La transition énergétique mondiale vers des sources d’énergie plus durables soulève de nombreuses questions quant à la gestion des anciens puits de pétrole et de gaz. En effet, ces puits doivent être bouchés de manière à protéger l’environnement et à prévenir les fuites. Une nouvelle approche pourrait s’avérer plus écologique et moins coûteuse que la solution actuelle.
Un défi de taille pour l’industrie pétrolière et gazière
Au cours des 25 prochaines années, alors que le monde s’éloignera des combustibles fossiles, les puits de pétrole et de gaz qui ont soutenu l’ère des combustibles fossiles devront être bouchés. Cela peut sembler anodin, mais il n’en est rien. Rien que sur le plateau continental norvégien, plus de 2000 puits devront être bouchés.
Selon Harald Linga, directeur du centre SWIPA, un centre d’innovation basé sur la recherche basé à SINTEF, le plus grand institut de recherche indépendant de Scandinavie, le coût de cette opération en utilisant la technologie actuelle dépassera les 800 milliards de couronnes norvégiennes, soit 73 milliards de dollars américains. Et bien que les compagnies pétrolières soient responsables du bouchage des puits, les contribuables norvégiens devront assumer 78 % de ces coûts.
Et ce n’est que la Norvège. Le nombre total de puits de pétrole dans le monde pourrait se chiffrer en millions, et tous devront un jour être bouchés.

À la recherche d’alternatives
La technologie actuelle implique l’utilisation d’un bouchon de ciment pouvant mesurer entre 50 et 100 mètres de long. Ces bouchons, il s’avère, ne sont pas si efficaces. Ils peuvent développer des fuites à long terme, pour de nombreuses raisons différentes, explique Lewaa Hmadeh, doctorant au département de géosciences et de pétrole de l’NTNU, également affilié à SWIPA.
L’un des problèmes les plus préoccupants est que les puits de pétrole abandonnés qui fuient peuvent être une source importante d’émissions de gaz à effet de serre.
« Chaque année, l’Association norvégienne du pétrole et du gaz établit une feuille de route pour les nouvelles technologies de bouchage et d’abandon nécessaires pour résoudre les problèmes rencontrés par l’industrie, et depuis 2015, la recherche d’une alternative au ciment a toujours été présente », a ajouté Lewaa Hmadeh.

Le bismuth, une solution prometteuse
Les recherches doctorales de Lewaa Hmadeh portent sur l’étude de l’utilisation du bismuth comme substitut et/ou additif pour le bouchage des puits. Il fait partie des nombreux scientifiques du monde entier qui tentent de trouver une meilleure solution à ce défi. Et si ses premiers résultats sont révélateurs, un mélange de bismuth et d’étain pourrait offrir à l’industrie pétrolière une solution plus sûre et moins coûteuse que le ciment pour le bouchage des puits.
Les alliages de bismuth sont imperméables, ce qui signifie qu’il n’y a aucun risque de fuite à travers le bouchon, explique le scientifique. Et contrairement au ciment, qui se contracte en durcissant, les alliages de bismuth se dilatent en se solidifiant. Ils conservent également leur intégrité à long terme, car ils ne sont pas affectés par la corrosion, le CO2 ou le sulfure d’hydrogène. Ils ont également un temps d’installation réduit en raison du durcissement rapide de l’alliage.
Des résultats prometteurs en laboratoire
Les expériences de laboratoire ont comparé les performances des alliages de bismuth à celles des bouchons de ciment. Dans une étude, le chercheur a effectué un test de fuite dans des tuyaux en acier, comparables à un puits de pétrole, avec un bouchon de ciment de 185 mm et un bouchon d’alliage bismuth-étain de 121 mm.
Lorsque Lewaa Hmadeh a effectué des tests hydrauliques de «push-out» et des tests de fuite avec de l’azote gazeux, il a constaté que les bouchons en alliage de bismuth présentaient une résistance plus élevée à la pression appliquée et une migration de gaz réduite par rapport au ciment, ce qui signifie que l’alliage de bismuth assure une meilleure étanchéité.
Cependant, il souligne qu’il y a encore un long chemin à parcourir entre le laboratoire et les puits réels, et que beaucoup plus de travail est nécessaire.
« Notre équipe à l’NTNU fait un excellent travail en rendant les connaissances approfondies sur cette nouvelle technologie publiques et accessibles à tous », a-t-il indiqué. « Il est trop tôt pour tirer des conclusions. Mais ce bouchon a un grand potentiel. Nous devons le mettre à l’échelle pour voir comment il se comportera à différentes longueurs, ce qui prendra quelques années. »
Références :
Hmadeh, Lewaa, Manataki, Andriani, Jaculli, Marcelo Anunciação, Elahifar, Behzad, and Sigbjørn Sangesland. “A Sealability Study on Bismuth-Tin Alloys for Plugging and Abandonment of Wells.” SPE J. (2024;): doi: https://doi.org/10.2118/219744-PA
Lewaa Hmadeh, Marcelo Anunciação Jaculli, Behzad Elahifar, Sigbjørn Sangesland, Development of bismuth-based solutions for well plugging and abandonment: A review, Petroleum Research, 2024, ISSN 2096-2495, https://doi.org/10.1016/j.ptlrs.2024.01.003.