L’IA du futur se cache dans le cerveau minuscule des papillons

L'IA du futur se cache dans le cerveau minuscule des papillons

Les papillons Heliconius, malgré leur cerveau minuscule, sont capables de prendre des décisions basées sur plusieurs signaux sensoriels simultanés, une prouesse que les technologies d’intelligence artificielle (IA) actuelles peinent à réaliser sans une consommation d’énergie significative. Une équipe de chercheurs a développé une plateforme d’IA multi-sensorielle plus avancée et économe en énergie, s’inspirant des capacités de ces fascinants insectes.

Les technologies d’IA actuelles excellent dans le traitement d’un seul type d’entrée sensorielle, comme l’image ou le son, mais peinent à imiter les processus de prise de décision multi-sensoriels utilisés par les humains et les animaux. Cette limitation peut restreindre le potentiel de l’IA dans des domaines tels que la robotique et les capteurs intelligents destinés à détecter des dangers comme des structures défectueuses ou des fuites de produits chimiques imminentes.

Saptarshi Das, professeur associé du Penn State (USA) en sciences et mécanique de l’ingénierie et auteur correspondant de l’étude dans Advanced Materials, souligne que «la plupart des animaux et des êtres humains basent leur prise de décision sur plus d’un sens, contrairement à l’IA actuelle qui excelle avec une seule entrée sensorielle».

Les papillons Heliconius, un modèle d’efficacité énergétique

Les papillons Heliconius choisissent leur partenaire en combinant un signal visuel, le motif des ailes, et un signal chimique, les phéromones libérées par l’autre papillon. Ils parviennent à gérer cette tâche avec un cerveau minuscule et une consommation d’énergie minimale, contrairement à l’informatique moderne qui nécessite une quantité significative d’énergie.

Das souligne que «les cerveaux des papillons et de nombreux autres animaux sont très petits et utilisent peu de ressources, tant en termes d’énergie que de taille physique du cerveau, et pourtant ils effectuent des tâches de calcul qui reposent sur plusieurs entrées sensorielles à la fois».

Une plateforme matérielle inspirée des papillons

Pour imiter électroniquement ce comportement, les chercheurs ont développé une plateforme matérielle composée de deux matériaux 2D, le sulfure de molybdène (MoS2) et le graphène. La partie MoS2, un memtransistor capable d’effectuer à la fois des processus de mémoire et d’information, a été choisie pour ses capacités de détection de la lumière, imitant les capacités visuelles du papillon. La partie graphène, un chemitransistor capable de détecter les molécules chimiques, imite la détection des phéromones par le cerveau du papillon.

Subir Ghosh, doctorant en sciences et mécanique de l’ingénierie et co-auteur de l’étude, explique que «le signal visuel et le signal chimique des phéromones déterminent si la femelle papillon va s’accoupler avec le mâle. Nous avons eu l’idée de combiner le MoS2 photosensible et le graphène chimiquement actif pour créer une plateforme intégrée visuo-chimique pour l’IA et l’informatique neuromorphique».

Des tests prometteurs pour le capteur multi-sensoriel

Les chercheurs ont testé leur dispositif en exposant leur capteur à différentes lumières colorées, imitant les signaux visuels, et en appliquant des solutions de compositions chimiques variées, ressemblant aux phéromones libérées par les papillons. L’objectif était d’évaluer la capacité de leur capteur à intégrer les informations provenant à la fois du photodétecteur et du chemisenseur, à l’instar du succès de l’accouplement des papillons qui dépend de la correspondance entre la couleur des ailes et la force des phéromones.

En mesurant la réponse de sortie, les chercheurs ont déterminé que leurs dispositifs pouvaient intégrer de manière transparente les signaux visuels et chimiques, soulignant le potentiel de leur capteur à traiter et interpréter simultanément divers types d’informations.

Vers une IA multi-sensorielle économe en énergie

La détection double dans un seul dispositif est également plus économe en énergie par rapport à la façon dont les systèmes d’IA actuels fonctionnent, en collectant des données à partir de différents modules de capteurs et en les transférant vers un module de traitement, ce qui peut entraîner des retards et une consommation d’énergie excessive.

Les chercheurs prévoient d’étendre leur dispositif pour intégrer trois sens, imitant la façon dont une écrevisse utilise des signaux visuels, tactiles et chimiques pour détecter les proies et les prédateurs. L’objectif est de développer des dispositifs d’IA matériels capables de gérer des scénarios de prise de décision complexes dans divers environnements.

Ghosh envisage des applications potentielles, comme «des systèmes de capteurs dans une centrale électrique, qui détecteraient les problèmes potentiels tels que des fuites ou des défaillances de systèmes en se basant sur plusieurs signaux sensoriels, comme une odeur chimique, un changement de vibration ou la détection visuelle de faiblesses. Cela aiderait le système et le personnel à déterminer plus efficacement les actions à entreprendre pour résoudre rapidement le problème, car il ne reposerait pas sur un seul sens, mais sur plusieurs».

Légende illustration : Selon une équipe de chercheurs de l’État de Pennsylvanie, la manière dont les papillons Heliconius traitent simultanément deux entrées sensorielles, les phéromones et la vision, pour trouver un partenaire pourrait inspirer une intelligence artificielle multisensorielle améliorée.

Article : A Butterfly-Inspired Multisensory Neuromorphic Platform for Integration of Visual and Chemical Cues – DOI: 10.1002/adma.202307380

[ Rédaction ]

         

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