Jocelyn Bilker
Qu’ont en commun les abeilles mellifères et les réseaux électriques ? Plus-que vous ne le pensez, selon Wangda Zuo, professeur d’ingénierie architecturale à Penn State. Le scientifique dirige un nouveau projet financé par une subvention d’un million de dollars de la National Science Foundation (NSF) américaine afin d’étudier comment la coordination et le contrôle des ressources énergétiques distribuées, à l’instar de la manière dont les abeilles mellifères régulent les ressources de leur colonie, peuvent contribuer à améliorer la résilience de la distribution des réseaux électriques.
En collaboration avec l’Université du Colorado à Boulder, l’Université du Vermont et le partenaire industriel Evoke Systems, l’équipe explore plus précisément comment les connaissances acquises grâce aux colonies d’abeilles mellifères peuvent améliorer la coordination et la résilience des ressources énergétiques distribuées, telles que les panneaux solaires installés sur les toits et les micro-réseaux communautaires. En imitant la façon dont les abeilles communiquent et s’adaptent aux défis, les chercheurs visent à concevoir un « réseau électrique virtuel peer-to-peer », selon W. Zuo, qui pourrait résister aux perturbations et contribuer à moderniser la façon dont l’énergie est distribuée.
Dans la série de questions-réponses qui suit, W. Zuo explique pourquoi s’inspirer de la nature peut donner naissance à de nouvelles façons de résoudre les défis liés aux infrastructures critiques.
Q : Pourquoi s’inspirer des abeilles mellifères pour la conception des réseaux électriques ?
Zuo : Les abeilles mellifères sont des maîtres de la coordination. À l’intérieur d’une ruche, des milliers d’abeilles travaillent ensemble pour partager la nourriture, équilibrer les besoins et assurer le bon fonctionnement de la colonie sans aucun commandement central. C’est exactement le type de travail d’équipe dont nous avons besoin pour le réseau électrique du futur.
Notre projet s’inspire de la manière dont les abeilles échangent et stockent l’énergie pour construire des systèmes électriques plus intelligents et plus résilients. Si les abeilles peuvent gérer le partage complexe de l’énergie dans la nature, nous pouvons apprendre d’elles pour concevoir des réseaux flexibles, efficaces et auto-organisés.
Q : En quoi cette approche inspirée des abeilles mellifères diffère-t-elle du contrôle traditionnel des réseaux ?
Zuo : Le réseau électrique actuel est comme une organisation hiérarchique. Les décisions sont prises par quelques opérateurs et l’électricité circule principalement dans un seul sens. Mais à mesure que de plus en plus de foyers s’équipent de panneaux solaires, de batteries et de véhicules électriques, le réseau devient plus dynamique et imprévisible.
Notre approche inspirée des abeilles renverse ce modèle. Au lieu d’attendre des commandes centrales, les appareils tels que les véhicules électriques ou les pompes à chaleur peuvent « communiquer » entre eux et partager directement l’énergie, un peu comme les abeilles qui décident quand se nourrir mutuellement ou stocker du miel. Cette coordination entre pairs pourrait rendre le réseau plus adaptable et plus résilient, en particulier pendant les tempêtes ou les périodes de forte demande.
Q : À quoi pourrait ressembler cette approche de la distribution d’énergie pour les consommateurs quotidiens à l’avenir ?
Zuo : Imaginez un quartier où les maisons, les voitures et les batteries partagent automatiquement l’énergie comme les abeilles partagent leur nourriture. Votre voiture électrique pourrait aider à alimenter votre maison, voire celle de votre voisin, en cas de panne.
Ce type de « réseau de partage d’énergie » pourrait réduire les coûts, limiter les coupures de courant et rendre l’énergie plus accessible à tous, en particulier dans les communautés qui ont du mal à payer leurs factures d’énergie élevées. En bref, il s’agit d’un réseau plus intelligent, plus équitable et plus résilient pour le XXIe siècle.
Q : Quel rôle votre équipe de Penn State joue-t-elle dans ce projet collaboratif ?
Zuo : À Penn State, nous dirigeons l’ensemble du projet et nous nous concentrons sur la manière dont les bâtiments et leurs systèmes énergétiques, tels que les pompes à chaleur et les chauffe-eau, peuvent agir comme des partenaires intelligents dans le réseau. Nous travaillons en étroite collaboration avec des chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder, de l’Université du Vermont et du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL). Ensemble, nous combinons la biologie, l’informatique et l’ingénierie pour tester ces idées dans des simulations virtuelles et des micro-réseaux réels.
Source : Penn State U.











