Des “molécules” de mécanique quantique repérées dans des dispositifs supraconducteurs

Des "molécules" de mécanique quantique repérées dans des dispositifs supraconducteurs

La recherche de l’innovation dans le domaine de la physique quantique nous conduit à explorer les confins de la matière et ses comportements les plus énigmatiques. Dans ce contexte, des physiciens de l’institut RIKEN ont récemment mis en lumière des états électroniques au comportement moléculaire au sein de circuits supraconducteurs, ouvrant des perspectives fascinantes pour l’informatique quantique de demain.

Les supraconducteurs se distinguent par leur capacité à conduire le courant électrique sans aucune résistance, éliminant ainsi la production de chaleur superflue qui affecte l’efficacité énergétique des circuits conventionnels. Cette propriété remarquable n’est qu’un aspect de leur potentiel. En effet, la supraconductivité émerge grâce à des interactions quantiques entre électrons, offrant ainsi la possibilité d’exploiter ces effets exotiques pour doter les dispositifs d’une gamme de fonctionnalités inaccessibles aux appareils traditionnels.

La découverte des molécules d’Andreev

Sadashige Matsuo du Centre RIKEN pour la Science de la Matière Émergente et ses collaborateurs se sont penchés sur un effet quantique particulier, connu sous le nom de molécule d’Andreev, qui pourrait être utilisé dans les technologies d’information quantique des futurs ordinateurs quantiques.

Le composant de base des circuits supraconducteurs est la jonction Josephson : un dispositif constitué d’un matériau normal inséré entre deux supraconducteurs, qui régule le flux du supercourant. Lorsqu’un électron dans le matériau normal est confronté à l’interface avec un supraconducteur, il est réfléchi sous forme de trou, tandis qu’une paire d’électrons est générée dans le supraconducteur. Cette réflexion crée des états liés dans le matériau normal de la jonction Josephson, appelés états liés d’Andreev.

Si deux jonctions Josephson sont suffisamment proches, elles peuvent former une molécule d’Andreev en se liant l’une à l’autre. Matsuo et son équipe se sont concentrés sur deux jonctions Josephson partageant une courte électrode supraconductrice. Dans cette structure, les états liés d’Andreev des différentes jonctions sont censés se lier entre eux via l’électrode commune.

Un contrôle inédit des jonctions Josephson

« Lorsque ces molécules d’Andreev existent, une jonction Josephson peut contrôler une autre jonction Josephson », explique Matsuo. « Des phénomènes de transport supraconducteur exotiques et utiles émergent alors, tels que l’effet diode Josephson – un effet qui pourrait conduire à des redresseurs moins dissipatifs dans les circuits supraconducteurs. »

Pour réaliser leur étude, l’équipe a fabriqué deux jonctions Josephson avec une fine couche d’arséniure d’indium, puis les a couplées à travers une électrode supraconductrice partagée en aluminium, qui devient supraconductrice à très basses températures.

Les propriétés électroniques de cette structure ont été étudiées en mesurant le courant de tunnel aux jonctions à diverses tensions appliquées et intensités de champ magnétique, une technique appelée spectroscopie par effet tunnel. Cela a permis d’observer les niveaux d’énergie dans les jonctions Josephson correspondant aux molécules d’Andreev.

Une avancée significative pour l’informatique quantique

« Des chercheurs avaient précédemment rapporté la caractérisation spectroscopique des molécules d’Andreev dans différentes structures de dispositifs », déclare Matsuo. « Mais nous avons maintenant réussi à les observer dans des jonctions Josephson couplées et à démontrer pour la première fois leur contrôlabilité. »

« Notre travail fournit des informations fondamentales sur la molécule d’Andreev », ajoute-t-il. « Et il ouvrira la voie à l’ingénierie de phénomènes de transport supraconducteur exotiques dans des jonctions Josephson couplées à l’avenir. »

Légende illustration : Simulation montrant les niveaux d’énergie de signature des molécules d’Andreev prévus pour la spectroscopie à effet tunnel sur des jonctions Josephson couplées. Reproduit de Ref. 1 et sous licence CC BY 4.0. / S. Matsuo et al.

Matsuo, S., Imoto, T., Yokoyama, T., Sato, Y., Lindemann, T., Gronin, S., Gardner, G. C., Nakosai, S., Tanaka, Y., Manfra, M. J. et al. Phase-dependent Andreev molecules and superconducting gap closing in coherently-coupled Josephson junctions. Nature Communications 14, 8271 (2023). doi: 10.1038/s41467-023-44111-3

[ Rédaction ]

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