Le développement des technologies quantiques représente un domaine en pleine expansion, où la recherche s’oriente de plus en plus vers des solutions innovantes pour dépasser les limites des ordinateurs classiques. Parmi les matériaux étudiés, le silicium, omniprésent dans les technologies informatiques traditionnelles, connaît un regain d’intérêt pour ses applications quantiques. Le consortium EQUSPACE, financé par le Conseil européen de l’innovation, s’attèle à explorer ces nouvelles frontières. Voici comment leur projet pourrait redéfinir notre approche des technologies quantiques.
L’EIC Pathfinder Open a alloué 3,2 millions d’euros au consortium EQUSPACE, qui rassemble des experts de quatre institutions européennes. L’objectif principal de ce projet est de développer une plateforme quantique basée sur le silicium, un matériau déjà bien connu dans l’industrie des semi-conducteurs. Le projet vise à intégrer des qubits de spin de donneurs, qui utilisent la propriété de spin des atomes impurs pour traiter l’information quantique.
Contrairement aux concepts de l’informatique quantique actuels, qui privilégient d’autres matériaux, le silicium pourrait offrir une infrastructure existante et testée pour le traitement des qubits. Les chercheurs ont démontré que ces qubits de spin de donneurs sont particulièrement adaptés à cette tâche, grâce à leur stabilité temporelle qui permet des opérations de calcul quantique prolongées.
Les défis de la mise à l’échelle des qubits de spin
Malgré leurs avantages, les qubits de spin de donneurs ne sont pas encore largement utilisés dans les ordinateurs quantiques commerciaux. Leur intégration à grande échelle reste un défi, principalement en raison de l’absence de mécanismes efficaces pour le couplage et la lecture des informations quantiques. EQUSPACE ambitionne de surmonter ces obstacles en employant des ondes sonores dans des structures vibrantes pour connecter les qubits, ainsi que des lasers et des transistors à un électron pour lire les résultats des calculs quantiques.
Le projet cherche à fournir une solution évolutive qui englobe le contrôle, la lecture, le couplage des spins entre qubits, et la transmission de l’information quantique sur la puce. Si l’initiative réussit, elle pourrait conduire à une plateforme complète d’information quantique, incluant des qubits, des interconnexions et des systèmes de contrôle et de lecture évolutifs.
L’expertise du HZDR dans les technologies quantiques au silicium
L’Institut de physique des faisceaux d’ions et de recherche sur les matériaux de l’Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR) apporte une contribution significative avec ses compétences en modification atomique du silicium pour des applications quantiques. Leurs travaux incluent l’enrichissement localisé de silicium ultra-pur avec l’isotope silicium-28, qui possède l’avantage de ne pas avoir de spin nucléaire, réduisant ainsi les interférences pendant les calculs quantiques. «L’enrichissement ciblé avec des isotopes spécifiques permet une stabilité accrue des états quantiques, favorisant des opérations quantiques plus complexes,» a indiqué le Dr Nico Klingner, le responsable du projet chez HZDR.
De plus, le HZDR développe l’implantation d’ions uniques de donneurs comme le bismuth, dont le spin crée un système à deux états nécessaires pour les qubits. À très basse température, ces spins peuvent exister dans des superpositions, permettant ainsi des calculs parallèles et augmentant potentiellement la puissance de calcul des ordinateurs quantiques.
Le positionnement de l’Europe dans la course quantique mondiale
Le consortium EQUSPACE réunit des chercheurs de l’Université de Jyväskylä, du Centre de recherche technique VTT de Finlande, du HZDR, de l’Institut AMOLF des Pays-Bas et de la startup finlandaise SemiQon Oy. Cette collaboration illustre l’engagement croissant de l’Europe dans la compétition mondiale des technologies quantiques.
«L’approche d’EQUSPACE est essentielle pour garantir que l’Europe reste compétitive dans ce domaine en rapide évolution,» souligne pour conclure le professeur Juha Muhonen, coordinateur du projet. Le financement, intégré au programme Horizon Europe, débutera le 1er février 2025 sous la direction de l’Université de Jyväskylä.
Légende illustration : Dans l’implanteur d’ions uniques TIBUSSII (Triple Ion Beam UHV System for Single Ion Implantation), il est possible d’introduire de manière ciblée des atomes étrangers individuels dans un matériau, par exemple pour créer des qubits. ©Copyright : B. Schröder / HZDR
Source: Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf