Une nouvelle étude publiée dans la revue Science décrit une technologie innovante pour l’extraction directe de lithium à partir de la saumure des champs pétrolifères et de l’eau de mer, sources dans lesquelles le lithium est présent mais à des concentrations très faibles. Cette technologie a été démontrée à une échelle pilote 100 000 fois supérieure à celle d’un laboratoire universitaire, et son coût était compétitif par rapport aux techniques standard qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour les saumures à faible teneur en lithium.
L’accès au lithium dans la saumure peut accroître la disponibilité du lithium dans le monde de plusieurs centaines de milliards de tonnes et faire passer l’Arabie saoudite du statut de grand importateur à celui de producteur de cet élément très recherché.
La technologie, qui permet l’extraction sans introduire de polluants ou d’additifs, peut extraire le lithium de la saumure à des concentrations aussi faibles que 20 ppm (parties par million), une sensibilité remarquable qui rend l’extraction du lithium économique pour les sources à faible concentration de lithium comme les champs pétrolifères de l’Arabie saoudite.
« Nous avons optimisé un pont d’électrodes redox pour exploiter l’énergie osmotique générée par la différence de concentration entre la saumure très saline et la solution de récupération, réduisant ainsi la consommation d’énergie dans le processus d’extraction du lithium », a déclaré Zhiping Lai, professeur à la KAUST, coprésident du Centre d’excellence de la KAUST pour les énergies renouvelables et les technologies de stockage, et chercheur principal dans le cadre du projet.
Il ajoute que ce type d’innovations peut créer une nouvelle valeur dans les champs pétrolifères, les mines et les puits géothermiques, autant de sites qui produisent de l’eau actuellement traitée comme un déchet.
La demande mondiale de lithium s’accélère
Dans le monde d’aujourd’hui, il est presque impossible de trouver une personne qui ne dépende pas du lithium. Cet élément est essentiel pour les batteries qui alimentent les véhicules électriques, les ordinateurs portables et les smartphones. Et comme de plus en plus de pays se numérisent, la demande passera de moins de 750 000 tonnes en 2020 à plus de 5 millions en 2030.
Il n’est donc pas surprenant que les pays investissent massivement dans les moyens d’extraire le lithium ou d’en faire le commerce. L’Arabie saoudite a d’ailleurs déclaré publiquement son intention de s’approvisionner en lithium à l’étranger dans le cadre de sa stratégie énergétique.
Toutefois, le royaume est peut-être déjà riche en lithium grâce aux mers et aux gisements de pétrole qui l’entourent. S’il a choisi de dépendre du lithium étranger, c’est parce que les techniques actuelles ne permettent pas d’extraire le lithium présent dans ses réserves. Une solution pourrait changer complètement les plans actuels du Royaume. En effet, on estime que la saumure et l’eau de mer contiennent plus de dix mille fois plus de lithium que les réserves actuelles de lithium pour lesquelles les systèmes conventionnels sont conçus, ce qui ferait passer les ressources mondiales de lithium de 22 millions de tonnes à plus de 230 milliards.
« L’extraction locale de lithium renforce la résilience de la chaîne d’approvisionnement et la sécurité énergétique nationale. Cette innovation pourrait permettre à l’Arabie saoudite de jouer un rôle de premier plan sur le marché mondial des énergies propres et de renforcer son influence internationale et ses échanges commerciaux », a ajouté M. Li.
L’industrie voit la valeur
Une startup de la KAUST, Lihytech, fondée par Lai et son collègue, le professeur Kuo-Wei (Andy) Huang de la KAUST, qui a également contribué à l’étude, vise à faire passer cette technologie du laboratoire au marché. La startup a reçu un investissement de 6 millions de dollars de la part de la société minière saoudienne Ma’aden et du Fonds d’innovation de la KAUST (KIV).
En septembre, Lihytech et Aramco ont annoncé un partenariat dans le cadre duquel le conglomérat international fournit de la saumure provenant de ses champs pétrolifères afin de tester les capacités d’extraction de lithium de la technologie.
« Notre objectif est de mettre en place une production et une exploitation à grande échelle et de générer une production significative de lithium en Arabie saoudite d’ici 2028 », a conclu M. Huang.
Article : « Lithium extraction from brine through a decoupled and membrane-free electrochemical cell design » – DOI: 10.1126/science.adg8487
Source : KAUST – Traduction enerzine.com