L’hydrogène vert représente une alternative énergétique avec des ambitions considérables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, la concrétisation des projets annoncés rencontre des obstacles significatifs. Comment les acteurs du marché et les politiques publiques peuvent-ils concilier les aspirations environnementales avec les réalités économiques et réglementaires ?
Sur les trois dernières années, les annonces de projets mondiaux pour l’hydrogène vert ont presque triplé. «Mais, seulement 7% de la capacité de production initialement annoncée pour 2023 a été achevée à temps durant cette période» a indiqué Adrian Odenweller, chercheur au PIK et auteur principal.
Les problèmes récents avec le démarrage du marché de l’hydrogène vert s’expliquent par une augmentation des coûts, un manque de volonté de payer du côté de la demande et des incertitudes concernant les subventions futures et la réglementation.
Les défis de financement
Falko Ueckerdt du PIK a souligné : «Des subventions supplémentaires énormes, d’environ un trillion de dollars américains, seraient nécessaires pour réaliser tous les projets d’hydrogène annoncés d’ici 2030.»
L’hydrogène vert continuera à avoir des difficultés à répondre aux attentes élevées en raison d’un manque de compétitivité. Toutefois, les subventions permanentes ne constituent pas une solution. Les deux chercheurs recommandent donc l’utilisation d’instruments côté demande, tels que des quotas contraignants, pour canaliser spécifiquement l’hydrogène vert vers des secteurs difficiles à électrifier comme l’aviation, l’acier ou les produits chimiques.
Par exemple, selon une régulation de l’UE, 1,2 pour cent de tous les carburants d’aviation devront être mélangés avec des carburants synthétiques basés sur l’hydrogène à partir de 2030, ce quota devant atteindre 35 pour cent d’ici 2050.
Les subventions et les écarts
Dans leur étude, les chercheurs ont quantifié trois écarts clés entre la théorie et la pratique : l’écart d’implémentation passé, l’écart d’ambition futur et l’écart d’implémentation futur.
Le premier résulte de la différence entre les projets d’hydrogène initialement annoncés et ceux effectivement réalisés en 2023. L’écart d’ambition fait référence à la disparité entre la quantité d’hydrogène nécessaire d’ici 2030 selon les scénarios à 1,5 degré et les projets actuellement annoncés pour 2030. Bien que les projets annoncés soient suffisants pour la majorité des scénarios analysés, un large écart d’implémentation persiste : les subventions nécessaires pour réaliser tous les projets d’ici 2030 dépassent de loin les soutiens financiers publics annoncés à l’échelle mondiale.
Les données et les projections
L’étude repose sur une base de données globale et vérifiée manuellement, comprenant 1232 projets d’hydrogène vert annoncés jusqu’en 2030. Pour chacun des 14 usages finaux des projets, les auteurs ont calculé l’écart de compétitivité entre le produit vert et son concurrent fossile. En combinant le volume et le calendrier des annonces de projets, ils ont déterminé les subventions nécessaires pour réaliser tous les projets d’ici 2030.
Les chercheurs mettent en garde contre les pièges des énergies fossiles, qui pourraient lier les entreprises aux combustibles fossiles et ainsi mettre en péril les objectifs climatiques. À long terme, une transition vers des mécanismes de marché neutres en technologie, comme la tarification du carbone, s’avère essentielle pour limiter les coûts publics et assurer une égalité de traitement avec d’autres options de réduction des émissions. Ils recommandent donc une stratégie robuste qui soutient les projets d’hydrogène à court terme par des subventions directes et une réglementation côté demande, mais qui se fonde sur des attentes réalistes concernant l’hydrogène.
Légende illustration : En 2023, moins de 10 % de la production d’hydrogène vert initialement annoncée a été réalisée.
Article : ‘Green Hydrogen ambition and implementation gap’ / ( 10.1038/s41560-024-01684-7 ) – Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) – Publication dans la revue Nature Energy
Source : PIK Postdam