Norvège : Doutes sur la viabilité de la filière algues

"Les algues pourraient permettre de résoudre les problèmes mondiaux énergétiques et environnementaux à l’horizon 2050", déclare Fréderic Hauge, responsable de la Fondation norvégienne Bellona, alors que le prix du pétrole atteint de nouveaux sommets.

Les experts norvégiens ne sont pas de cet avis : "il n’y a plus beaucoup d’algues", indique le professeur Hans Ragnar Gislerød alors qu’il montre l’un des rares photo-"bio-réacteurs" dans une serre de l’Université de l’Environnement et des Sciences de la Vie (UMB) à As en Norvège.

Tous les systèmes qui régissent l’apport de CO2, le niveau de la température et la fourniture d’eau sont arrêtés. Le projet sur les algues avait démarré pour permettre la production future d’aliments riches en oméga 3 pour les poissons d’élevage mais le professeur Gislerød doute qu’une production d’algues à grande échelle pour satisfaire des besoins énergétiques puisse avoir un avenir en Norvège.

"Si on compare avec Hawaï, où le climat est stable 12 mois par an avec plus de 12 heures de soleil chaque jour, on ne peut guère prétendre que la Norvège ait des conditions naturelles favorables pour que le bilan énergétique s’équilibre", poursuit-il.

Les avantages énergétiques et environnementaux de la culture des algues sont intéréssants : à l’entrée, on trouve les rejets industriels de CO2 auxquels on ajoute les biens gratuits, lumière solaire et eau. A la sortie, on obtient de la biomasse utilisable comme combustible ou carburant (bio-diesel) et ce, selon un procédé qualifié par Bellona de "carbone négatif". Cette nouvelle expression est tout à fait appropriée car le bilan énergétique, après production et distribution, montre qu’en fait il y aurait une diminution de CO2 de l’atmosphère à l’utilisation d’un litre de "bio-diesel".

Le professeur Gislerød tempère l’élan de tout ceux qui envisagent une rapide révolution énergétique. L’accès à la lumière naturelle est capital pour la rentabilité.

Cela impose des contraintes en termes d’épaisseur des tuyaux, profondeur des bassins,… Et passer d’une production d’algues en laboratoire à une production industrielle est une tâche particulièrement coûteuse et compliquée. Il pense qu’il faudra un énorme investissement en recherche, suivi d’importants investissements privés pour arriver à maintenir dans des usines une large production d’algues.

"Ceci apparaît sur le devant de la scène maintenant à cause du prix élevé du pétrole. Si cette tendance continue, il se peut alors que la demande soit si importante que cela deviendra rentable. Mais une usine de production d’algues devra de toute manière avoir ses propres départements de "techniques génétiques" et de "physiologie de la production" en plus d’ingénieurs et de techniciens. Il ne s’agit pas seulement de recherches et de mettre en route une production, il faut aussi assurer le suivi des opérations, faire les ajustements et les entretiens en continu", ajoute le professeur Gislerød.

Le chercheur Torsten Källqvist de NIVA (Institut Norvégien de l’eau) voit plus de possibilités dans l’utilisation des algues, couplées à d’autres produits annexes, dans des processus de "nettoyage" plutôt que d’en faire un carburant. "J’ai du mal à voir comment le bio-diesel provenant de la culture des algues pourrait avoir une quelconque influence au niveau énergétique. Pour obtenir un réel impact sur la situation énergétique mondiale, il faudrait cultiver ces algues à des échelles irréalisables", ajoute-t-il.

De même, pense-t-il que la Norvège n’a pas les conditions pour pouvoir développer des équipements de production ni une culture d’algues à grande échelle. "Le fait que les algues absorbent du CO2 est à considérer comme un plus et contribue à rendre attractif une telle production en relation avec les installations industrielles. Cela ouvre des perspectives", pense-t-il. C’est aussi la conclusion d’un rapport de Nordic Innovation Center (organe du Conseil Nordique) de 2006. Le rapport conseille aux investisseurs et aux développeurs d’investir dans des produits là où les conditions naturelles nordiques sont un avantage.

La raffinerie de Esso à Slagentangen (Vestfold) est mentionnée comme un exemple de localisation idéale : luminosité, place et accès abondant de CO2. "Les algues ont beaucoup d’autres propriétés fort intéressantes : fourrage, cosmétiques et produits de santé. Plusieurs milieux de la recherche norvégienne détiennent des compétences dans ce domaine mais, pour l’instant, capitaux et intérêt restent au point mort", indique Källqvist.

[src : BE Norvège numéro 81 (15/09/2008) – Ambassade de France en Norvège / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55936.htm]

      

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Guydegif(91)

C’était une opération courageuse pour une latitude aussi septentrionale et des nuits très longues une bonne partie de l’année….certes il y a à l’autre bout des jours sans nuit qui n’en finissent pas. Est-ce idéal ou bien pour des algues? Je ne saurais le dire,-d’autres feront ça, beaucoup mieux à ma place-, mais j’avais vu un reportage au Canada où ils cultivaient des algues en les suspendant comme du linge, taille mouchoir, en début d’année pour les cueillir de la taille d’étendards ou de draps qq mois plus tard….très bonne progression donc, dans des eaux et des latitudes plutôt froides…!Chapeau aux courageux norvégiens aussi pour des conditions plutôt freezing une partie de l’année…et néanmoins y avoir cru. QQ sceptiques maintenant.–> EUREKA ! mais en transposant tout cet enthousiasme et les installations/outils qui vont bien sous nos latitudes bretonnes, vendéennes, voire méditerranéennes, les algues devraient se régaler et PROLIFERER….Why not? OK, frenchies, let’s do it, NOW ! What are you waiting for?A Bons Entendeurs, Salut Guydegif(91)