La théorie de la relativité générale d’Einstein explique que la gravité est causée par une courbure des directions de l’espace et du temps. Cette théorie est essentielle pour comprendre des phénomènes aussi fondamentaux que la gravité terrestre, la chute des objets ou encore le poids des individus. Cependant, dans le domaine de la physique des hautes énergies, les scientifiques étudient des objets minuscules et invisibles qui obéissent aux lois de la mécanique quantique, caractérisée par des fluctuations aléatoires créant une incertitude sur les positions et les énergies des particules subatomiques.
Depuis des décennies, les chercheurs tentent d’unifier ces deux champs d’étude pour parvenir à une description quantique de la gravité. Une nouvelle étude publiée dans Nature Physics par des physiciens de l’Université du Texas à Arlington apporte un éclairage inédit sur cette problématique, grâce à l’analyse de neutrinos ultra-énergétiques détectés au pôle Sud.
Unification de la mécanique quantique et de la relativité générale
L’unification de la mécanique quantique avec la théorie de la gravitation reste l’un des problèmes non résolus les plus pressants de la physique. Selon Benjamin Jones, professeur associé de physique et co-auteur de l’étude, si le champ gravitationnel se comporte de manière similaire aux autres champs de la nature, sa courbure devrait présenter des fluctuations quantiques aléatoires.
Pour rechercher des signatures de la gravité quantique, l’équipe a placé des milliers de capteurs sur un kilomètre carré près du pôle Sud en Antarctique. Ces capteurs ont permis de surveiller les neutrinos, des particules subatomiques inhabituelles mais abondantes, neutres en charge et sans masse.
Une analyse sans précédent des neutrinos ultra-énergétiques
L’équipe a pu étudier plus de 300 000 neutrinos, cherchant à déterminer si ces particules ultra-énergétiques étaient perturbées par des fluctuations quantiques aléatoires de l’espace-temps, attendues si la gravité était de nature quantique, lors de leur long voyage à travers la Terre.
Akshima Negi, étudiante diplômée de l’UTA, explique : « Nous avons recherché ces fluctuations en étudiant les saveurs des neutrinos détectés par l’observatoire IceCube. Notre travail a abouti à une mesure bien plus sensible que les précédentes (plus d’un million de fois pour certains modèles), mais n’a pas trouvé de preuves des effets gravitationnels quantiques attendus. »
Des résultats qui ouvrent de nouvelles perspectives
Cette non-observation d’une géométrie quantique de l’espace-temps est une déclaration forte sur la physique encore inconnue qui opère à l’interface de la physique quantique et de la relativité générale.
Cette analyse représente le chapitre final de la contribution de près d’une décennie de l’UTA à l’observatoire IceCube. Le groupe de recherche de Benjamin Jones poursuit désormais de nouvelles expériences visant à comprendre l’origine et la valeur de la masse des neutrinos en utilisant des techniques de physique atomique, moléculaire et optique.
Légende illustration : Laboratoire IceCube sous les étoiles en Antarctique. Crédit : Martin Wolf, IceCube/NSF
Article : « La collaboration IceCube. Recherche de décohérence de la gravité quantique avec les neutrinos atmosphériques » – DOI: 10.1038/s41567-024-02436-w