Les métasurfaces bio-inspirées permettent le refroidissement diurne, le chauffage et le camouflage thermique en une seule solution.
Comment un nuage reste-t-il frais sous la lumière directe du soleil –– ou semble-t-il disparaître dans l’infrarouge ? Dans la nature, des phénomènes tels que les cumulus blancs, les systèmes orageux gris et même les poils creux des ours polaires offrent des leçons remarquables sur l’équilibre entre température, couleur et invisibilité. Inspirés par ces merveilles atmosphériques, des chercheurs ont désormais créé une métasurface « nuageuse » à l’échelle nanométrique capable de passer dynamiquement d’un état blanc à un état gris, se refroidissant ou se réchauffant à la demande, tout en échappant à la détection thermique.
Il existe une forte demande mondiale pour une gestion thermique passive et économe en énergie dans les matériaux de construction, les appareils portables, les capteurs et les applications de défense. Ce système nouvellement inventé s’intègre parfaitement dans des domaines émergents tels que le refroidissement radiatif, les revêtements adaptatifs, le chauffage thermique et le camouflage thermique, sous la pression du climat et de la sécurité.
Tout comme la transformation des cumulus lumineux en cumulo-nimbus sombres, cette métasurface utilise les principes de la diffusion multiple, de l’absorption et de la réflexion polarisée pour moduler la lumière et la chaleur. À l’état « blanc », elle diffuse fortement la lumière solaire pour permettre le refroidissement radiatif, tandis qu’à l’état « gris », elle absorbe efficacement la lumière solaire pour un chauffage hautement performant. Il est essentiel de noter que ces deux états restent « invisibles » aux capteurs infrarouges en raison de leur faible émissivité dans l’infrarouge moyen, ce qu’aucune surface n’avait réussi à faire auparavant.
« Nous avons conçu un nuage à l’échelle nanométrique sur chaque surface. Il peut ajuster sa couleur et sa température comme un vrai nuage, entre le blanc refroidissant et le gris chauffant, tout en restant invisible aux caméras thermiques », déclare le professeur Mady Elbahri de l’université Aalto.

Les métasurfaces blanches et grises surmontent les limites des revêtements traditionnels
Les peintures blanches classiques refroidissent les surfaces en diffusant la lumière du soleil dans toutes les directions, mais elles restent visibles à la vision thermique. Ce nouveau matériau fonctionne davantage comme un nuage : il refroidit en renvoyant la lumière du soleil et reste invisible aux capteurs thermiques.
Les revêtements blancs conventionnels (à base de dioxyde de titane, TiO₂, par exemple) diffusent la lumière du soleil de manière diffuse, mais ne sont efficaces qu’à l’ombre ou la nuit. Leur émissivité élevée dans la gamme 8-13 μm les rend brillants en imagerie infrarouge thermique, ce qui limite leur utilisation dans le domaine de la furtivité thermique.
« Cette nouvelle métasurface plasmonique blanche diffuse la lumière du soleil à travers des nanostructures métalliques désordonnées tout en minimisant l’émission thermique, refroidissant ainsi les surfaces en plein soleil et restant camouflée thermiquement. Cette caractéristique rend cette innovation révolutionnaire », précise Adel Assad, doctorant au sein du groupe.
Les matériaux noirs chauffent au soleil, mais ils éclairent également les caméras thermiques car ils émettent fortement dans l’infrarouge.
« Cette surface grise devient plus chaude que le noir, mais sans émettre de chaleur visible par les capteurs thermiques. Cela pourrait changer la donne pour les textiles intelligents, les matériaux de construction et le camouflage », explique Moheb Abdelaziz, chercheur postdoctoral au sein du groupe.
Un grand potentiel né de modestes débuts
Cette recherche ouvre de nouvelles voies dans le domaine de l’ingénierie des surfaces adaptatives. Les applications potentielles vont des façades de bâtiments à énergie zéro qui basculent entre le chauffage et le refroidissement aux textiles intelligents qui régulent la température corporelle sans électronique. Cette découverte offre également des opportunités dans le domaine des capteurs et des dispositifs à faible visibilité pour la défense et la surveillance.
La prochaine étape de la recherche consiste à explorer les revêtements dynamiques utilisant des couches électrochromiques ou à changement de phase pour permettre une commutation en temps réel et contrôlée par l’utilisateur entre les différents états.
Les chercheurs sont fiers que ces résultats remarquables aient été obtenus malgré le rejet initial du projet.
« Sans financement dédié après les premiers revers, nous nous sommes appuyés sur une vision commune et une collaboration, en particulier avec nos partenaires allemands, pour transformer le doute en découverte. Cela prouve que la science, comme les nuages, peut s’élever contre toute attente », conclut Mady Elbahri.
Article : « Cloud Inspired White and Grey Plasmonic Metasurfaces for Camouflaged Thermal Management » – DOI : 10.1002/adma.202501080
source : AAlto