Vers plus de compréhension du photovoltaïque organique

Des chercheurs de l’Université de Wurzbourg ont réussi à expliquer le procédé de transformation de la lumière en électricité par les cellules solaires organiques.

La revue Physical Review Letter a publié un rapport sur leurs travaux [1]. Vladimir Dyakonov, chef de la Chaire de physique expérimentale de l’Université de Wurzbourg, et Carsten Deibel se sont penchés sur les procédés physiques permettant la création d’un courant électrique.

Le principe de fonctionnement d’une cellule solaire organique est le suivant : entre 2 électrodes ou "extracteurs de courant" se trouvent 2 substances non miscibles : la première (souvent un polymère) libère des électrons quand elle absorbe de la lumière, et l’autre (du fullerène [2]) capte les électrons et les dirige vers l’extracteur correspondant (cathode), ce qui permet la circulation du courant. La séparation de charge ne fonctionne que dans des conditions très précises. "D’après les connaissances actuelles, les charges positives et négatives produites par la lumière, toujours ordonnées par paires, sont en fait difficiles à séparer car elles s’attirent l’une l’autre", explique V. Dyakonov. Cependant, lorsque le polymère absorbe de la lumière, cela produit en réalité des "excitons" [3] : le nuage d’électrons qui tourne autour d’une molécule modifie sa forme, ce qui, suite à des déplacements de charge, conduit à la formation d’une paire "électron-lacune".

C. Deibel a étudié la manière dont l’électron peut s’en libérer définitivement. Avec l’aide de mesures de rendement quantique [4] et de spectroscopie de photoluminescence [5], il a analysé des couches de 20 à 30 nanomètres d’épaisseur de matériaux organiques dans les cellules solaires, et ainsi déterminé l’énergie nécessaire pour séparer les charges. Puis il a modélisé à l’ordinateur le déplacement complexe des paires de charge dans les cellules solaires polymère-fullerène et trouvé des conditions effectives dans lesquelles le résultat théorique et le résultat pratique concordaient.

"Le procédé dans son ensemble ne fonctionne que si le polymère possède une longueur minimale", explique Deibel. Ce n’est que dans ce cas-là que l’électron surfacique peut se détacher du fullerène et migrer le long des chaînes carbonées vers la cathode. A l’inverse, la lacune de l’exciton reste dans le polymère et glisse le long de cette chaîne vers l’anode. "Nous démontrons qu’un porteur de charge qui se trouve sur le segment d’une chaîne de polymère est d’autant moins attiré par l’autre charge que ce segment est long", selon V. Dyakonov. De plus, dans ces conditions, les porteurs de charge peuvent se déplacer beaucoup plus vite le long de la chaîne de polymères que sur des segments courts. La conjonction des deux effets permet la séparation très efficace de la paire de charge.

Les simulations menées par C. Deibel révèlent ainsi une multiplication par dix du courant photoélectrique, lorsque la longueur des segments des chaînes de polymères est augmentée d’1 à 10 nm. 10 nm est une longueur typique des semi-conducteurs polymériques utilisés dans les cellules photovoltaïques organiques. "Nos résultats expliquent ainsi la raison pour laquelle les meilleures cellules solaires polymère-fullerène actuelles permettent une transformation si efficace de la lumière en électricité", affirme V. Dyakonov.

Le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF) a mis à disposition 60 millions d’euros pour des projets de recherche en "photovoltaïque organique" et 300 millions d’euros supplémentaires devraient provenir de sociétés privées. Dyakonov et Deibel travaillent dans le cadre du projet "Influence des contacts et interfaces internes sur les paramètres macroscopiques des cellules photovoltaïques organiques". A côté de l’Université de Wurtzbourg, le Centre de recherche énergétique appliquée de Bavière (ZAE) est également impliqué. Les chercheurs de ce projet ont obtenu 1,4 million d’euros entre 2009 et 2012.

Les cellules organiques ne sont cependant pas encore susceptibles de transformer la lumière du soleil en électricité avec la même efficacité que leurs concurrentes contenant du silicium : alors que ces dernières atteignent un rendement d’environ 30%, les cellules organiques parviennent seulement à un rendement de 6%. Leurs forces résident ailleurs : transparence – installation dans des bâtiments pour laisser passer la lumière ; flexibilité – pour une application mobile (sac à dos, recharge des batteries de téléphone portable) ; facilité de production – des machines à impression peuvent appliquer les substances sur un matériau bon marché ; et coûts réduits en comparaison avec les cellules au silicium.

 

PHOTO – Carsten Deibel (à gauche) et Vladimir Dyakonov (Credit : Gunnar Bartsch)

– [1] Publication : Origin of the Efficient Polaron Pair Dissociation in Polymer-Fullerene Blends, C. Deibel, T. Strobel, V. Dyakonov, Phys. Rev. Lett 2009.

– [2] Fullerène : molécule composée de carbone pouvant prendre une forme rappelant celle d’une sphère, d’un ellipsoïde, d’un tube ou d’un anneau.

– [3] Exciton : quasi-particule que l’on peut considérer comme une paire électron-lacune liée par des forces de Coulomb.

– [4] Rendement quantique = Nombre d’électrons émis / nombre de photos absorbés

– [5] Spectroscopie de photoluminescence : méthode d’étude de la structure électronique d’un matériau versatile, non destructive et ne nécessitant pas de contact. La lumière est dirigée vers un échantillon, qui l’absorbe en émettant de l’énergie supplémentaire (photoexcitation). Cette énergie peut être dissipée par l’échantillon par l’émission de lumière, ou photoluminescence.

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