Les structures métallo-organiques poreuses, également appelées MOF, pourraient permettre une augmentation significative de l’efficacité de la production photocatalytique d’hydrogène propre. Des ingénieurs chimistes ont rédigé un état des lieux complet de leur domaine et un plan des axes de recherche à privilégier.
La production d’hydrogène propre demeure une opération énergivore et donc coûteuse, ce qui freine la lutte contre le réchauffement climatique. Les structures métallo-organiques poreuses – en quelque sorte de minuscules « éponges » moléculaires – semblent promises à améliorer radicalement le rendement de la production photocatalytique d’hydrogène grâce à leurs propriétés structurales uniques.
Cependant, les recherches sur ce sujet font face à des défis considérables. Un groupe d’ingénieurs chimistes a rédigé un état des lieux du domaine ainsi qu’une feuille de route des axes de recherche à privilégier pour maximiser les chances de progrès.
Des structures plein de potentiel
Leur article de synthèse a été publié dans la revue Polyoxometalates début août 2023.
L’hydrogène sera nécessaire pour permettre la transition vers des énergies propres, que ce soit comme mécanisme de stockage d’énergie, comme intrant pour des carburants propres ou comme combustible propre directement, ou pour la production d’acier et d’ammoniac décarbonés. Mais l’hydrogène lui-même doit être produit de manière propre, par le fractionnement de l’eau en ses composants.
Malheureusement, un tel fractionnement de l’eau est très énergivore, ce qui renchérit le coût de production d’hydrogène propre. Si l’on veut que l’hydrogène propre soit compétitif face à l’hydrogène sale – généralement produit par fractionnement du méthane, un gaz à effet de serre -, il faut que le fractionnement de l’eau devienne bien plus efficace.
L’une des options les plus discutées pour améliorer l’efficacité est le fractionnement photocatalytique de l’eau assisté par des structures métallo-organiques poreuses, ou MOF.
Tout d’abord, l’énergie du rayonnement solaire active le photocatalyseur – un matériau qui démarre et accélère la réaction de fractionnement de l’eau. Imaginez ensuite une structure de type Lego, mais où les briques Lego sont remplacées par des amas métalliques – de larges groupes d’atomes métalliques – et où les connecteurs entre ces amas sont des molécules organiques. Ces structures forment des réseaux poreux en 3D qui fonctionnent un peu comme des éponges pour absorber des liquides dans leurs pores.
Mais ces « éponges » métallo-organiques, ou plus précisément ces structures métallo-organiques poreuses (MOF), sont si petites qu’elles opèrent au niveau moléculaire, permettant aux scientifiques de piéger, stocker ou séparer divers gaz et produits chimiques à l’intérieur.
Des atouts décisifs
Les MOF peuvent être déterminantes pour le fractionnement photocatalytique de l’eau grâce à leurs propriétés uniques, notamment leur capacité à absorber la lumière du soleil qui déclenche l’ensemble du processus.
La recherche sur le rôle des MOF pour le fractionnement photocatalytique de l’eau a explosé ces dernières années, et les auteurs ont donc jugé qu’il était temps de rédiger un article de synthèse sur le sujet.
L’article de synthèse expose d’abord les principaux avantages des MOF dans ce contexte.
Certains MOF peuvent absorber la lumière du soleil et transférer ensuite cette énergie à d’autres matériaux ou l’utiliser directement pour entraîner la réaction de fractionnement de l’eau. De plus, le rendement d’un photocatalyseur dépend en grande partie de sa capacité à exciter les électrons pour qu’ils franchissent un « saut de bande » depuis le niveau de valence d’un atome jusqu’à son niveau de conduction – où ces électrons excités peuvent alors circuler librement dans un courant électrique. Les MOF peuvent être conçues et modifiées pour optimiser leurs sauts de bande, les rendant plus aptes à absorber la lumière visible.
« Les MOF ont également une grande surface spécifique de par leur nature poreuse, » explique Huan Pang, l’un des auteurs de l’article et ingénieur chimiste à l’École de chimie et génie chimique de l’Université de Yangzhou. « Imaginez toute cette surface interne encapsulée dans les pores. »
Cette surface supplémentaire signifie que les MOF offrent un plus grand nombre d’emplacements où peuvent se produire les réactions chimiques de fractionnement de l’eau – des emplacements appelés « sites actifs ».
Plus il y a de sites de réaction, plus le fractionnement de l’eau est efficace.
Les MOF peuvent aussi servir de supports pour d’autres matériaux photocatalytiques, assurant leur stabilité et leur dispersion. Cela peut empêcher l’agglomération (formation de grumeaux) des particules photocatalytiques, qui peut réduire leur efficacité.
« Et l’un des plus grands avantages des MOF est leur polyvalence extrême, » ajoute Yang An, co-auteur de l’article à l’Institut pour les matériaux et l’énergie innovants de l’Université de Yangzhou. « Les ingénieurs chimistes peuvent personnaliser les structures MOF en sélectionnant différents métaux et ligands organiques, permettant ainsi de concevoir des MOF spécifiquement adaptées pour un fractionnement photocatalytique efficace de l’eau. »
Des pistes prometteuses
Les auteurs ont également exposé certaines des pistes les plus prometteuses pour améliorer l’utilisation des MOF pour le fractionnement photocatalytique de l’eau, en particulier le développement de MOF à double sites actifs – des sites à la fois pour les deux parties de la réaction chimique de fractionnement de l’eau : la « réaction d’évolution de l’hydrogène » et la « réaction d’évolution de l’oxygène ».
Des sites actifs doubles peuvent fournir davantage de sites pour l’adsorption (le processus par lequel les molécules d’une substance se fixent à la surface d’une autre substance) et l’activation des molécules d’eau. L’article propose que les sites actifs doubles puissent être obtenus en introduisant deux types différents d’ions métalliques ou de ligands organiques dans la structure MOF, ou en introduisant un cocatalyseur (matériau utilisé conjointement avec un photocatalyseur pour améliorer ses performances, dans ce cas un métal noble) à la surface de la MOF.
Toutefois, l’article note également que la conception et la synthèse de MOF à double sites actifs restent une tâche difficile. En effet, cela nécessite un contrôle précis de la structure et de la composition de la MOF.
De plus, l’introduction de deux types différents d’ions métalliques ou de ligands organiques dans la structure MOF, ou l’introduction d’un cocatalyseur à la surface de la MOF, peut affecter la stabilité et l’activité de la MOF. Faire progresser le développement de MOF à double sites actifs nécessite de prendre en compte attentivement des facteurs tels que la taille et la forme des cristaux MOF, la disposition des atomes autour de l’ion métallique central de la MOF, et les interactions entre la MOF et le cocatalyseur, concluent les auteurs.
Enfin, l’article suggère que les performances des MOF à double sites actifs peuvent être affectées par des facteurs tels que la quantité de charge et la répartition du cocatalyseur, la surface spécifique et la porosité de la MOF, ainsi que les conditions de réaction.
En synthèse
Les structures métallo-organiques poreuses ou MOF sont très prometteuses pour améliorer de manière significative l’efficacité de la production d’hydrogène propre par photocatalyse. Leurs propriétés uniques, comme leur capacité à absorber la lumière du soleil et leur grande surface spécifique, sont des atouts décisifs. Le développement de MOF à double sites actifs est une piste prometteuse mais qui nécessite encore des progrès dans le contrôle précis de leur structure.
Pour une meilleure compréhension
Qu’est-ce que le fractionnement photocatalytique de l’eau ?
Le fractionnement photocatalytique de l’eau consiste à utiliser un photocatalyseur activé par la lumière du soleil pour séparer les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène. C’est une méthode de production d’hydrogène propre.
Quels sont les avantages des MOF ?
Les MOF ont une grande capacité d’absorption de la lumière, une grande surface spécifique, et leur structure est facilement modulable pour optimiser leurs propriétés. Elles peuvent aussi servir de support à d’autres photocatalyseurs.
Comment optimiser l’utilisation des MOF ?
En développant des MOF à double sites actifs pour les réactions d’évolution de l’hydrogène et de l’oxygène. Mais leur conception précise reste un défi. L’optimisation des conditions de réaction est aussi importante.
Quels sont les défis à relever ?
Le contrôle précis de la structure et de la composition des MOF, en particulier avec l’introduction de cocatalyseurs. La stabilité des MOF doit aussi être assurée.
Comment ce domaine va-t-il évoluer ?
Les recherches vont se concentrer sur l’optimisation des MOF à double sites actifs et des conditions de réaction pour exploiter pleinement leur potentiel pour la production d’hydrogène propre.
Quels sont les enjeux ?
Rendre la production d’hydrogène propre plus efficace et compétitive, pour permettre la transition énergétique et la décarbonation de l’industrie.
Quelles applications concrètes ?
Production décarbonée d’acier, d’engrais, stockage d’énergie renouvelable, carburants propres, pile à combustible...
Légende illustration principale : non contextualisé
Article : « Metal-organic Framework-based Materials for Photocatalytic Overall Water Splitting: Status and Prospects » – DOI: 10.26599/POM.2023.9140030