Amazon franchit une nouvelle étape dans l’automatisation de ses services logistiques en développant des robots humanoïdes capables de livrer des colis directement à la porte des clients. L’initiative du géant E-commerce américain, révélée ce mois-ci, marque certainement un tournant majeur dans l’évolution du secteur de la livraison du dernier kilomètre et pourrait transformer radicalement notre interaction quotidienne avec les services de livraison.
Déjà pionnier dans l’utilisation de robots dans ses entrepôts, Amazon étend désormais ses ambitions technologiques vers l’espace public, et entend aller au delà des limites traditionnelles entre l’automatisation industrielle et les services aux consommateurs.
Une nouvelle génération de livreurs robotisés
Amazon teste actuellement plusieurs modèles de robots humanoïdes provenant de différents fabricants, dans le cadre d’un programme de développement logiciel ambitieux. Le robot Digit d’Agility Robotics, déjà utilisé dans les entrepôts Amazon depuis 2023, constitue le candidat principal pour cette nouvelle application. Ce robot bipède, conçu spécifiquement pour évoluer dans des environnements humains, possède des capacités de manipulation avancées grâce à ses crochets imitant les mains humaines. Parallèlement, Amazon évalue également le robot G1 de la société chinoise Unitree, proposé à partir de 16 000 dollars, qui se distingue par ses 23 à 43 degrés de liberté et sa polyvalence.

La stratégie d’Amazon consisterait à développer en interne l’intelligence artificielle qui animera ces robots, tout en s’appuyant sur le matériel de partenaires spécialisés. L’entreprise mise notamment sur son système Agentic AI, complété par des modèles open source développés par les géants chinois DeepSeek et Alibaba.
Le concept opérationnel envisagé par Amazon repose également sur une collaboration étroite entre les robots humanoïdes et les véhicules électriques Rivian. Les robots voyageraient à l’arrière des plus de 20 000 fourgonnettes électriques actuellement utilisées par Amazon aux États-Unis, ce nombre devant atteindre 100 000 unités d’ici la fin de la décennie. L’objectif ici est d’optimiser l’efficacité des livraisons en permettant au conducteur humain et au robot de traiter simultanément différentes adresses lors d’un même arrêt.
Le laboratoire d’innovation : le « parc humanoïde »
Amazon a construit en parallèle un centre d’entraînement révolutionnaire dans ses bureaux de San Francisco, baptisé « parc humanoïde ». Leur installation reproduit fidèlement les défis que rencontreront les robots dans le monde réel. Le parcours d’obstacles intègre des simulations de trottoirs, d’escaliers, de portes d’entrée et même un véhicule Rivian complet pour tester les capacités d’embarquement et de débarquement des robots.
On peut en effet imaginer la complexité du défi technique que représente la transition d’un environnement contrôlé comme un entrepôt vers l’espace public jugé « imprévisible ». Les ingénieurs d’Amazon sont ainsi en mesure simuler une multitude de scénarios problématiques avant de procéder aux premiers tests en conditions réelles, prévus pour l’automne 2025.

Les robots en développement possèdent des capacités d’intelligence artificielle sophistiquées, notamment la compréhension vocale pour interagir directement avec les clients lors des livraisons. Ils utilisent l’apprentissage par imitation et par renforcement qui permettent aux robots d’améliorer continuellement leurs performances. La technologie développée vise à transformer ces machines en « assistants polyvalents et flexibles », capables de comprendre et d’exécuter des commandes en langage naturel.
Les enjeux économiques du dernier kilomètre
La livraison du dernier kilomètre représente un défi économique considérable pour l’industrie logistique, constituant entre 35 et 53% du coût total d’une livraison. L’étape finale de la chaîne logistique coûte en moyenne 10,1 dollars par colis, tandis que les entreprises ne facturent que 8,08 dollars aux consommateurs, le différentiel étant absorbé par les marges bénéficiaires. La situation devient particulièrement critique avec l’échec des livraisons, qui coûtent 17,78 dollars en moyenne et représentent 5% de toutes les tentatives de livraison.
L’automatisation par des robots humanoïdes pourrait par conséquent révolutionner l’équation économique en réduisant significativement les coûts opérationnels. Contrairement aux livreurs humains, les robots sont capables d’opérer 24 heures sur 24, ne nécessitent pas de pauses et ne sont pas soumis aux contraintes de temps de travail réglementaires. Leur disponibilité en continue pourrait permettre d’optimiser les tournées de livraison et de réduire les échecs dus à l’absence des destinataires.

L’impact sur l’emploi et la société
L’introduction massive de robots livreurs soulève bien évidemment des questions fondamentales sur l’avenir de l’emploi dans le secteur logistique. Amazon emploie actuellement des centaines de milliers de personnes dans ses activités de livraison à travers le monde, et l’automatisation pourrait potentiellement affecter une partie significative de ces emplois. Les experts soulignent que les robots ne remplacent généralement pas des métiers entiers, mais plutôt des tâches spécifiques, qui ouvrent la voie à une redéfinition des rôles humains.
Les études du MIT indiquent qu’un nouveau robot introduit pour 1000 travailleurs peut réduire l’emploi de 0,18 à 0,34% tout en générant une baisse des salaires de 0,25 à 0,50%. Néanmoins, l’automatisation crée également de nouveaux emplois qualifiés dans la conception, la maintenance et la supervision des systèmes robotiques, mais dans quelle proportion ?