À Hefei, des chercheurs chinois ont généré un champ magnétique stable de 35,1 teslas à l’aide d’un aimant entièrement supraconducteur, un exploit qui dépasse les capacités antérieures et pourrait accélérer la commercialisation d’instruments scientifiques de pointe, tout en renforçant les ambitions de Pékin dans la course à la fusion nucléaire.
Dimanche 28 septembre 2025, dans les laboratoires de l’Institut de physique des plasmas de l’Académie des sciences de Chine (ASIPP), à Hefei, un aimant supraconducteur a atteint un champ magnétique de 351 000 gauss, soit 35,1 teslas. Le résultat, stable pendant 30 minutes avant une démagnétisation contrôlée, établit une nouvelle référence mondiale, dépassant le précédent record de 323 500 gauss. Pour mettre cette prouesse en perspective, le champ magnétique terrestre oscille autour de 0,5 gauss ce qui signifie que l’aimant chinois génère un champ plus de 700 000 fois plus intense que celui qui nous entoure naturellement.
Il s’agit d’une avancée concrète avec des implications industrielles, scientifiques et énergétiques.
Une architecture hybride au cœur de l’innovation
L’originalité de cet aimant réside dans son architecture hybride. Il combine des bobines supraconductrices à haute température insérées de manière coaxiale à l’intérieur de magnets supraconducteurs à basse température. La configuration permet ainsi de repousser les limites physiques habituelles imposées par les contraintes mécaniques, les courants parasites et les interactions complexes entre champs thermiques, électriques et magnétiques dans les environnements cryogéniques.
Liu Fang, chercheuse à l’Institut de physique des plasmas de l’Académie des sciences de Chine (ASIPP), a expliqué que l’aimant reposait sur cette technologie hybride. L’équipe a ainsi surmonté plusieurs défis, notamment la concentration des contraintes mécaniques, les effets de courants parasites et les interactions complexes entre champs thermiques, électriques et magnétiques en conditions cryogéniques. Leurs avancées ont permis d’améliorer significativement la stabilité mécanique et les performances électromagnétiques du dispositif dans des environnements extrêmes.
Des retombées bien au-delà de la physique fondamentale
Si cet exploit relève de la physique de pointe, ses applications potentielles sont malgré tout concrètes. Un tel aimant constitue un composant clé pour les spectromètres de résonance magnétique nucléaire (RMN), des instruments essentiels en chimie, en biologie structurale et en médecine.
Mais l’impact ne s’arrête pas là. Ces aimants sont également cruciaux pour les systèmes de confinement magnétique dans les réacteurs à fusion, où ils forment une « cage magnétique » capable de contenir un plasma à des températures dépassant celles du cœur du Soleil. L’ASIPP, déjà engagé depuis des décennies dans la recherche sur la fusion, joue un rôle central dans la mission chinoise liée au projet international ITER. L’institut fournit notamment des bobines correctrices, des alimentations magnétiques et des conducteurs supraconducteurs autant de composants stratégiques.
Vers une autonomie technologique renforcée
Cette annonce semble s’inscrire dans une stratégie plus large de souveraineté technologique. L’ASIPP affirme en effet avoir atteint la localisation complète des matériaux, des dispositifs et des systèmes supraconducteurs nécessaires à ses projets.
Pékin mise clairement sur la science fondamentale comme levier de puissance. Et si la fusion nucléaire reste un horizon lointain, chaque percée comme celle-ci rapproche un peu plus l’humanité d’une source d’énergie propre, quasi illimitée et sans déchets radioactifs à long terme.
Les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l’Union européenne investissent massivement dans les technologies supraconductrices et les infrastructures de fusion. La Chine, elle, joue désormais dans la cour des géants non seulement en participant à des projets collaboratifs comme ITER, mais aussi en développant ses propres accès technologiques.
Source : Xinhua