Un combustible de fusée plus propre et plus sécure

Selon un article de recherche publié cette semaine dans Science Advances, il pourrait être possible de créer un combustible de fusée tout aussi efficace, mais beaucoup plus propre et sécuritaire que les hypergols habituellement utilisés aujourd’hui.

Ces nouveaux combustibles reposent sur l’utilisation de « déclencheurs » chimiques qui libèrent l’énergie de l’un des nouveaux matériaux les plus en vogue actuellement, une classe de solides poreux appelés réseaux de coordination organométallique, ou MOF (metal-organic frameworks). Les MOF sont faits d’agrégats d’ions métalliques reliés entre eux par une molécule organique appelée ligand.

Les satellites et stations spatiales, qui restent en orbite pendant très longtemps, dépendent des hypergols, des combustibles si réactifs qu’ils s’embrasent dès qu’ils se trouvent en présence d’un comburant autre que l’oxygène, puisqu’il n’y en a pas en dehors de l’atmosphère terrestre. Les hypergols les plus utilisés de nos jours sont à base d’hydrazine, un composé chimique d’atomes d’azote et d’hydrogène hautement toxique et dangereusement instable. Les combustibles à base d’hydrazine sont tellement cancérigènes que les gens qui l’utilisent pour leur travail doivent eux-mêmes revêtir un habit protecteur semblable à ceux que portent les astronautes. Malgré les précautions qui sont prises, environ 12 000 tonnes de combustibles à base d’hydrazine sont rejetées chaque année dans l’atmosphère par l’industrie aérospatiale.

« Il s’agit d’une nouvelle approche, plus propre, de création de combustibles hautement inflammables, qui, bien qu’ils ne soient pas particulièrement plus sécuritaires que ceux que nous utilisons actuellement, ont un temps de réaction et de combustion très court, une qualité essentielle des combustibles de fusée », explique Tomislav Frisci, professeur au Département de chimie de l’Université McGill et coauteur principal de l’article avec l’ancien chercheur de McGill, Robin D. Rogers.

« Même si nous n’en sommes encore qu’aux premiers stades de travail en laboratoire avec ces matériaux, les résultats obtenus laissent penser que pourra mettre au point une classe de nouveaux hypergols plus propres et hautement configurables pour l’industrie aérospatiale », indique le premier auteur de l’article Hatem Titi, chercheur postdoctoral qui travaille au laboratoire de Tomislav Frišči?.

Ce dernier aimerait commercialiser cette nouvelle technologie. Pour ce faire, il travaille avec l’Université McGill et Acsynam, une société issue de l’essaimage de son propre laboratoire.

L'article « Hypergolic zeolitic imidazolate frameworks (ZIFs) as next-generation solid fuels: Unlocking the latent energetic behavior of ZIFs », de H.M. Titi et coll. a été publié dans Science Advances 10.1126/sciadv.aav9044.
Ce projet de recherche a reçu le soutien de l'Air Force Office of Scientific Research, du programme des Chaires d'excellence en recherche du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et de la Fondation canadienne pour l'innovation. Les calculs ont été effectués par Calcul Québec et Calcul Canada sur le superordinateur Mp2 de l'Université de Sherbrooke. L'exploitation de ce superordinateur a été financée par la Fondation canadienne pour l'innovation, le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation du Québec et le Fonds de recherche du Québec -- Nature et technologies.

CP
Lien principal : www.mcgill.ca

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Pierre-Ernest

Première remarque :
Les MOF sont des solides. Ils ne peuvent donc pas être comparés à l’hydrazine ou ses dérivés qui sont des liquides. La technologie permettant de mettre en oeuvre les hypergols liquides utilise entre autres des pompes facilement pilotables. Pomper des solides est une autre paire de manches… Les MOF peuvent peut-être être mis en oeuvre dans des systèmes comme les fusées à poudre, mais ceux-ci sont considérés comme plus primitifs, car non pilotables. (La fusée à poudre une fois allumée brûle tout son carburant). La comparaison avec l’hydrazine polluante, cancérigène, ressemble donc fortement à un argument très tendance (la chimie “verte”) permettant d’obtenir des crédits, mais dans le fond assez fallacieux. Je doute fort de l’avenir de cette innovation.

Deuxième remarque linguistique :
La traduction en français du mot anglais “secure” dans le cas de cet article, c’est “sûr”, et non pas “sécuritaire”.