Les prix élevés du pétrole et la raréfaction des ressources poussent les compagnies pétrolières à explorer de manière intensive le domaine arctique.
Le potentiel de cette zone en hydrocarbures (pétrole et gaz) permet d’envisager le développement de nouveaux gisements. Ce qui pourrait constituer une nouvelle source d’approvisionnement pour l’Asie du sud, particulièrement demandeuse en énergie.
Mais l’exploration et la production des gisements "polaires", qui relèvent du défi technologique du fait des conditions climatiques extrêmes, sont également contraintes par de forts enjeux environnementaux.
Interview de Roland Vially, géologue à IFP Energies nouvelles.
Où se situe l’Arctique ?
La zone arctique est la portion du globe terrestre centrée sur le pôle Nord et s’étendant jusqu’au cercle polaire. L’Arctique est occupé par un tiers de mer et deux tiers de terre, ce qui représente 4,1 % de la surface du globe.Cinq pays riverains sont concernés par l’exploitation pétrolière de cette zone : la Norvège, la Russie, les USA, le Canada et le Groenland.
Mais les hydrocarbures ne sont pas les seules ressources cachées de l’Arctique suscitant la convoitise des pays voisins et des compagnies internationales. Cette zone semble également receler des gisements de diamants, de minerais d’or, d’argent, de cuivre, de plomb ou encore de zinc.
Quel est le potentiel d’hydrocarbures en Arctique ?
La zone arctique couvre une superficie d’environ 40 fois la France. Dans cette zone les réserves prouvées d’hydrocarbures liquides sont de l’ordre de 84 milliards de barils (5% des réserves mondiales soit 2,5 ans de consommation mondiale). Les réserves prouvées de gaz sont estimées à plus de 51 000 milliards de m3 (près de 25% des réserves mondiales soit plus de 17 ans de consommation mondiale), notamment du fait de la richesse en gaz des bassins ouest sibériens.
L’Arctique apparaît donc comme une zone particulièrement intéressante pour ses réserves en gaz. Si les estimations des ressources qu’il reste à découvrir varient beaucoup d’une source à l’autre (entre 65 et 412 Milliards de barils équivalent pétrole), c’est en grande partie lié à la faible connaissance de la géologie de nombreux bassins sédimentaires, notamment dans le domaine offshore.
Mais l’on s’interroge sur le potentiel économique réel de ces zones arctiques. La rentabilité des gisements est encore incertaine. Les forages en conditions extrêmes pour exploiter ces hydrocarbures nécessitent des investissements colossaux. Ils ne seront justifiés que par la découverte de champs géants. Surtout, le développement de l’Arctique ne sera rentable que dans un contexte de prix élevé des hydrocarbures.
Quels sont les défis techniques ?
Les défis technologiques sont liés à l’exploitation dans des milieux extrêmes :
• Techniques de forage au milieu de la banquise nécessitant un renforcement des plateformes pour résister à d’éventuelles collisions avec des icebergs et une surveillance constante du déplacement de ces derniers,
• Matériaux capables de supporter de grands froids (températures pouvant atteindre jusqu’à – 50°),
• Instabilité des sols due au dégel saisonnier.
Le recours à des technologies très spécifiques, tenant compte de ces conditions difficiles, engendre des coûts considérables. L’important éloignement des zones de production de celles de consommation et les difficultés de transport associées (difficultés d’implantation et de maintenance des pipelines) impliquent également des investissements colossaux pour l’évacuation des hydrocarbures.
Quels sont les enjeux environnementaux ?
L’Arctique correspond à un environnement écologique sensible qui demande des mesures particulières et coûteuses pour exploiter ses ressources de manière responsable.
La zone arctique abrite en effet un écosystème extrêmement vulnérable (saison de reproduction très courte, espèces peu nombreuses, eaux jouant un rôle primordial dans la chaîne alimentaire des océans), et déjà déstabilisé par le réchauffement climatique actuellement en cours. Les cadres légaux et les réglementations spécifiques doivent donc imposer un développement raisonné de cette ressource.
Il faut aussi préserver l’intérêt des peuples autochtones. Environ quatre millions d’humains vivent dans le domaine Arctique aujourd’hui. L’équilibre des populations autochtones risque d’être affecté par l’arrivée d’un grand nombre d’exploitants. Une dilution de cette population attirée par de nouvelles sollicitations face à la réduction de leurs terres d’élevage pourrait conduire à la disparition d’une civilisation. Ainsi, même si ces contraintes fortes vont rajouter des coûts et de la complexité, le développement des richesses de l’Arctique se doit de préserver cet univers et de respecter l’intérêt de ses populations.
Roland Vially est géologue à IFP Energies nouvelles. Il a réalisé de nombreuses études sur l’évaluation du potentiel pétrolier. Il a notamment été en charge de la réévaluation du potentiel pétrolier des bassins sédimentaires français. De 2002 à 2009, il participe au projet EXTRAPLAC qui a pour but d’élaborer les demandes d’extension du plateau continental français auprès de l’ONU. Il suit aujourd’hui toutes les questions relatives à l’évaluation des ressources et des réserves d’hydrocarbures et est responsable d’un projet sur les hydrocarbures non conventionnels.
l’IFP serait donc contre l’exploitation de l’Arctique?