Face à l’augmentation des températures estivales, la demande en climatisation ne cesse de croître. Un modèle développé par des chercheurs de l’Imperial College London et de la TU Delft, nommé Demand.ninja, permet de cartographier la demande énergétique au niveau des rues et montre que la demande de refroidissement a augmenté de 5% par an entre 1980 et 2022.
Le modèle Demand.ninja
Le modèle Demand.ninja a été conçu pour montrer comment les conditions météorologiques influencent la consommation d’énergie horaire dans les bâtiments. Il peut également prendre en compte les changements de demande liés aux évolutions climatiques, notamment l’augmentation de la demande de refroidissement en été avec la multiplication et l’intensification des canicules.
Des pays comme le Royaume-Uni sont traditionnellement mal préparés à la chaleur extrême. Des événements tels que la canicule de 2022, avec des températures atteignant 40°C, ont provoqué une explosion des ventes d’unités de climatisation (AC), une tendance qui devrait s’accélérer à mesure que les canicules deviennent plus fréquentes.
Conséquences sur la consommation d’énergie et les émissions
La hausse de la demande de refroidissement est une situation perdant-perdant pour les propriétaires et le climat, car les climatiseurs augmentent la consommation d’électricité, entraînant des factures d’énergie plus élevées et des émissions plus importantes.
Les États-Unis, qui connaissent des étés beaucoup plus chauds et disposent d’une infrastructure de climatisation plus étendue, consomment désormais 66 TWh d’électricité supplémentaires par an pour la climatisation par rapport à il y a une génération, soit plus que la demande totale d’électricité de la Suisse.
Potentiel de changement de comportement
Le modèle peut également montrer le potentiel d’un changement de comportement pour réduire la consommation d’énergie. Par exemple, si chaque bâtiment en Europe baissait son thermostat de 1°C, le continent économiserait 240 TWh de gaz naturel par an, soit environ un sixième des importations historiques en provenance de Russie. Cela profiterait à la fois à la sécurité énergétique et au climat : les économies d’émissions de carbone seraient équivalentes à la fermeture des deux plus grandes centrales à charbon d’Europe.
Nathan Johnson, du Centre de politique environnementale de l’Imperial, a expliqué : « Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Europe s’efforce de réduire sa consommation de gaz pour éviter les pénuries et réduire les factures des consommateurs. Si tous les bâtiments d’Europe abaissaient leur température de 1°C, cela réduirait le coût des importations de 22 milliards d’euros par an et réduirait les émissions de CO2 de près de 50 millions de tonnes par an : une situation gagnant-gagnant-gagnant pour la sécurité énergétique, l’abordabilité et le climat. »
Utilisation des données météorologiques
Le modèle utilise 40 ans de données météorologiques de la NASA sur la température de l’air local, l’humidité, le rayonnement solaire et la vitesse du vent pour estimer la température ressentie par les occupants à l’intérieur d’un bâtiment.
Cette température « ressentie » est ensuite utilisée pour prédire la demande d’énergie en entraînant le modèle à l’aide de mesures de la demande d’énergie au niveau national, régional et individuel. Le résultat est un modèle capable de prédire avec précision la demande d’énergie horaire à n’importe quelle échelle spatiale.
Les détails du modèle sont publiés dans la revue Nature Energy.
Applications du modèle
Des données de haute résolution sur la demande d’énergie peuvent aider les planificateurs des systèmes énergétiques à modéliser des scénarios futurs avec l’adoption de nouvelles technologies et de nouveaux comportements des utilisateurs, et à planifier des mises à niveau de l’infrastructure à une échelle allant des rues individuelles aux pays entiers, comme l’impact de l’ajout de pompes à chaleur et de véhicules électriques sur le réseau.
Le modèle peut également contribuer à répondre à des questions mondiales, telles que la quantité d’énergie nécessaire pour que tout le monde soit à l’aise – suffisamment au chaud en hiver et suffisamment au frais en été. Plus de cinq millions de décès par an (près de 10% de la mortalité mondiale) sont associés à un excès de froid (4,6 millions) et de chaleur (0,5 million).
En synthèse
Le modèle Demand.ninja permet de mieux comprendre l’impact des conditions météorologiques sur la demande énergétique et d’anticiper les besoins futurs en matière de refroidissement et de chauffage. Il offre également des pistes pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, en mettant en évidence les bénéfices potentiels d’un changement de comportement et d’une meilleure planification des infrastructures énergétiques.
Article : « A Global Model of Hourly Space Heating and Cooling Demand at Multiple Spatial Scales » – DOI:10.1038/s41560-023-01341-5