Des scientifiques ont réussi à observer des atomes d’hydrogène en mouvement rapide, clés de nombreuses réactions biologiques et chimiques. Cette réalisation, qui a été menée par une équipe de chercheurs du Laboratoire national d’accélérateurs SLAC du Département de l’énergie et de l’Université Stanford, a utilisé la diffraction électronique ultra-rapide (UED) pour enregistrer le mouvement des atomes d’hydrogène au sein des molécules d’ammoniac.
Il avait été théorisé que l’on pourrait suivre les atomes d’hydrogène avec la diffraction électronique, mais jusqu’à présent, personne n’avait réussi à réaliser l’expérience avec succès.
Les résultats, publiés dans Physical Review Letters, exploitent les forces des électrons à haute énergie de mégaelectronvolt (MeV) pour étudier les atomes d’hydrogène et les transferts de protons, où le proton singulier qui constitue le noyau d’un atome d’hydrogène passe d’une molécule à une autre.
Les transferts de protons sont à l’origine d’innombrables réactions en biologie et en chimie – pensez aux enzymes, qui aident à catalyser les réactions biochimiques, et aux pompes à protons, qui sont essentielles aux mitochondries, les centrales énergétiques des cellules. Il serait donc utile de savoir exactement comment sa structure évolue pendant ces réactions. Mais les transferts de protons se produisent très rapidement – en quelques femtosecondes, un millionième de milliardième de seconde. Il est difficile de les attraper en action.
Une nouvelle méthode d’observation
Une possibilité est de tirer des rayons X sur une molécule, puis d’utiliser les rayons X diffusés pour en apprendre davantage sur la structure de la molécule au fur et à mesure de son évolution. Hélas, les rayons X n’interagissent qu’avec les électrons – pas avec les noyaux atomiques – donc ce n’est pas la méthode la plus sensible.
Pour obtenir les réponses qu’ils recherchaient, une équipe dirigée par le scientifique du SLAC, Thomas Wolf, a mis au travail MeV-UED, la caméra de diffraction électronique ultra-rapide du SLAC. Ils ont utilisé de l’ammoniac en phase gazeuse, qui a trois atomes d’hydrogène attachés à un atome d’azote.
L’équipe a frappé l’ammoniac avec de la lumière ultraviolette, dissociant, ou brisant, l’une des liaisons hydrogène-azote, puis a tiré un faisceau d’électrons à travers celui-ci et a capturé les électrons diffractés.
Des résultats prometteurs
Non seulement ils ont capté des signaux provenant de l’hydrogène se séparant du noyau d’azote, mais ils ont également capté le changement associé dans la structure de la molécule. De plus, les électrons diffusés ont été projetés à différents angles, de sorte qu’ils ont pu séparer les deux signaux.
« Avoir quelque chose qui est sensible aux électrons et quelque chose qui est sensible aux noyaux dans la même expérience est extrêmement utile », a déclaré Wolf. « Si nous pouvons voir ce qui se passe en premier lorsqu’un atome se dissocie – que ce soient les noyaux ou les électrons qui font le premier mouvement pour se séparer – nous pouvons répondre à des questions sur la façon dont se produisent les réactions de dissociation. »
En synthèse
Avec ces informations, les scientifiques pourraient se rapprocher du mécanisme insaisissable du transfert de protons, ce qui pourrait aider à répondre à une myriade de questions en chimie et en biologie. Savoir ce que font les protons pourrait avoir des implications importantes en biologie structurale, où les méthodes traditionnelles comme la cristallographie aux rayons X et la microscopie électronique cryogénique ont du mal à «voir» les protons.
À l’avenir, le groupe réalisera la même expérience en utilisant des rayons X au laser à rayons X du SLAC, le Linac Coherent Light Source (LCLS), pour voir à quel point les résultats sont différents. Ils espèrent également augmenter l’intensité du faisceau d’électrons et améliorer la résolution temporelle de l’expérience afin de pouvoir réellement résoudre les étapes individuelles de la dissociation du proton au fil du temps.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que la diffraction électronique ultra-rapide (UED) ?
L’UED est une technique qui utilise des électrons à haute énergie pour enregistrer le mouvement des atomes à l’intérieur des molécules. Elle a été utilisée dans cette étude pour observer le mouvement des atomes d’hydrogène au sein des molécules d’ammoniac.
Qu’est-ce qu’un transfert de protons ?
Un transfert de protons est un processus où le proton unique qui constitue le noyau d’un atome d’hydrogène passe d’une molécule à une autre. Ces transferts sont à l’origine de nombreuses réactions en biologie et en chimie.
Pourquoi est-il difficile d’observer les transferts de protons ?
Les transferts de protons se produisent très rapidement, en quelques femtosecondes, soit un millionième de milliardième de seconde. Il est donc difficile de les observer en action.
Comment l’équipe a réussi à observer les atomes d’hydrogène en mouvement ?
L’équipe a utilisé de l’ammoniac en phase gazeuse, qui a trois atomes d’hydrogène attachés à un atome d’azote. Ils ont frappé l’ammoniac avec de la lumière ultraviolette, dissociant l’une des liaisons hydrogène-azote, puis ont tiré un faisceau d’électrons à travers celui-ci et ont capturé les électrons diffractés.
Quelles sont les implications de cette recherche ?
Les résultats pourraient aider les scientifiques à comprendre le mécanisme insaisissable du transfert de protons, ce qui pourrait répondre à de nombreuses questions en chimie et en biologie. Cela pourrait également avoir des implications importantes en biologie structurale, où les méthodes traditionnelles ont du mal à «voir» les protons.
Crédit : Nanna H. List/KTH Royal Institute of Technology. Irradiation de l’ammoniac avec de la lumière ultraviolette provoquant la dissociation d’un hydrogène de l’ammoniac. Les chercheurs du SLAC ont utilisé une « caméra à électrons » ultra-rapide pour observer exactement ce que faisait cet hydrogène lorsqu’il se dissociait.
Physical Review Letters, DOI 10.1103/PhysRevLett.131.143001, « Femtosecond Electronic and Hydrogen Structural Dynamics in Ammonia Imaged with Ultrafast Electron Diffraction »