Pour capter l’énergie éolienne, il n’est pas indispensable d’ériger des mâts d’acier supportant d’immenses hélices: des cerfs-volants retenus par des filins peuvent s’en charger. La spin-off TwingTec de l’Empa étudie cette technologie depuis plusieurs années. L’automne dernier, son cerf-volant a passé le cap du décollage autonome, suivi d’un vol générateur d’électricité, puis d’un retour autonome à sa base. Les spécialistes de l’Empa participeront à la 8e Conférence sur l’énergie éolienne aéroportée à Glasgow.
Le dernier prototype Twingtec est sur le point d’être lancé dans l’air dans le mois prochain.
Si vous avez déjà joué avec un cerf-volant, vous connaissez cette sensation: le vent s’en empare et tend la ligne; vous lâchez un peu la ligne et elle vous file entre les doigts de manière difficilement contrôlable. Peut-on utiliser cette énergie pour produire du courant électrique?
Eh bien oui! Rolf Luchsinger, directeur de la spin-off TwingTec de l’Empa créée en 2013, l’a démontré. TwingTec est l’une des premières entreprises à s’être engagée dans le développement d’éoliennes aéroportées et ne quitte pas le peloton de tête. Elle occupe neuf collaborateurs à son siège de Dübendorf.
Cycles de vols ascendants
L’idée initiale est simple, mais sa mise en œuvre est épineuse. Les météorologues savent qu’à 500 mètres, le vent souffle jusqu’à quatre fois plus fort qu’à 120 mètres, hauteur du moyeu des éoliennes modernes. Un cerf-volant relié par un filin à un tambour couplé à un générateur pourrait exploiter ce vent en se faisant emporter vers le ciel dans un mouvement hélicoïdal. Lorsque le filin serait entièrement déroulé, le cerf-volant redescendrait vers son point d’attache, laissant le filin se ré-enrouler autour du tambour, après quoi le cerf-volant reprendrait son ascension. «Le grand défi n’est pas le vol en soi, précise Luchsinger, mais l’automatisation du décollage et de l’atterrissage.» En effet, une centrale à cerf-volant devrait pouvoir fournir du courant sans l’aide de personne.
Succès du vol automatisé
Cette idée a fait l’objet d’une démonstration en automne 2018 sur les hauteurs de Chasseral, en Suisse romande. Le prototype TwingTec T 28, un engin de trois mètres d’envergure, est parti dans le ciel en toute autonomie, a produit de l’électricité pendant 30 minutes puis est revenu se poser de lui-même sur sa plateforme. L’étape suivante est maintenant de produire du courant en continu. L’équipe de Luchsinger travaille actuellement sur le prototype T 29 qui, cet automne, devra pouvoir rester en service sur une longue durée. T 29 devra non seulement décoller et atterrir automatiquement, mais fournir 10 kW et les injecter dans le réseau. Le groupe des forces motrices bernoises BKW se chargera de distribuer le courant généré par l’expérience.
Le chemin à parcourir entre les premières esquisses et le premier kilowattheure injecté dans le réseau s’est avéré long et tortueux. L’idée initiale était d’utiliser un cerf-volant dirigeable renforcé à l’air comprimé, à la manière du Kite-Surfing. L’étude d’une série de prototypes a réorienté les chercheurs vers une structure à ailes rigides. La commande multi-filins a été abandonnée en faveur d’une commande à volets de type avion. Le décollage et l’atterrissage sont assurés par de petits rotors, comme sur les drones. En 2014, TwingTec a obtenu un brevet innovant sur le décollage et l’atterrissage des cerfs-volants producteurs d’électricité, actuellement enregistré dans plusieurs pays.
L’avenir des cerfs-volants producteurs d’électricité semble assuré à en juger par le nombre des concurrents en lice. En Europe, dix start-ups et plusieurs équipes universitaires et de hautes écoles techniques y travaillent. Toutes sont membres de l’association «Airborne Wind Europe» qui organise une grande conférence tous les deux ans. La 8e Conférence sur l’énergie éolienne aéroportée (AWEC 2019) se tiendra les 15-16 octobre 2019 à l’Université de Strathclyde, Glasgow.
Objectif : la commercialisation
TwingTec ne saurait donc laisser le temps filer et attaque déjà l’étape suivante. Les connaissances acquises par les essais en vol du T 29 doivent conduire à la première production en série, celle du TT100, un cerf-volant de 15 mètres d’envergure. Fixé sur un conteneur standard, il doit décoller et atterrir automatiquement et délivrer jusqu’à 100 kW de puissance électrique, soit assez pour alimenter 60 maisons individuelles.
Il y a cependant peu de chances que les cerfs-volants envahissent le Plateau suisse. «Notre éolien n’est pas destiné aux régions densément peuplées», précise Rolf Luchsinger, CEO de TwingTec. Les clients intéressés par ce type de production durable d’énergie habitent des lieus isolés. «Nos clients potentiels, ce sont les mines, les communautés isolées, les îles. Autant d’endroits qui utilisent actuellement des générateurs diesel bruyants, polluants et dont le carburant doit être acheminé au prix fort.» Des cerfs-volants TwingTec autonomes permettraient d’économiser du carburant et, à moyen terme, de produire l’intégralité de l’énergie nécessaire. A long terme, les plans de Luchsinger sont encore plus ambitieux: installer des parcs flottants de cerfs-volants sur la mer. La place et le vent n’y manquent pas, et personne n’est dérangé… les conditions idéales pour engager le virage énergétique.
La production en série nécessite toutefois d’importants capitaux. Le prototype T 29 qui, cet automne, doit prendre son envol sur le Chasseral, a reçu le soutien de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Pour la phase suivante, la commercialisation, TwingTec est actuellement en quête d’investisseurs privés et de partenaires du secteur de l’énergie avec qui exploiter pleinement le potentiel énergétique du vent.
Auteur : Rainer Klose
Image illustration : Vol d’essai parfaitement réussi en automne 2018 sur les hauteurs de Chasseral: le prototype TwingTec T 28 de 3 mètres d’envergure a pris son envol de manière autonome à partir de son véhicule de base, s’est élevé dans le ciel, y a tourné 30 minutes en produisant de l’électricité avant de se reposer de lui-même sur sa plateforme de départ. Image: Empa
Intéressant, mais. Ces éoliennes aéroportées auront du mal à être rentables, leur taille sera toujours limitée par les effets d’échelle : la surface (donc la portance) étant proportionnelle au carré de l »échelle et la masse (donc la charge) au cube de l’échelle, il existera une taille limite au delà de laquelle l’éolienne ne pourra tout simplement plus voler.
makani power a déjà un projet d’éolienne de 600kw en mer qui est fonctionnel …