57 millions $ d’économies en 15 ans : le pari renouvelable du pôle Sud

57 millions $ d'économies en 15 ans : le pari renouvelable du pôle Sud

L’Antarctique, continent hostile et isolé, abrite depuis longtemps des stations de recherche scientifique. Parmi elles, la station Amundsen-Scott du pôle Sud, où des études sur le changement climatique et la cosmologie sont menées. Aujourd’hui, une analyse approfondie explore la possibilité de remplacer une partie de la production d’énergie de cette station, actuellement assurée par du carburant diesel, par des sources d’énergie renouvelables. Cette transition pourrait-elle devenir réalité dans cet environnement extrême ?

Actuellement, la station Amundsen-Scott du pôle Sud dépend exclusivement de sources d’énergie non renouvelables, en particulier du carburant diesel, pour alimenter les instruments et fournir de la chaleur au personnel. Une récente analyse menée par des scientifiques du Département de l’Énergie des États-Unis (DOE) des laboratoires nationaux d’Argonne et du National Renewable Energy Laboratory (NREL) montre que les énergies renouvelables pourraient être une alternative viable.

Amy Bender, physicienne à la division de physique des hautes énergies d’Argonne et auteure correspondante de l’étude, explique : « Toute l’énergie au pôle Sud est actuellement générée par du carburant diesel et un générateur. Nous nous demandions s’il était possible de passer aux énergies renouvelables. Cette étude est le début d’une tentative de défendre cette idée. »

Cette image montre la disposition des panneaux solaires esquissée dans l’étude. Les panneaux sont alignés de manière à capter la lumière du soleil le long de l’horizon à pratiquement n’importe quel moment de la journée pendant l’été austral. (Image fournie par le laboratoire national d’Argonne et le laboratoire national des énergies renouvelables.)

Réduire l’empreinte carbone pendant l’été austral

L’équipe de recherche a d’abord voulu savoir si l’utilisation de sources d’énergie solaire pendant l’été austral (novembre-février) serait envisageable pour réduire considérablement l’utilisation de carburant diesel au pôle Sud. Ralph Muehleisen, scientifique en chef des bâtiments et responsable du groupe Technologies des bâtiments et de l’industrie à Argonne, souligne : « Même si nous n’éliminons pas complètement l’utilisation du diesel, le fait de pouvoir éviter d’acheter ce carburant diesel pour l’été réduit considérablement son utilisation. »

Un stockage d’énergie adapté aux conditions extrêmes

Sue Babinec, responsable du programme de stockage stationnaire à Argonne, a décrit l’accent mis par l’équipe sur le type de stockage d’énergie nécessaire pour rendre le projet possible. Elle a souligné que les énergies renouvelables nécessitent un stockage d’énergie différent des applications quotidiennes des batteries, comme les transports ou l’électronique grand public. Les exigences spécifiques au pôle Sud rendent ces différences encore plus marquées.

« Les types de batteries dont vous avez besoin pour l’énergie avec les énergies renouvelables ne doivent pas seulement durer des années, elles doivent fournir de l’énergie pendant une très longue période », explique-t-elle. « Nous avons effectué une analyse détaillée du type de batterie qui fonctionne le mieux selon que vous utilisez l’énergie solaire, l’énergie éolienne ou les deux pour l’alimentation. »

Amundsen-Scott South Pole Station. Crédit : Amy Bender/Argonne National Laboratory.

Des économies substantielles et un retour sur investissement rapide

En utilisant le logiciel d’intégration et d’optimisation des énergies renouvelables du NREL, l’équipe a conclu que le remplacement de 95 % du carburant diesel nécessaire pour fournir 170 kW de puissance à la station du pôle Sud permettrait d’économiser environ 57 millions de dollars sur 15 ans, après un investissement initial de 9,7 millions de dollars. De plus, le délai avant que l’investissement ne soit rentabilisé par les économies de coûts de carburant serait d’un peu plus de deux ans.

Nate Blair, responsable de groupe au Centre des applications intégrées du NREL, note : « Lorsque je me suis lancé dans les énergies renouvelables, personne ne parlait de déployer l’énergie solaire en Alaska ou au Canada parce que c’était très cher et qu’il n’y fait pas très ensoleillé. Une composante renouvelable, associée aux générateurs diesel existants, offre une plus grande fiabilité et résilience. Si une pièce se casse, les autres composants du système peuvent vous aider à tenir jusqu’à ce qu’elle soit réparée. Nous prévoyons une baisse continue des coûts du solaire, de l’éolien et des batteries à l’avenir. »

Des défis logistiques à surmonter

La mise en œuvre d’un tel plan nécessitera des efforts considérables, notamment pour acheminer l’équipement à travers l’océan Austral, puis sur des centaines de kilomètres de toundra glacée jusqu’au pôle Sud. De plus, l’infrastructure devra être construite pour faire de l’utilisation des énergies renouvelables une réalité.

Comme le souligne Ralph Muehleisen, « Le DOE et les universités du monde entier essaient de décarboniser nos six continents. Ils ne font que commencer à atteindre l’Antarctique, donc nous parlons maintenant vraiment, pour la première fois, de décarboniser le monde. »

Selon lui, si nous pouvons commencer à réduire l’utilisation des sources d’énergie non renouvelables à la dernière frontière de la Terre, où seuls quelques milliers de personnes vivent et travaillent à un moment donné, alors il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas le faire partout ailleurs.

Légende illustration : Une photo de la gare de nuit. La nouvelle station est visible à l’extrême gauche, la centrale électrique est au centre, et l’ancien garage de mécanique automobile en bas à droite. La lumière verte dans le ciel fait partie de l’aurore australe. Photo by Chris Danals, National Science Foundation

Article : “Techno-economic analysis of renewable energy generation at the South Pole” – DOI: 10.1016/j.rser.2023.114274 

[ Rédaction ]

Articles connexes