Ancré entre les reliefs verdoyants du centre thaïlandais, le parc national de Khao Yai vient d’accueillir un nouvel écrin hôtelier dont le raffinement s’accorde à la hardiesse architecturale. Aux portes de l’une des aires protégées les plus vastes d’Asie du Sud-Est, Urban Praxis, cabinet basé à Bangkok, a livré un complexe où l’élément aquatique tient le rôle principal : une piscine transparente en semi-cantilever qui semble défier la gravité.
Premier parc national du royaume depuis 1962, Khao Yai s’étend sur plus de 2 200 km² de forêt sempervirente et d’herbages ; leurs écosystèmes servent de refuge à l’un des inventaires fauniques les plus fournis du pays. Situés à 200 km au nord de Bangkok, ses plateaux et leur climat relativement tempéré attirent depuis longtemps visiteurs locaux et voyageurs internationaux. L’hôtellerie prolifère donc aux abords des sentiers, mais aucune adresse n’avait encore misé sur un geste architectural aussi spectaculaire.
L’agence thaïlandaise, déjà remarquée pour ses interventions discrètes dans des environnements sensibles, a choisi ici une esthétique scandinave : lignes épurées, volumes boisés, tonalités minérales. Leur ambition affichée : offrir une « expérience de rez-de-chaussée surélevé ». Les seize suites et les six villas dotées de bassins privés se superposent comme de petites cabanes forestières, autorisant des percées visuelles vers le massif montagneux tout en laissant la végétation s’infiltrer sur les terrasses.
L’adresse reste excentrée : rejoindre Khao Yai depuis Bangkok requiert près de trois heures de route. Une fois la barrière du parc franchie, une piste serpente entre plantations d’hévéas et fermes viticoles avant d’atteindre le domaine.
Une prouesse d’acrylique : neuf mètres, zéro opacité
Le véritable aimant photographique demeure la piscine. Longue de neuf mètres, moulée dans un acrylique ultra-résistant, elle jaillit du cœur du bâtiment pour coiffer la réception d’un toit liquide. Deux poutres élancées, presque sculpturales, soutiennent l’ouvrage. À l’extrémité, aucun revêtement n’interrompt la transparence ; nageurs et nageuses ont la sensation d’avancer dans la canopée, l’horizon pour ligne d’eau.



La firme américaine Reynolds Polymer, experte en aquariums géants, a apporté son savoir-faire afin de garantir la stabilité du bassin et la clarté du matériau.
Des intérieurs où l’épure côtoie le confort
La sobriété nordique règne dans les chambres : bois blond, pierres brutes, mobilier aux lignes franches. Les ouvertures généreuses invitent la lumière à filtrer tout au long de la journée, tandis que des brise-soleil métalliques tempèrent l’ardeur tropicale. Les suites, dessinées comme de véritables appartements, disposent d’un salon, d’un balcon planté et d’une salle de bains spacieuse. Les villas, chauffées, s’alignent au pied d’un jardin paysagé ; leurs bassins privés, certes plus modestes que l’icône suspendue, prolongent la quiétude des espaces intérieurs.
Le restaurant, niché sous la structure aquatique, exploite intelligemment la pénombre créée par l’étendue d’eau ; un éclairage modulé par la firme SEAM Design met en relief les textures minérales et le grain du bois, instaurant une atmosphère feutrée dès la nuit tombée.



L’impact environnemental et la gestion durable
Les concepteurs insistent sur une volonté de limiter les atteintes à l’écosystème. L’implantation compacte réduit l’emprise au sol ; la ventilation naturelle, favorisée par la topographie, restreint l’usage de climatisation pendant les périodes tempérées. L’hôtel affirme aussi recourir à une station de traitement pour réemployer les eaux grises dans leur jardin, tandis qu’un partenariat avec les gardes du parc prévoit des sessions d’information sur la faune locale à destination des visiteurs. Aucune certification internationale n’a cependant été communiquée.
En jouant la carte de l’illusion aquatique, l’hôtel MYS Khao Yai a réussi à faire converger ingénierie et poésie. L’onde cristalline suspendue devient symbole d’une ambition : rapprocher l’humain d’un paysage protégé sans en altérer la beauté originelle. Pour le parc, la construction de leur piscine panoramique ouvre un nouveau chapitre d’attractivité, tandis que les architectes signent une composition qui conjugue technicité et légèreté. Reste à vérifier, à l’épreuve du temps et des saisons touristiques, si le projet saura maintenir l’équilibre entre exaltation hôtelière et sauvegarde d’un trésor écologique.
Source : Urban Praxis