Les estuaires, ces zones où les rivières d’eau douce rencontrent la mer salée, offrent non seulement des lieux privilégiés pour l’observation des oiseaux et le kayak, mais recèlent également un potentiel énergétique considérable. En effet, le mélange des eaux de différentes concentrations en sel dans ces zones pourrait être une source d’énergie osmotique durable et respectueuse de l’environnement.
Des chercheurs ont mis au point une membrane semi-perméable capable de récolter l’énergie osmotique des gradients de salinité et de la convertir en électricité. Lors de démonstrations en laboratoire, ce nouveau dispositif a atteint une densité de puissance de sortie plus de deux fois supérieure à celle des membranes commerciales existantes.
Un potentiel énergétique inexploité
L’énergie osmotique peut être générée partout où des gradients de salinité sont présents, mais les technologies actuelles permettant de capter cette énergie renouvelable présentent encore des marges d’amélioration significatives. L’une des méthodes existantes utilise un ensemble de membranes d’électrodialyse inverse (RED) qui agissent comme une sorte de «batterie au sel», générant de l’électricité à partir des différences de pression causées par le gradient de salinité.
Pour optimiser ce gradient, les ions chargés positivement de l’eau de mer, tels que le sodium, traversent le système jusqu’à l’eau douce, augmentant ainsi la pression sur la membrane. Afin d’accroître encore son potentiel de récolte, la membrane doit également maintenir une faible résistance électrique interne en permettant aux électrons de circuler facilement dans la direction opposée à celle des ions.
Une membrane innovante aux performances prometteuses
Des recherches antérieures suggèrent que l’amélioration simultanée du flux d’ions à travers la membrane RED et de l’efficacité du transport des électrons permettrait d’augmenter la quantité d’électricité captée à partir de l’énergie osmotique. Partant de ce constat, Dongdong Ye, Xingzhen Qin et leurs collègues ont conçu une membrane semi-perméable à partir de matériaux écologiques, dans le but de minimiser la résistance interne et de maximiser la puissance de sortie.
Le prototype de membrane RED des chercheurs contenait des canaux séparés (c’est-à-dire découplés) pour le transport des ions et des électrons. Pour ce faire, ils ont intercalé un hydrogel de cellulose chargé négativement (pour le transport des ions) entre des couches d’un polymère organique électriquement conducteur appelé polyaniline (pour le transport des électrons).
Les premiers tests ont confirmé leur théorie selon laquelle des canaux de transport découplés entraînaient une conductivité ionique plus élevée et une résistivité plus faible par rapport aux membranes homogènes fabriquées à partir des mêmes matériaux. Dans un réservoir d’eau simulant un environnement estuarien, leur prototype a atteint une densité de puissance de sortie 2,34 fois supérieure à celle d’une membrane RED commerciale et a maintenu ses performances pendant 16 jours de fonctionnement ininterrompu, démontrant ainsi ses performances stables à long terme sous l’eau.
Des applications concrètes à portée de main
Lors d’un test final, l’équipe a créé une batterie au sel composée de 20 de leurs membranes RED et a généré suffisamment d’électricité pour alimenter individuellement une calculatrice, une lampe LED et un chronomètre. Ces résultats ouvrent la voie à de nombreuses applications pratiques de cette technologie novatrice.
Ye, Qin et les membres de leur équipe affirment que leurs découvertes élargissent la gamme de matériaux écologiques pouvant être utilisés pour fabriquer des membranes RED et améliorent les performances de récolte de l’énergie osmotique, rendant ces systèmes plus adaptés à une utilisation dans le monde réel.
En synthèse
Cette étude met en lumière le potentiel considérable de l’énergie osmotique, une source d’énergie renouvelable et respectueuse de l’environnement, encore peu exploitée à ce jour. Grâce à la mise au point d’une membrane semi-perméable innovante, les chercheurs ont démontré qu’il était possible d’améliorer significativement les performances de récolte de cette énergie, ouvrant ainsi la voie à de nombreuses applications pratiques. Ces travaux prometteurs pourraient contribuer à relever les défis énergétiques auxquels notre société est confrontée, tout en préservant les ressources naturelles de notre planète.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que l’énergie osmotique ?
L’énergie osmotique est une forme d’énergie renouvelable qui peut être générée partout où des gradients de salinité sont présents, comme dans les estuaires où l’eau douce des rivières rencontre l’eau salée de la mer. Elle est produite par les différences de pression causées par le gradient de salinité entre ces deux types d’eau.
Comment fonctionne une membrane d’électrodialyse inverse (RED) ?
Une membrane RED agit comme une «batterie au sel» en générant de l’électricité à partir des différences de pression causées par le gradient de salinité. Les ions chargés positivement de l’eau de mer, tels que le sodium, traversent le système jusqu’à l’eau douce, augmentant ainsi la pression sur la membrane. En parallèle, les électrons circulent dans la direction opposée à celle des ions, créant ainsi un courant électrique.
Quelles sont les innovations apportées par la nouvelle membrane RED ?
Le prototype de membrane RED mis au point par les chercheurs contient des canaux séparés pour le transport des ions et des électrons, ce qui permet d’obtenir une conductivité ionique plus élevée et une résistivité plus faible par rapport aux membranes homogènes classiques. De plus, cette membrane est fabriquée à partir de matériaux écologiques, minimisant ainsi son impact environnemental.
Quelles sont les performances de cette nouvelle membrane RED ?
Lors de tests en laboratoire, le prototype de membrane RED a atteint une densité de puissance de sortie 2,34 fois supérieure à celle d’une membrane RED commerciale et a maintenu ses performances pendant 16 jours de fonctionnement ininterrompu, démontrant ainsi ses performances stables à long terme sous l’eau.
Quelles sont les perspectives d’application de cette technologie ?
Les résultats prometteurs obtenus par les chercheurs ouvrent la voie à de nombreuses applications pratiques de cette technologie novatrice. En améliorant les performances de récolte de l’énergie osmotique, cette membrane RED innovante pourrait contribuer à relever les défis énergétiques auxquels notre société est confrontée, tout en préservant les ressources naturelles de notre planète.
Références
Ye, D., Qin, X., et al. (2024). Decoupled Ion and Electron Transport Channels in Reverse Electrodialysis Membranes for Efficient Osmotic Energy Harvesting. ACS Energy Letters. 10.1021/acsenergylett.4c00320