante et oh combien prometteuse de panneaux solaires capables de tirer de l’électricité de la lumière du jour même quand c’est couvert! Et en plus souple donc appliquable sur beaucoup de surfaces du quotidien, c’est génial. De tout coeur avec mademoiselle Dongling Ma

Pastilleverte

1/ pan (sur le bec immodestement) dommage, c’était trop beau en effet 2/ pan pan dommage, ils n’ont pas Guéant au canada 3/ pan pan pan mouiii enthousisame indubitablement, sera-ce suffisant ?

Nicias

Or, ces rayons chauds et invisibles représentent près de la moitié de l’énergie solaire qui atteint la Terre C’est 40%, et d’après le Giec, le satanique CO2 absorbe le rayonnement infrarouge et donc en renvoie une bonne moitié (je n’ai jamais vu de bilan radiatif qui montre ces 40% et ce qu’il en advient) dans l’espace, attention à ne pas tomber dans le négationnisme climatique ! Plus sérieusement, il y a bien du rayonnement IR à exploiter, mais il ne vient pas directement du soleil.

Nicias

Le CO2 n’absorbe pas les IR du soleil. Ce qui m’amène à une question, quelle est la plage de fréquence concernée par cette technologie ?

Dicirius

Pas d’accord, ces nouvelles cellules solaires offriront un rendement plus élevées que les panneaux en silicium dès lors qu’elle seront fabriquées en association avec la technologie photovoltaïque organique. Le résultat est une cellule solaire hybride qui sera capable d’offrir un rendement de 44% ! Bientôt la fin du nucléaire !