La détection du CO2 par les insectes : vers des applications innovantes

La détection du CO2 par les insectes : vers des applications innovantes

La compréhension des mécanismes biologiques inspire des avancées technologiques comme par exemple la découverte des récepteurs de CO2 chez les insectes. Par la suite des applications inédites sont imaginables, allant de la lutte antiparasitaire à la conception de biosenseurs.

Les insectes, dont les moustiques et les mouches des fruits, utilisent le CO2 comme indicateur pour trouver leurs sources de nourriture ou des lieux de ponte. Ce gaz, émis par la respiration ou les processus de fermentation, est détecté grâce à un ensemble de récepteurs olfactifs.

Des chercheurs de l’Université de la Ruhr à Bochum ont récemment mis en évidence que des récepteurs individuels chez la mouche des fruits sont également capables de détecter le CO2.

Le groupe de recherche en Neurosciences Sensorielles, dirigé par le Dr. Paul Ziemba, Alina Mück et le Professeur Klemens Störtkuhl, a publié ses résultats dans la revue PLOS ONE, soulignant l’identification de molécules bloquant ces récepteurs de CO2.

Paul Ziemba (à gauche) et Klemens Störtkuhl ont analysé en détail les récepteurs de la mouche des fruits.

Une détection directe du CO2 par les récepteurs

Les scientifiques ont longtemps cherché à comprendre si le CO2 se liait directement aux récepteurs ou si la sensibilité au CO2 résultait d’une interaction avec d’autres protéines. L’équipe de Bochum a clarifié ce point en utilisant un système de mesure permettant d’examiner les récepteurs isolément, sans expérimentation animale.

En injectant les récepteurs isolés dans des cellules d’œufs de grenouille et en mesurant leur réponse électrophysiologique au contact du CO2, les chercheurs ont démontré que les récepteurs Gr21a et Gr63a détectent directement la molécule de CO2, bien que moins efficacement que lorsqu’ils sont intégrés dans un complexe protéique.

Le citronellol, un inhibiteur efficace

La recherche a également porté sur l’identification de substances capables de bloquer les récepteurs de CO2. Parmi les bloqueurs connus, le citronellol s’est révélé particulièrement efficace pour supprimer la capacité des récepteurs Gr21a et Gr63a à détecter le CO2.

Le Professeur Störtkuhl précise que le citronellol, présent dans de nombreux répulsifs insectes, pourrait rendre une personne «pratiquement invisible» aux moustiques.

Vers la création d’un biosenseur de CO2

L’équipe de Bochum envisage d’intégrer ces découvertes dans le développement d’un biosenseur de CO2, en collaboration avec l’Institut des Systèmes Aéronautiques de Stuttgart. Ce biosenseur pourrait permettre de détecter le CO2 dans des milieux liquides, une capacité encore inexistante à ce jour, selon Störtkuhl.

Les capteurs de CO2, utilisés notamment sur la Station Spatiale Internationale, doivent consommer le moins d’énergie possible. Les méthodes de mesure physiques actuelles étant peu économes en énergie, un biosenseur représenterait une alternative prometteuse. Il pourrait également être adapté à la détection d’autres substances volatiles à l’avenir.

En synthèse

Les travaux menés révèlent le potentiel des récepteurs de CO2 présents chez les insectes pour des applications diversifiées. La découverte de leur capacité à détecter directement le CO2 et l’identification de substances inhibitrices ouvrent des perspectives dans la conception de répulsifs plus efficaces et le développement de biosenseurs énergétiquement efficients. Ces avancées illustrent l’importance de la recherche fondamentale en biologie pour inspirer des innovations technologiques.

Pour une meilleure compréhension

Qu’est-ce que le CO2 et pourquoi est-il important pour les insectes?

Le dioxyde de carbone (CO2) est un gaz produit par la respiration et la fermentation. Pour les insectes, il sert d’indicateur pour localiser la nourriture ou des sites de reproduction.

Comment les récepteurs de CO2 ont-ils été étudiés?

Les chercheurs ont isolé les récepteurs et les ont injectés dans des cellules d’œufs de grenouille pour mesurer leur réponse au CO2 sans recourir à des tests sur les animaux.

Quelle est la particularité du citronellol?

Le citronellol est un composé qui a été identifié comme un inhibiteur des récepteurs de CO2, ce qui pourrait améliorer l’efficacité des répulsifs contre les moustiques.

Quels sont les avantages d’un biosenseur de CO2?

Un biosenseur de CO2 serait plus économe en énergie que les méthodes physiques actuelles et pourrait être utilisé pour détecter le CO2 dans des milieux liquides, une capacité non encore réalisée.

Quelles sont les implications futures de cette recherche?

Cette recherche pourrait conduire à la création de nouveaux répulsifs et à la mise au point de biosenseurs pour diverses applications, y compris dans l’industrie spatiale.

Références

Paul M. Ziemba, Alina Mueck, Günter Gisselmann, Klemens F. Stoertkuhl : Functional Expression and Ligand Identification of Homoand Heteromeric Drosophila melanogaster CO2 Receptors in the Xenopus laevis Oocyte System, in : PLOS ONE, 2024, DOI : 10.1371/journal.pone.0295404

[ Rédaction ]

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