Des scientifiques australiens ont percé le mystère de la morsure des serpents venimeux. Une équipe de l’Université Monash a filmé en 3D ultra-rapide 36 espèces différentes, révélant pour la première fois les stratégies distinctes développées par vipères, cobras et couleuvres pour injecter leur venin. Publiée dans le Journal of Experimental Biology, la recherche documente des mouvements si rapides qu’ils échappent à la perception humaine.
Des attaques plus rapides qu’un battement de cils
Les performances mesurées défient l’entendement. Certaines vipères atteignent leur cible en moins d’un dixième de seconde, un intervalle inférieur au temps nécessaire pour cligner des yeux. Pour capturer ces mouvements fulgurants, la Dre Silke Cleuren s’est rendue à Venomworld, une installation située en périphérie parisienne où le venin des serpents les plus dangereux est collecté à des fins médicales et pharmaceutiques.
« Agacer un serpent venimeux avec un morceau de gel au bout d’un bâton procurait une vraie montée d’adrénaline, je dois avouer avoir sursauté plusieurs fois », confie la chercheuse qui a réalisé ces travaux dans le cadre de sa thèse sous la direction du professeur Alistair Evans de la School of Biological Sciences. Les serpents ont été incités à mordre un gel chauffé imitant la texture et la température de la chair animale, filmés à 1 000 images par seconde. Le dispositif a permis d’observer des comportements jusque-là invisibles à l’œil nu.
Trois familles, trois techniques d’envenimation
L’analyse comparée révèle des différences fascinantes entre les grandes familles de serpents venimeux. Les vipères, dont le crotale diamantin de l’Ouest et la vipère heurtante d’Afrique de l’Ouest, frappent en moins de 100 millisecondes avant de « marcher » avec leurs crochets pour les positionner correctement et injecter leur venin. Les élapidés, groupe comprenant cobras et vipères de la mort, adoptent une approche différente en se rapprochant lentement de leur proie avant de mordre à répétitions multiples, comprimant ainsi le venin dans les tissus.
Quant aux colubridés, dont les crochets sont situés plus en arrière dans la gueule, ils balaient leurs mâchoires latéralement pour créer une déchirure maximisant la diffusion du venin. « Les serpents venimeux ont perfectionné l’art de la vitesse, de la précision et du contrôle », souligne la Dre Cleuren. « Mais ce qui est vraiment remarquable, c’est la manière dont chaque groupe parvient au même résultat mortel par des moyens si différents. »

Une fenêtre sur les mécanismes de l’évolution
Au-delà de la prouesse technique, ces observations offrent un éclairage nouveau sur l’évolution d’une des armes les plus sophistiquées du règne animal. « Chaque famille de serpents a développé une frappe parfaitement adaptée à son style de chasse et à ses proies », explique le professeur Evans. « C’est un exemple brillant de la façon dont l’évolution façonne la forme et la fonction dans le monde naturel. »
Les travaux menés en collaboration avec Anthony Herrel du Muséum national d’histoire naturelle de France et Remi Ksas de Venomworld apportent ainsi une compréhension inédite des stratégies d’envenimation. Leur recherche pourrait éclairer le développement de nouveaux antivenins et approfondir notre connaissance des mécanismes évolutifs qui ont permis à ces prédateurs de devenir parmi les chasseurs les plus efficaces de la planète.
Article : « Kinematics of strikes in venomous snakes » – DOI : 10.1242/jeb.250347
Source : Monash U.










