Comment éliminer de l’eau les “produits chimiques à vie” nocifs ?

Comment éliminer de l'eau les "produits chimiques à vie" nocifs ?

La lutte contre la pollution environnementale prend un nouveau tournant avec l’émergence de nanomatériaux innovants. Des chercheurs ont mis au point une méthode électrochimique prometteuse pour dépolluer les substances chimiques tenaces, ouvrant la voie à des techniques de remédiation à grande échelle et économiquement viables.

L’Université de Rochester est au cœur d’une découverte significative dans le domaine de la dépollution environnementale.

Sous la direction d’Astrid Müller, professeure adjointe en génie chimique, une équipe de chercheurs a développé des nanocatalyseurs capables de remédier à la présence de substances per- et polyfluoroalkyles, plus communément appelées PFAS. Ces composés chimiques, omniprésents dans de nombreux produits du quotidien, sont connus pour leur persistance dans l’environnement et leur nocivité pour la santé humaine et animale.

Ziyi “Bruce” Meng, doctorant en science des matériaux, teste des échantillons d’eau pour déterminer l’efficacité d’une nouvelle technique d’électrocatalyse mise au point à Rochester pour remédier à la pollution par le sulfonate de perfluorooctane (SPFO). Les SPFO étaient autrefois largement utilisés dans les produits antitaches, mais ils sont désormais interdits dans la plupart des pays du monde. (Photo de l’Université de Rochester / J. Adam Fenster)

La cible : le sulfonate de perfluorooctane (PFOS)

L’étude, publiée dans le Journal of Catalysis, se concentre sur le PFOS, un type de PFAS autrefois couramment utilisé pour ses propriétés anti-taches mais désormais interdit dans de nombreuses régions du monde. Malgré l’arrêt de sa production par les fabricants américains au début des années 2000, le PFOS reste largement répandu dans l’environnement, notamment dans les réserves d’eau.

L’équipe de Müller a élaboré ces nanocatalyseurs en utilisant une technique de synthèse par laser en milieu liquide, une spécialité de la chercheuse qui combine ses compétences en lasers ultra-rapides, science des matériaux, chimie et génie chimique. « En utilisant la synthèse par laser pulsé en liquide, nous pouvons contrôler la chimie de surface de ces catalyseurs d’une manière impossible avec les méthodes traditionnelles de chimie humide », explique Astrid Müller. Cette technique permet de maîtriser la taille des nanoparticules créées par interaction lumière-matière.

En réalisant une électrocatalyse à l’aide de nanocatalyseurs fabriqués au laser et collés sur un papier carbone hydrophile, des chercheurs de Rochester ont créé des moyens moins coûteux et plus efficaces de remédier à la pollution par le sulfonate de perfluorooctane (SPFO). (Photo de l’université de Rochester / J. Adam Fenster)

Les scientifiques fixent ensuite les nanoparticules sur du papier carbone hydrophile, attirant les molécules d’eau, offrant ainsi un substrat bon marché avec une grande surface d’action.

En utilisant de l’hydroxyde de lithium à haute concentration, ils ont réussi à défluorer complètement les produits chimiques PFOS.

Une méthode prometteuse et abordable

Pour que le processus soit viable à grande échelle, il faudrait traiter au moins un mètre cube d’eau à la fois. L’approche innovante de Müller et de son équipe se distingue par l’utilisation exclusive de métaux non précieux, contrairement aux méthodes existantes nécessitant du diamant dopé au bore. Leur méthode se révèle presque 100 fois moins coûteuse que les techniques actuelles.

Dans ses recherches futures, Müller souhaite comprendre pourquoi l’hydroxyde de lithium est si efficace et si d’autres matériaux moins onéreux pourraient être utilisés pour réduire davantage les coûts. Elle envisage également d’appliquer cette méthode à d’autres produits chimiques PFAS encore largement utilisés mais associés à des problèmes de santé.

Les scientifiques ont collé des nanocatalyseurs fabriqués au laser sur du papier carbone qu’ils ont rendu hydrophile (attirant l’eau) à l’aide d’un processus rapide de chimie verte qu’Astrid Müller a inventé dans des travaux antérieurs. (Photo de l’université de Rochester / J. Adam Fenster)

La chercheuse reconnaît l’utilité des PFAS dans de nombreux produits de consommation et technologies vertes, et soutient qu’il est possible de les utiliser de manière circulaire et durable en exploitant des solutions électrocatalytiques pour briser les liaisons fluorocarbones et extraire le fluorure de manière sécurisée.

Une question de justice sociale

Bien que la commercialisation de cette méthode soit encore lointaine, Müller a déposé un brevet avec le soutien de URVentures. Elle envisage son utilisation dans les stations d’épuration et par les entreprises pour nettoyer les sites contaminés. Elle souligne également l’aspect de justice sociale de cette approche, qui pourrait bénéficier aux régions à faible revenu, plus touchées par la pollution.

Cette méthode électrocatalytique pourrait être déployée de manière distribuée, avec une empreinte réduite, en utilisant l’électricité issue de panneaux solaires.

les chercheurs créent des catalyseurs à l’aide d’un laser pulsé dans une synthèse liquide, en contrôlant la chimie de surface des nanomatériaux d’une manière qui n’est pas possible avec les méthodes traditionnelles de chimie humide. (Photo de l’université de Rochester / J. Adam Fenster)

Légende illustration : les substances alkylées perfluorées et polyfluorées (PFAS) sont souvent appelées “produits chimiques à vie” parce qu’elles se décomposent très lentement. Des scientifiques de Rochester ont mis au point des nanocatalyseurs qui permettent de remédier de manière plus abordable à un type spécifique de PFAS appelé sulfonate de perfluorooctane (PFOS) (photo de l’université de Rochester / J. Adam Fenster).

[ Rédaction ]

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