Les épisodes climatiques extrêmes, comme les vagues de chaleur estivales et les tempêtes hivernales, mettent à rude épreuve les infrastructures énergétiques. Dans ce contexte, une question se pose : comment identifier les foyers les plus exposés aux coupures de courant sans recourir à des inspections invasives ? Une récente étude menée par des chercheurs de l’université Stevens apporte des réponses inédites grâce à l’intelligence artificielle
Des chercheurs dirigés par Philip Odonkor, professeur à l’université Stevens, ont développé une approche révolutionnaire afin d’évaluer la résilience des habitations entièrement électriques. En exploitant des données issues du Département de l’énergie (DOE), leur équipe a analysé les signatures énergétiques de 129 000 maisons individuelles réparties dans huit États américains. Ces signatures énergétiques, invisibles à l’œil nu, permettent de distinguer les maisons fonctionnant uniquement à l’électricité de celles utilisant plusieurs sources d’énergie.
L’étude a également permis de déterminer quels appareils spécifiques avaient été convertis à l’électricité dans les foyers mixtes. Les modèles d’apprentissage automatique mis en œuvre par Andrew Majowicz et Chetan Popli, deux collaborateurs clés du projet, ont atteint un taux de précision supérieur à 95 %. Ces outils offrent désormais la possibilité d’identifier les ménages les plus fragiles sans nécessiter de visites physiques ou d’enquêtes intrusives.
«Jusqu’à présent, il fallait procéder à des relevés maison par maison pour évaluer si une habitation était entièrement électrique», souligne Philip Odonkor. «Désormais, cette identification peut être réalisée automatiquement tout en préservant la confidentialité des occupants.»
Des disparités saisonnières marquées
Les résultats obtenus révèlent une dichotomie significative entre les performances des maisons solaires selon les saisons. Durant les canicules estivales, ces habitations démontrent une robustesse remarquable. Toutefois, elles s’avèrent particulièrement vulnérables pendant les tempêtes hivernales. Les statistiques montrent que les logements entièrement électrifiés subissent près de trois fois plus de perturbations durant l’hiver comparativement à ceux qui combinent plusieurs types d’énergie.
Philip Odonkor illustre ce constat par un exemple concret : «Pensez au Texas en 2021, où des millions de personnes ont perdu l’accès à l’électricité lors d’une tempête hivernale.» Selon lui, bien que les panneaux solaires soient efficaces en été, ils peinent à répondre aux besoins énergétiques élevés requis pour le chauffage durant les coupures hivernales.
Un impact au-delà des ménages individuels
Les implications de cette recherche dépassent largement le cadre des propriétaires individuels. Les municipalités cherchant à renforcer leur résilience face au changement climatique pourraient tirer parti de ces outils pour hiérarchiser leurs interventions lors de crises énergétiques. Les urbanistes y trouveraient également matière à réflexion pour concevoir des quartiers mieux adaptés aux défis futurs.
Avec des réseaux électriques vieillissants confrontés à des événements météorologiques de plus en plus fréquents et intenses, la transition vers des habitations électriques doit s’accompagner de stratégies protectrices. «Le chemin vers des villes durables ne consiste pas seulement à adopter des solutions vertes ; il repose aussi sur la capacité à rester résilient», insiste encore Odonkor. Comprendre les failles inhérentes à chaque type d’habitat devient dès lors indispensable pour garantir la sécurité collective.
Légende illustration : GEN AI
Article : « Quantifying household vulnerability to power outages: Assessing risks of rapid electrification in smart cities » – 10.1177/27723577241306340 – Stevens Institute of Technology – Publication dans la revue Journal of Smart Cities / 15-Jan-2025