Camions vibrants : futurs sites souterrains de stockage du CO2 au Danemark

Camions vibrants : futurs sites souterrains de stockage du CO2 au Danemark

Des études sismiques des couches profondes du sol dans le nord-ouest de la Zélande aideront les chercheurs à localiser les formations du sol qui conviennent au stockage du CO2 capté dans un avenir proche. L’Université de Copenhague fournit l’expertise académique et un corps d’étudiants dévoués.

Quelque part dans le nord-ouest de la Zélande, un convoi accrocheur se faufile dans la campagne. Deux petits camions costauds, qui semblent appartenir à une base lunaire dans un film de science-fiction, s’arrêtent tous les dix mètres pour abaisser leurs secoueurs et commencer à vibrer.

Les vibrations envoient de puissantes ondes sonores dans la terre et font trembler le sol sous les pieds des passants. Les camions sont tractés par une queue équipée de géophones qui sont parfois soulevés et déplacés par de jeunes étudiants portant des combinaisons réfléchissantes. Lorsque le son est réfléchi par les couches du sol et enregistré par les géophones, il est transformé en une image détaillée à l’aide de puissants ordinateurs.

Au fur et à mesure que le convoi avance sur la route, les images s’accumulent et commencent à former une carte souterraine que les chercheurs pourront utiliser pour trouver le bon endroit pour stocker le CO2 en toute sécurité dans un avenir proche.

Voici à quoi ressemblait la scène lorsque l’université de Copenhague, en collaboration avec GEUS, et une équipe de l’université d’Uppsala ont exploré le sous-sol de la Nouvelle-Zélande. La collecte des données vient de s’achever plus tôt que prévu et le travail d’analyse des données a commencé.

C’est très excitant de faire partie de ce projet. Une étude de cette ampleur n’a jamais été menée au Danemark. Grâce à cette cartographie du sous-sol, nous contribuons à l’élaboration d’une solution concrète qui peut aider à résoudre la crise climatique mondiale“, déclare Lars Nielsen, professeur de géophysique au département des géosciences et de la gestion des ressources naturelles de l’université de Copenhague.

Quant aux étudiants impliqués dans le projet, nous contribuons même à former des spécialistes qui pourront gérer la tâche en exploitant et en surveillant les choses dès que la technologie sera prête à être déployée“, poursuit-il.

La séquestration du carbone est l’un des aspects du plan climatique officiel du Danemark. Elle comprend le captage et le stockage souterrain (ou l’utilisation comme combustible) des gaz à effet de serre provenant de l’industrie, afin d’éviter qu’ils n’augmentent les concentrations atmosphériques et ne contribuent au changement climatique. Une stratégie globale appelée Capture, utilisation et stockage du carbone (CCUS)

À cette fin, le gouvernement danois a accordé au Service géologique du Danemark et du Groenland (GEUS) une importante subvention qui lui permettra, entre autres, de lancer le projet de collecte de données sismiques au-dessus de la structure de Havnsø, dans le nord-ouest de la Zélande, qui inspectera le sous-sol danois à la recherche de formations favorables à un éventuel stockage du CO2 dans le cadre d’une stratégie nationale.

Le projet est dirigé par GEUS, tandis que l’université de Copenhague apporte un groupe d’étudiants talentueux et l’expertise géophysique de Lars Nielsen. En outre, des équipes de Pologne et d’Uppsala, en Suède, ont été impliquées dans la collaboration pour fournir et maintenir le fonctionnement technique des équipements.

Une conception bien pensée et une collaboration importante

GEUS a contacté Lars Nielsen pour tirer parti de ses nombreuses années de connaissances sur la façon dont les ondes sonores sismiques se propagent et s’influencent mutuellement dans les différentes couches du sol, ainsi que de son expérience dans la conception d’études géologiques basées sur ces connaissances.

Par le passé, nous utilisions souvent de la dynamite pour créer des ondes sonores. C’était très efficace, mais destructeur et accompagné de nombreuses nuisances. Au lieu de cela, avec le GEUS et l’université d’Uppsala, j’ai conçu les études de manière à pouvoir utiliser des camions vibrateurs sismiques, qui sont la meilleure façon d’aborder la tâche. De plus, nous avons eu la chance d’obtenir un peu de matériel et de collaborer avec des personnes très talentueuses de l’université d’Uppsala avec lesquelles j’ai travaillé sur des études similaires utilisant cette technique“, explique le professeur Nielsen.

Un “shaker” envoie des vibrations dans le sous-sol. Photo : Emilie Thejll-Madsen

Entre le marteau et l’enclume

Les études recherchent les meilleures conditions pour le stockage du CO2. Parmi elles, le gaz doit être stocké à pas moins de 800 mètres de profondeur. Le gaz doit pouvoir être injecté dans un type de sol adapté, comme le grès, dont la porosité permet de répartir le CO2. Pour retenir les gaz, il est également crucial qu’il y ait une couche de sol imperméable au-dessus, comme un type de sol argileux.

Comprimé par les couches du sol et à la bonne profondeur, le CO2 injecté sera sous une pression telle que le gaz sera dissous dans l’eau déjà salée du sol. De cette manière, de grandes quantités de CO2 peuvent être stockées au même endroit et de manière très stable.

Expertise et recherche géologique fondamentale de l’avenir

Lars Nielsen souligne que les efforts des jeunes étudiants de l’UCPH sont indispensables au projet, des étudiants qui sont déjà très demandés.

Il y a là de grandes perspectives pour les étudiants également. Ils sont les experts de demain dans un domaine qui pourrait devenir une industrie majeure d’ici quelques années. Rien qu’en une semaine, j’ai été contacté par deux acteurs du secteur privé – en relation avec l’implantation de parcs éoliens entre autres – qui recherchent des étudiants pour d’autres études sismiques. Les étudiants sont donc très recherchés. Naturellement, nous espérons aussi que leur travail débouchera sur quelques thèses de maîtrise et doctorats passionnants à long terme“, déclare Lars Nielsen.

Au-delà du rôle important qu’elles jouent dans les efforts déployés par le Danemark en matière de climat, M. Nielsen se réjouit que ces études génèrent de nombreuses nouvelles recherches fondamentales en géologie. En effet, les mesures approfondies effectuées dans le sous-sol – sur une distance de 130 km examinée dans le cadre de cette partie du projet – permettront de mieux comprendre le monde qui se trouve sous nos pieds, notamment les changements climatiques enregistrés dans l’histoire géologique du Danemark.

Étudier le sous-sol

Tous les 10 mètres, un grand “shaker” monté sur un camion a envoyé des vibrations dans la terre et produit de puissantes ondes sonores.

Les ondes vont des vibrations profondes (grandes longueurs d’onde) aux vibrations plus aiguës (courtes longueurs d’onde). Ce large spectre d’ondes est important pour distinguer les différentes couches du sol avec le plus de détails possible.

Les géophones sont un type de microphone qui peut enregistrer les réflexions souterraines. Ils sont utilisés dans l’étude à différentes fins.

Un ensemble est suspendu derrière les camions vibrateurs sismiques, sur un "streamer", avec un mètre entre chaque géophone. Ils fournissent des données à haute résolution pour les 300 à 400 mètres supérieurs du sol.
Un autre ensemble de géophones est stationnaire et jalonne le parcours de plusieurs kilomètres, à dix mètres d'intervalle entre chaque géophone. Ils sont principalement utilisés pour révéler les formations plus profondes du sous-sol.

Le long de l’itinéraire, les connaissances acquises lors des forages précédents sont utilisées pour déterminer les types de roches dans les couches de sol étudiées.

Trois conditions préalables à la séquestration du carbone dans le sous-sol

Le stockage doit être situé à environ 800 mètres de profondeur pour que la pression comprime le CO2.

La couche de sol destinée à la séquestration doit être poreuse afin que le gaz dispose d'un espace suffisant.

De préférence, il doit y avoir une couche de sol au-dessus de la couche de séquestration pour sceller le gaz et l'empêcher de s'échapper.

Crédit photo: Emilie Thejll-Madsen

[ Communiqué ]
Lien principal : ign.ku.dk

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