Filière solaire : 4 propositions aux parlementaires

L’Association des Producteurs d’Electricité Solaire Indépendants (APESI) a présenté mercredi à l’Assemblée Nationale 4 propositions destinées à assurer un développement pérenne et juste de la filière photovoltaïque française.

Dans un contexte de changements réglementaires successifs ayant fragilisé le secteur depuis plusieurs mois et de la parution en août 2010 d’un rapport contesté de l’Inspection Générale des Finances, l’APESI, représentée par M. Hadrien Clément, a été entendue mardi 16 novembre 2010 à l’Assemblée Nationale, par la Commission du Développement Durable, présidée par M. Christian Jacob, et la Commission des Affaires Economiques, présidée par M. Serge Poignant.

Cette audition avait pour objectif de présenter la vision de l’APESI sur la filière photovoltaïque et ses enjeux, et de détailler quelques pistes de réforme de la filière afin de répondre à la problématique essentielle à laquelle est confrontée le Gouvernement : comment soutenir l’émergence d’une industrie créatrice de valeur et d’emplois, sans peser financièrement sur la Collectivité d’une manière excessive ?

Sans nier le surcoût actuel de l’énergie photovoltaïque, l’APESI a démontré aux Parlementaires la capacité de la filière à générer des gains financiers dès aujourd’hui, que ce soit en termes de création d’emplois : 25.000 aujourd’hui, et 60.000 en 2020, d’impôts : jusqu’à 7 milliards d’Euros d’impôt sur les sociétés et de TVA sur les 10 prochaines années, et de taxes locales : jusqu’à 2 milliards d’Euros redistribués aux Collectivités Locales.

Autant d’éléments qui sont étrangement absents du rapport de l’Inspection Générale des Finances piloté par Jean-Michel Charpin, qui n’insiste que sur les coûts nécessaires à l’émergence de la filière, pourtant très largement compensés par cette création de richesse pour la Collectivité.

Les propositions de l’APESI, qui s’inscrivent dans cette logique d’un nécessaire équilibre entre les coûts et les gains de la filière, se décomposent en 4 axes majeurs :

1.
Un assainissement de la file d’attente actuelle, essentiellement constituée de projets initiés dans les conditions réglementaires et tarifaires de 2009, et qui, pour beaucoup, ne se réaliseront jamais : une radiation immédiate de ces projets permettrait d’améliorer la connaissance réelle de cette file d’attente,

2. Cette réforme pourrait s’accompagner d’un durcissement des conditions de réalisation des projets une fois le tarif de rachat validé, mesure destinée à améliorer la transparence et lutter contre les risques de spéculation,

3. Une réévaluation des objectifs de production en 2020 à 4% de la consommation d’électricité, afin de permettre à la France de respecter son engagement de 23% d’énergie renouvelable grâce au photovoltaïque (l’Allemagne devrait atteindre 8% à cette même date),

4. Un mécanisme automatique de baisse des tarifs de rachat indexée sur l’évolution du coût d’installation des projets photovoltaïques, de manière à éviter la constitution d’effets d’aubaine en plafonnant de facto la rentabilité des porteurs de projets.

Ces 4 propositions ont vocation à créer un cadre stable, nécessaire au renforcement de la filière industrielle qui a émergé depuis 2 ans et qui a besoin de visibilité pour poursuivre ses investissements : en 2010, contrairement aux idées reçues, 75% à 80% des investissements réalisés en France ont été captés par des entreprises françaises (et seulement 20% à 25% d’importations, essentiellement allemandes, espagnoles et chinoises), ce qui explique, en partie, la multiplication par 2 du nombre d’emplois de la filière entre 2009 et 2010. Cette industrie française ne peut subsister et se développer face à la concurrence européenne et asiatique, et commencer à exporter, que si elle peut compter sur un marché domestique solide et ambitieux à long terme, réparti de manière équilibrée entre des centrales en toitures et des centrales au sol.

Selon l’APESI, ces propositions se présentent enfin en alternative aux différentes solutions préconisées par le rapport de l’IGF, en particulier des baisses successives et imprévisibles des tarifs de rachat, des quotas annuels ou des systèmes d’appels d’offre pour les centrales au sol, qui ont toutes pour conséquence de casser la dynamique de création d’emplois de la filière et de faire disparaître le tissu de PME au profit de quelques grands acteurs nationaux ou internationaux, voire d’un seul qui ajouterait à son monopole nucléaire, celui du photovoltaïque comme cela est en train de se produire.

Et ceci rappelle l’Association au mépris de l’enjeu fondamental de la filière photovoltaïque française : "faire baisser le plus rapidement possible le coût de production du kWh photovoltaïque, afin de minimiser les impacts financiers pour la Collectivité et atteindre la parité réseau, attendue dès 2016-2018 pour les centrales au sol (les moins coûteuses) et 2020 pour les centrales en toiture. Ni les systèmes de quotas, ni les systèmes d’appels d’offres ne permettront de remplir cet objectif, comme le récent abandon de l’appel d’offre national lancé en 2009 (justement pour cette raison) en est le symbole le plus évident".

Paradoxalement, en voulant à tout prix limiter les capacités annuelles à 500 MWc (soit l’équivalent des installations mensuelles en Allemagne ), baisser les tarifs de rachat (en particulier pour les centrales en toiture qui ont perdu 40% de chiffre d’affaires en 9 mois) et entraver le développement des centrales au sol (par un système d’appel d’offres ou de quotas), les préconisations de l’IGF risquent de contrecarrer les efforts actuels (et couronnés de succès) de diminution des coûts de production, et de condamner la France à demeurer structurellement en retrait du marché mondial du photovoltaïque.

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Lorent

Indiquer les gains pour la société en matière d’emploi et impôt est en effet pertinent. On peut ajouter qu’il n’existe pas, dans les pays modernes, d’activité industrielle où 100% de la valeur ajoutée est nationale. Dans une usine automobile, les composants sont bien souvent issus de pays low cost, et il serait suicidaire de demander aux constructeurs automobiles de nationaliser tous leurs achats. Pour le photovoltaïque, qui peut raisonnablement croire que 100% de la valeur ajoutée sera française ? Si on fait un bilan, la main d’oeuvre d’installation est française, les supports sont bien souvent français, les financement bancaires sont français, l’exploitation (et donc les impôts) est française. Il reste les onduleurs et les modules dont une part importante est importée. Quelle est la part de valeur ajoutée de ces équipements ? 50% de leur prix d’achat ? Le reste étant de la matière. Au final, sur une chaine de valeur (hors matière) de 100, la part de valeur ajoutée importée ne doit pas excéder les 25%. Pas si mal, et même plutôt bien.

michel123

Ne pas étouffer une filière naissante , d’accord , mais ne pas peser à l’excés sur le consommateur qui in fine paiera le surcoût. Pour cela un système de quota me semble tout à fait licite , il faut choisir entre : – les menaces de baisse brutale de prix en cas d’emballement des coûts induits par ces rachats imposés – ou le système des quotas. A choisir le système de quota est moins risqué financièrement pour les installateurs et permet de planifier en fonction de l’acceptation des dossiers( à condition qu’il n’y ait pas de favoritisme). Une autre possibilité serait d’offrir aux possesseurs de centrale PV de proposer eux même des contrats avec des prix de rachat sur 20 ans infèrieurs aux prix de référence actuels(une sorte de mise aux enchères négatives ) pour pousser les prix vers le bas tout en gardant une marge de rentabilité ( je suppose que personne ne proposerait de vendre son courant à perte )

pooflo

A Michel 123 Bien vu le coup des enchères inversées: cela permettrait d’encourage les meilleurs projets et permettrait de connaître réellement le prix de revient du kWh solaire. Par contre cela doperait certainement l’importation de panneaux chinois..

fredo

Les enchères inversées ont été utilisées dans l’appel à projets de 2009 qui a été annulé, puisque les diminutions successives de tarifs de rachat ont elles-même correspondu à des enchères inversées! Pour la future baisse de tarif, au dessus d’une certaine puissance en centrale au sol, il serait en revanche interessant d’encourager le stockage des enr, comme pour le dernier AO éolien dans les DOM. C’est un domaine où beaucoup reste à faire, et où la France compte déjà des atouts, avec Saft, le CEA, et ses spin offs ((McPhy) par exemple.

Sicetaitsimple

“afin de minimiser les impacts financiers pour la Collectivité et atteindre la parité réseau attendue dès 2016-2018 pour les centrales au sol (les moins coûteuses)” Le communiqué est très politiquement correct… Mais parler de parité réseau pour une centrale au sol qui injecte uniquement sur le réseau est tout simplement une absurdité, sauf si en 2018 le PV au sol atteint un coût de l’ordre de 50à 70€2010/MWh, ce qui est (à mon avis) strictement impossible… Une fois de plus, la parité réseau ne commence à prendre du sens que s’il y a une autoconsommation du PV produit inférieure à la consommation totale de l’entité ( particulier, usine,..) concernée.Et même dans ces conditions, elle n’est pas neutre sur les tarifs d’acheminement (TURPE)