En laissant les déchets de jardin, nous pourrions stocker 600 000 tonnes de CO2 par an

En laissant les déchets de jardin, nous pourrions stocker 600 000 tonnes de CO2 par an

Nous, Danois, faisons la navette avec près d’un million de tonnes de déchets de nos jardins chaque année. Mais nous rendrions un grand service au climat si nous n’y touchions pas, selon les calculs de Per Gundersen, professeur à l’université de Copenhague. En même temps, les feuilles et autres déchets de jardin sont une aubaine pour la biodiversité et le sol des jardins.

À l’automne, le bruit d’un souffleur de feuilles qui les empile ou la vue d’une file de remorques remplies de déchets de jardin au centre de recyclage ne sont que trop fréquents, alors que les arbres perdent leurs robes brunes et jaunes dorées.

Dans l’ensemble, les Danois sont heureux de “ranger” leurs jardins. Les chiffres du ministère de l’environnement indiquent que les Danois ont éliminé 983 000 tonnes de déchets de jardin en 2019, qui sont tous transportés, triés et traités par les systèmes municipaux de gestion des déchets. Les plus grosses branches et les troncs sont brûlés pour la bioénergie, tandis que les petites branches, les feuilles et les tontes de gazon sont compostées.

Mais peut-être devrions-nous laisser une plus grande partie de notre jardin tranquille. Selon Per Gundersen, professeur d’écologie forestière au département des géosciences et de la gestion des ressources naturelles de l’université de Copenhague, il est possible de réaliser d’importantes économies de CO2. Le professeur Gundersen a calculé les répercussions sur le compte national du climat du Danemark si les Danois laissaient simplement les déchets de jardin se décomposer dans leur jardin au lieu de les brûler.

Si tout le monde s’y mettait et apprenait à gérer les branches et les brindilles de son jardin, par exemple, mes calculs indiquent que nous pourrions stocker environ 600 000 tonnes de CO2 par an“, explique-t-il.

Les calculs sont basés sur un modèle simple qui inclut les différents processus de décomposition des feuilles, des brindilles et des branches.

Lorsque M. Gundersen déduit l’utilité des branches et des troncs utilisés pour la bioénergie dans le système actuel, le potentiel de stockage du CO2 des déchets de jardin pourrait permettre d’atteindre environ un demi pour cent de l’objectif de réduction de 70 % fixé par le Danemark pour 2030.

Lorsque les déchets de jardin sont brûlés ou compostés par les systèmes municipaux de traitement des déchets, le CO2 retourne très rapidement dans l’atmosphère. En gardant les déchets dans le jardin, le processus de décomposition est nettement plus lent. En pratique, cela signifie que l’on constitue un stock de CO2 de plus en plus important dans le jardin sous la forme de brindilles, de branches mortes et de feuilles que l’on laisse se décomposer“, explique le professeur Gundersen.

Les feuilles d’automne sont bonnes pour le jardin et la biodiversité

À cette époque de l’année, les feuilles volent et remplissent les jardins. Mais au lieu de les ratisser et de les emmener au centre de recyclage, il existe d’autres bonnes raisons de les laisser dans le jardin.

Les feuilles aident à nourrir le jardin car elles alimentent tout un écosystème de décomposeurs. Qu’il s’agisse de champignons, de bactéries, de minuscules créatures invisibles du sol, de vers de terre ou de punaises, ils aident à décomposer et à métaboliser les matières organiques afin de libérer les nutriments dans le sol. Ces décomposeurs constituent ensuite une source de nourriture importante pour des animaux plus grands comme les hérissons et les oiseaux“, explique Per Gundersen.    

Lorsque les micro-organismes, les vers et les autres décomposeurs font la guerre aux feuilles, une grande partie de la biomasse se transforme en CO2 qui est lentement libéré dans l’air pendant plusieurs années. Une petite partie des feuilles rongées devient l’humus du sol, un nom commun pour la matière organique compliquée qui prend beaucoup de temps à se décomposer et qui est d’une grande importance pour la santé des plantes.

Une teneur élevée en humus dans la couche arable donne un sol sombre qui a une bonne structure et retient bien l’eau et les nutriments, ce qui est important si vous voulez que les plantes du jardin prospèrent“, explique Per Gundersen.

Nous devons oser lâcher le contrôle

Mais que faire de toutes ces feuilles qui remplissent soudainement le jardin ? Per Gundersen suggère de les ratisser dans les plates-bandes où l’on cultive des légumes, ou dans les zones où l’on veut éviter les mauvaises herbes. On peut également les ramasser dans une partie du jardin que l’on souhaite laisser pousser à l’état sauvage et se débrouiller toute seule.

Curieusement, alors que le vent a tendance à souffler les feuilles dans le jardin, elles restent souvent dans les lits ou autour des buissons où il y a moins de vent, ce qui est une bonne chose“, explique-t-il.

Au printemps, une grande partie des feuilles se seront déjà désintégrées et seront retournées dans le cycle invisible du jardin. Les feuilles de tilleul et de frêne sont particulièrement douées pour disparaître rapidement des jardins. Les feuilles de chêne et d’arbres fruitiers sont plus lentes à se décomposer, ce qui les rend idéales pour l’isolation du sol autour des plantes à bulbe ou des légumes, par exemple.

Nos jardins peuvent contribuer à la fois à la crise du climat et de la biodiversité en valorisant davantage les déchets de jardin. Je pense aussi que cela conduira à un peu moins de jardinage à long terme. Et puis c’est plus amusant, car il y aura une plus grande abondance de vie autour du jardin. Il faut juste oser lâcher le contrôle et faire plus de place à la nature en autorisant les brindilles et quelques branches mortes, par exemple“, conclut Per Gundersen.

Photo de Anton Darius sur Unsplash

[ Communiqué ]

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