Face à l’urgence climatique et aux limites des ressources fossiles, les scientifiques explorent de nouvelles voies pour concevoir des carburants et produits chimiques sans compromettre davantage la planète. Une équipe internationale a récemment mis au point une technologie innovante qui pourrait redéfinir la production d’hydrocarbures tout en réduisant l’empreinte carbone. Cette initiative s’appuie sur une feuille artificielle capable de transformer le dioxyde de carbone en molécules complexes grâce à un catalyseur unique.
Des chercheurs issus de deux institutions prestigieuses – l’Université de Cambridge et l’Université de Californie à Berkeley – ont uni leurs efforts pour développer une méthode inédite de fabrication d’hydrocarbures. Leur approche repose sur une feuille artificielle conçue pour imiter le processus naturel de photosynthèse. En utilisant un matériau photovoltaïque appelé pérovskite, cette feuille absorbe efficacement la lumière solaire, tandis qu’un catalyseur sous forme de fleurs nanométriques de cuivre convertit le dioxyde de carbone en molécules utiles.
La particularité de ce système réside dans sa capacité à générer non seulement des hydrocarbures simples mais également des composés plus complexes tels que l’éthane et l’éthylène. Ces molécules, dotées de deux atomes de carbone, constituent des éléments clés pour la synthèse de carburants liquides, de plastiques et d’autres produits chimiques essentiels.
« Nous voulions aller au-delà de la simple réduction du dioxyde de carbone et produire des hydrocarbures plus complexes, mais cela nécessite une quantité d»énergie significativement supérieure », a indiqué le Dr Virgil Andrei, principal auteur de l’étude.
Un catalyseur révolutionnaire au cœur du dispositif
Le catalyseur en cuivre, dont la structure rappelle celle de fleurs microscopiques, joue un rôle central dans le mécanisme développé. Contrairement à la plupart des catalyseurs métalliques, qui ne permettent de produire que des molécules à un seul atome de carbone, ces nano-fleurs facilitent la formation de composés plus élaborés. Pour améliorer encore l’efficacité énergétique du système, des électrodes en nanofils de silicium ont été intégrées. Celles-ci oxydent le glycérol, un composé organique courant, au lieu de scinder l’eau.
Cette innovation a permis d’atteindre des performances 200 fois supérieures à celles des systèmes précédents basés sur la dissociation de l’eau et du dioxyde de carbone. « Le glycérol est souvent considéré comme un déchet, mais ici, il joue un rôle essentiel en augmentant la vitesse de réaction », a souligné Virgil Andrei. Grâce à une conception minutieuse de la surface du catalyseur, il devient possible d’influencer la nature des produits générés, rendant le procédé plus sélectif.
Outre la production d’hydrocarbures, la réaction engendre également des substances à haute valeur ajoutée telles que le glycérate, le lactate et le formiate. Ces composés trouvent des applications dans des secteurs variés, notamment la pharmacie, les cosmétiques et la synthèse chimique.
Vers une économie circulaire et neutre en carbone
Bien que la sélectivité actuelle de la conversion CO₂-hydrocarbures se situe autour de 10 %, les chercheurs manifestent un optimisme prudent quant à l’amélioration future de leur catalyseur. Ils envisagent d’étendre leur plateforme à des réactions organiques encore plus complexes, ce qui pourrait stimuler l’innovation dans la production durable de produits chimiques.
Les résultats obtenus illustrent comment une collaboration internationale peut aboutir à des avancées scientifiques majeures. « Ce projet est un excellent exemple de la manière dont des partenariats mondiaux peuvent conduire à des progrès scientifiques impactants », a affirmé Virgil Andrei. L’alliance entre les expertises de Cambridge et de Berkeley a permis de concevoir un système susceptible de remodeler la manière dont les carburants et produits chimiques précieux sont fabriqués de manière durable.
En transformant le dioxyde de carbone, l’eau et le glycérol en carburants et produits chimiques propres, cette technologie pourrait accélérer la transition vers une économie circulaire et neutre en carbone. Les implications industrielles et environnementales de cette recherche restent vastes, offrant ainsi une alternative viable aux méthodes traditionnelles reposant sur les combustibles fossiles.
Légende illustration : De minuscules « nano-fleurs » de cuivre ont été fixées à une feuille artificielle pour produire des carburants et des produits chimiques propres qui constituent l’épine dorsale de l’énergie et de la fabrication modernes. Crédit : Virgil Andrei
Article : ‘Perovskite-driven solar C2 hydrocarbon synthesis from CO2’ / ( 10.1038/s41929-025-01292-y ) – University of Cambridge – Publication dans la revue Nature Catalysis