Des chercheurs ont ouvert une nouvelle page dans le monde de la restauration des œuvres d’art, avec un agent de nettoyage qui combine efficacité, respect de l’environnement et sécurité pour l’humain. Découvrons cette innovation prometteuse.
La restauration des chefs-d’œuvre est un travail délicat. Au fil des ans, les tableaux peuvent perdre de leur éclat, victimes d’une patine de poussière, de suie, de polluants et de micro-organismes. Les solvants organiques liquides, traditionnellement utilisés pour éliminer cette patine, présentent des risques aussi bien pour l’environnement que pour la santé humaine.
Comme le souligne le Prof. Piero Baglioni, chimiste à l’Université de Florence : « Pour éliminer la patine des surfaces sensibles à l’eau, les restaurateurs utilisent généralement des solvants organiques liquides qui sont toutefois dangereux pour l’homme et pour l’environnement«
Un agent nettoyant vert
En collaboration avec une équipe de recherche internationale, Baglioni a mis au point un agent de nettoyage non-toxique pour les peintures. Son composant principal est l’huile de ricin, un produit naturel et économique. Grâce à des processus spécifiques, cette huile peut être transformée en gels rigides.
Les organogels, issus de cette transformation, ont la particularité de pouvoir intégrer des solvants organiques dans leurs réseaux moléculaires. Ce qui signifie qu’ils peuvent être utilisés pour nettoyer des œuvres d’art sans mesures de protection supplémentaires.
Le Prof. Baglioni précise : « Les gels contenant le solvant peuvent être utilisés pour nettoyer des œuvres d’art sans autre mesure de protection : Le restaurateur peut appliquer les organogels et, après les avoir laissés agir pendant un certain temps, les retirer avec la poussière et la saleté qui se sont accumulées sur la surface. La procédure est très peu contraignante, car les solvants restent dans les gels et ne peuvent pas pénétrer dans les structures de la surface«
L’éclairage des neutrons
La structure exacte de ces organogels, surtout lorsqu’ils contiennent des solvants, demeurait une énigme. Comment sont-ils structurés et comment cette structure se modifie-t-elle lorsqu’ils transportent des solvants ? Les méthodes d’investigation classiques ne permettent pas de répondre à cette question.
C’est là que le FRM II de l’Université Technique de Munich entre en jeu. Avec l’aide de neutrons, les chercheurs ont pu révéler des structures mesurant seulement quelques nanomètres. Le Professeur Baglioni insiste sur l’importance de ces découvertes : « Les neutrons sont absolument nécessaires pour comprendre la structure et la dynamique des organogels. »
Un test pratique réussi
Après avoir affiné l’agent nettoyant grâce aux résultats obtenus, un test a été réalisé au Musée Peggy Guggenheim de Venise. Un organogel rigide a été utilisé pour restaurer avec succès une œuvre de Giorgio de Chirico, qui s’était révélée complexe à nettoyer par des méthodes traditionnelles.
En synthèse
L’avenir de la restauration d’œuvres d’art se dessine avec des solutions plus vertes, efficaces et sécurisées. L’innovation des organogels offre une alternative prometteuse aux solvants traditionnels, marquant ainsi une évolution majeure dans le domaine.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce qu’un organogel ?
Un organogel est un gel obtenu à partir de l’huile de ricin, capable d’intégrer des solvants organiques dans ses réseaux moléculaires.
Quels sont les avantages des organogels dans la restauration d’art ?
Ils permettent un nettoyage efficace tout en étant non-toxiques, respectueux de l’environnement et sécuritaires pour l’utilisateur.
Comment fonctionne l’agent nettoyant à base d’organogel ?
Il est appliqué sur l’œuvre, agit pendant un certain temps, puis est retiré, emportant avec lui saleté et impuretés, sans pénétrer ni altérer la surface du tableau.
Légende illustration principale : L’instrument SANS-1 du FRM II est rempli d’échantillons. Lors de la restauration d’œuvres d’art, on utilise souvent des solvants qui ont des propriétés toxiques. Pour la première fois, des chercheurs sont parvenus à produire un produit de nettoyage non toxique et durable pour les tableaux. Les scientifiques ont étudié la structure de l’organogel à la source de neutrons de recherche FRM II de l’Université technique de Munich (TUM). Credit : Bernhard Ludewig, FRM II / TUM
Giovanna Poggi, Harshal D. Santan, Johan Smets, David Chelazzi, Daria Noferini, Maria Laura Petruzzellis, Luciano Pensabene Buemi, Emiliano Fratini, Piero Baglioni, Nanostructured bio-based castor oil organogels for the cleaning of artworks, Journal of Colloid and Interface, Science, Volume 638, 2023, Pages 363-374, ISSN 0021-9797, https://doi.org/10.1016/j.jcis.2023.01.119.