Des chercheurs hollandais et américains ont mis au point des résonateurs en forme de corde capables de vibrer plus longtemps à température ambiante que tout autre objet à l’état solide connu, s’approchant de ce qui est actuellement réalisable uniquement près du zéro absolu. Leur étude, publiée dans Nature Communications, repousse les limites de la nanotechnologie et de l’apprentissage automatique pour créer certains des capteurs mécaniques les plus sensibles au monde.
Des nanocordes inédites
Les nanocordes nouvellement développées affichent les plus hauts facteurs de qualité mécanique jamais enregistrés pour tout objet fixé à température ambiante, dans leur cas, fixé à une micropuce. Cette technologie est particulièrement intéressante pour une intégration avec les plateformes de micropuces existantes. Les facteurs de qualité mécanique représentent la capacité d’un objet vibrant à conserver son énergie. Ces cordes sont spécialement conçues pour piéger les vibrations et empêcher la fuite de leur énergie.
«Imaginez une balançoire qui, une fois poussée, continue de se balancer pendant presque 100 ans parce qu’elle ne perd presque pas d’énergie à travers les cordes,» explique le professeur associé Richard Norte de l’Université Delft. «Nos nanocordes font quelque chose de similaire, mais au lieu de vibrer une fois par seconde comme une balançoire, nos cordes vibrent 100 000 fois par seconde. Comme il est difficile pour l’énergie de s’échapper, il est également difficile pour le bruit environnemental de pénétrer, ce qui en fait certains des meilleurs capteurs pour les environnements à température ambiante.»
L’innovation exposé par les scientifiques est cruciale pour l’étude des phénomènes quantiques macroscopiques à température ambiante, des environnements où ces phénomènes étaient auparavant masqués par le bruit.
Bien que les lois étranges de la mécanique quantique soient généralement observées uniquement dans les atomes uniques, la capacité des nanocordes à s’isoler du bruit vibratoire thermique quotidien leur permet de révéler leurs propres signatures quantiques, des cordes composées de milliards d’atomes. Dans les environnements quotidiens, cette capacité aurait des utilisations intéressantes pour la détection basée sur la physique quantique.
Correspondance extraordinaire entre simulation et expérience
«Notre processus de fabrication prend une direction différente par rapport à ce qui est possible en nanotechnologie aujourd’hui,» a indiqué le Dr Andrea Cupertino, qui a dirigé les efforts expérimentaux. Les cordes mesurent 3 centimètres de long et 70 nanomètres d’épaisseur, mais à une échelle plus grande, cela équivaudrait à fabriquer des cordes de guitare en verre suspendues sur un demi-kilomètre avec presque aucun affaissement.
«Ce genre de structures extrêmes n’est réalisable qu’à des échelles nanométriques où les effets de la gravité et du poids sont différents. Cela permet des structures qui seraient irréalisables à nos échelles quotidiennes mais particulièrement utiles dans les dispositifs miniatures utilisés pour mesurer des quantités physiques telles que la pression, la température, l’accélération et les champs magnétiques, que nous appelons la détection MEMS,» détaille une nouvelle fois Andrea Cupertino.
Les nanocordes sont fabriquées en utilisant des techniques avancées de nanotechnologie développées à l’Université de Delft, repoussant les limites de la finesse et de la longueur des nanostructures suspendues.
Un aspect clé de la collaboration est que ces nanostructures peuvent être fabriquées si parfaitement sur une micropuce qu’il existe une correspondance extraordinaire entre les simulations et les expériences, ce qui signifie que les simulations peuvent servir de données pour les algorithmes d’apprentissage automatique, plutôt que des expériences coûteuses.
«Notre approche consistait à utiliser des algorithmes d’apprentissage automatique pour optimiser la conception sans fabriquer continuellement des prototypes,» a noté l’auteur principal, le Dr Dongil Shin, qui a développé ces algorithmes avec Miguel Bessa.
Pour améliorer encore l’efficacité de la conception de ces grandes structures détaillées, les algorithmes d’apprentissage automatique ont intelligemment utilisé les informations tirées d’expériences sur des cordes plus courtes et plus simples pour affiner les conceptions de cordes plus longues, rendant le processus de développement à la fois économique et efficace.
Navigation inertielle et microphones de nouvelle génération
Les implications de ces nanocordes vont au-delà de la science fondamentale. Elles offrent de nouvelles voies prometteuses pour intégrer des capteurs hautement sensibles avec la technologie standard des micropuces, conduisant à de nouvelles approches dans la détection basée sur les vibrations.
Bien que ces études initiales se concentrent sur les cordes, les concepts peuvent être étendus à des conceptions plus complexes pour mesurer d’autres paramètres importants comme l’accélération pour la navigation inertielle ou quelque chose ressemblant davantage à une membrane vibrante pour les microphones de nouvelle génération. Cette recherche démontre la vaste gamme de possibilités lorsqu’on combine les avancées de la nanotechnologie avec l’apprentissage automatique pour ouvrir de nouvelles frontières technologiques.
Légende illustration : Impression d’artiste de nouvelles nanocordes qui peuvent vibrer pendant très longtemps. Ces nanocordes vibrent plus de 100 000 fois par seconde. Comme il est difficile pour l’énergie de s’échapper, les bruits ambiants ne peuvent pas non plus s’infiltrer, ce qui en fait l’un des meilleurs capteurs pour les environnements à température ambiante. Crédit : Richard Norte
Article : « Centimeter-scale nanomechanical resonators with low dissipation » – DOI: 10.5281/zenodo.10518818