A Tchernobyl, une bactérie mangeuse d’uranium

Une bactérie provenant de sols contaminés de Tchernobyl a le don « d’avaler » l’uranium en le minéralisant. Une nouvelle piste pour la décontamination.

Tout commence en 2008, lorsque les chercheurs du CEA-IBEB et du CNRS, guidés par leurs collègues de l’IRSN1 et de l’UIAR2, prélèvent des échantillons de sols contaminés dans la zone d’exclusion de Tchernobyl.

« Notre rôle était d’aider l’IRSN à prendre en compte le compartiment vivant dans leur modélisation afin de prévoir le comportement et la migration des radionucléides dans les sols, raconte Virginie Chapon, biologiste au CEA-IBEB. Le sol est un fantastique réservoir de bactéries et celles-ci sont capables de piéger ou de d’accélérer la migration des radionucléides. »

Les chercheurs ramènent dans leurs tubes à essai pléthore de bactéries, dont une qui retient leur attention. Baptisée Microbacterium sp.A9, elle tolère de fortes concentration en uranium.

Cultivée puis mise en contact avec de l’uranium dans les éprouvettes de Cadarache, Microbacterium sp.A9 a révélé deux modes de piégeage du radionucléide. Pour le découvrir, les chercheurs ont mesuré pendant 24h la quantité d’uranium qui s’associe aux cellules et observé les mécanismes de sa séquestration grâce à une combinaison d’approches spectroscopiques et microscopiques. Tout d’abord, l’uranium vient se coller à certains éléments de la bactérie. Cette biosorption est rapide et ne nécessite pas une participation active des bactéries3.

Ensuite, les bactéries se débarrassent activement de l’uranium en l’expulsant, mais cette étape est transitoire. « Si un tel mécanisme a déjà été décrit pour certains métaux, c’est une première pour l’uranium, s’enthousiasme Virginie Chapon. »

Enfin, une seconde séquestration a lieu, définitive cette fois. Les cellules de la bactérie emprisonnent alors de grandes quantités d’uranium via un processus de biominéralisation. Cette seconde étape nécessite cette fois que les bactéries soient actives. Elle donne lieu à la formation d’autunite, un minéral constitué d’uranium, de phosphate et de calcium, à l’intérieur des cellules.

« Difficilement utilisable dans les sols, cette bactérie pourrait être en revanche utilisée pour dépolluer des eaux contaminées, souligne la biologiste. L’uranium sera piégé sous forme d’autunite solide dans les bactéries qu’il suffira de récupérer par centrifugation ou par décantation. »

1- Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
2- Ukrainian Institute of Agricultural Radiology
3- Ce phénomène est chimique. Il est observé y compris à basse température, lorsque les bactéries sont « endormies ».

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Goodnews

cette bactérie pourrait être en revanche utilisée pour dépolluer des eaux contaminées, souligne la biologiste. L’uranium sera piégé sous forme d’autunite solide dans les bactéries qu’il suffira de récupérer par centrifugation ou par décantation Très bien: Cela sera applicable aux eaux contaminées de Fukushima.

Geologue

dans les “eaux” de Fukushima, il n’y a pas que de l’U. Faut voir si les autres corps/molécules présents ne tuent pas la bête, et si elle peuvent travailler avec des hauts niveaux d’irradiation. L’U n’est pas très radioactif

Geologue

dans les “eaux” de Fukushima, il n’y a pas que de l’U. Faut voir si les autres corps/molécules présents ne tuent pas la bête, et si elle peuvent travailler avec des hauts niveaux d’irradiation. L’U n’est pas très radioactif

wangfa

Hééééé oui! Une piste (je n’écris pas : une solution) pour réduire voire éliminer un peu de cette radioactivité qui a condamné un secteur géographique est envisagée. Comme d’habitude, il y a toujours un français du haut de sa superbe pour mettre cette piste sur l’échafaud et actionner le mécanisme. Dans l’article, on parle bien de possiblité, pas de solution miracle. A défaut d’autre solution, étudions celle-ci. D’ailleurs, si Géologue a une solution, qu’il la propose au lieu de critiquer vertement (sport national français). Géologue ne doit pas être si bon que cela, sinon, il aurait été chassé par quelque pays étranger. Assez des destructeurs, place aux constructeurs en France.

Tech

un début de solution, tant mieux! quels isotopes? quelle quantité? que fait-on du “concentré” récupéré qu’en est-il des autres composés radioactifs (par exemple dans toute l’eau stockée de fukushima)? a priori l’autunite qui contient l’uranium est aussi radioactive certe on a concentré de l’uraniumm dispersé dans l’eau, mais la centrifugation ou la décantation donnent un concentré a émission localisée plus forte! (manipulation?)

pierreerne

A Fukushima, on a heueusement pas attendu la bactérie miracle pour séparer les éléments radioactifs de l’eau contaminée. Le site de Fukushima est aujourd’hui équipé d’un système de séparation des éléments radioactifs de l’eau contaminée appelé ALPS capable de traiter jusqu’à 2 000 m3 par jour avec 3 unités opérationnelles. (Il restait plusieurs centaines de milliers de m3 d’eau radioactive fin 2014 contenant 63 éléments radioactifs différents). Le procédé de traitement est d’origine Toshiba et il est mis en oeuvre par une entreprise californienne, Kurion Inc. Les éléments radioactifs sont récupérés dans des containers sous la forme de boue radioactives. Les eaux résiduaires contiennent encore du tritium (le système ne le sépare pas). Aux dernières nouvelles il est possible que TEPCO soit autorisé à rejeter les eaux tritiées en haute mer. (La toxicité du tritium est un objet de controverses). ()

Dan1

Pour Fukushima, le bilan détaillé du traitement de l’eau contaminée est ici :